vendredi 28 juin 2024

Comment continuer l’exploration et l’exploitation de la Lune sans la polluer ?

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Aforce de vouloir décrocher la Lune, ne risque-t-on pas de l’abîmer ? Prévoyantes, les Nations unies ont tenu, ce mardi à Vienne, leur toute première conférence sur les activités lunaires durables. Alors que le satellite de la Terre concentre une kyrielle de projets spatiaux, le Bureau des affaires spatiales des Nations unies (l’Unoosa) tente d’instaurer un cadre à cette course à la Lune.

« Le traité de 1967, la base du droit international applicable à l’espace, précise que les Etats doivent s’abstenir de le contaminer », explique Laëtitia Cesari, juriste spécialisée en droit des activités spatiales chez De Gaulle Fleurance. Mais « au début de l’exploration spatiale, il n’y avait pas de sensibilité quant à la pollution de l’espace », admet Olivier Sanguy, responsable de l’actualité spatiale à la cité de l’espace de Toulouse. A la surface de l’astre de nombreux vestiges du passage de l’être humain prennent donc la poussière lunaire.

   Un astre « loin du débordement de pollution »

« Certaines choses datent des années 1970. Quand un objet envoyé sur la Lune ne fonctionne plus, on le laisse sur place », explique Laëtitia Cesari. « Techniquement, la Lune est polluée », note Olivier Sanguy qui cite aussi les « engins tombés en panne » ainsi que les « étages de fusées qui se sont écrasés » au fil des expérimentations humaines. Toutefois, « on est loin du débordement de pollution », tempère le responsable de l’actualité spatiale à la cité de l’espace de Toulouse.

Si vous imaginiez, par-delà les océans et l’atmosphère, un huitième continent de plastique, rassurez-vous. Par rapport à sa taille, semblable à celle du continent africain, la Lune est très peu polluée. Mais la prudence reste toutefois de mise. Par exemple, « on ne sait pas quelle pourrait être la conséquence de l’apport de matériaux organiques sur les astres », souligne Laëtitia Cesari qui ajoute qu’il est difficile de savoir si cela « bouleverserait l’équilibre de la Lune ».

Contrairement à la Terre, « la Lune est un astre mort, donc avant d’avoir un impact réel sur son écosystème (peut-on même parler d’écosystème ?), il faut se lever tôt », assure Olivier Sanguy. Les Etats et leurs agences spatiales s’attachent toutefois à surveiller de près ce qui est envoyé dans l’espace. « En 2019, une mission pour la Lune a ajouté à son vaisseau des milliers de tardigrades [de microscopiques animaux] au dernier moment et cette histoire a entraîné des inquiétudes quant à une contamination de l’astre », se souvient Laëtitia Cesari.

   Protéger les recherches scientifiques et l’avenir

En général toutefois, « les acteurs de la course spatiale s’attachent à ne pas polluer les corps célestes qu’ils explorent », assure Olivier Sanguy. Il y a plusieurs raisons à cela. « D’abord, c’est plus éthique. Ensuite, les Etats veulent obtenir l’adhésion du public, bien plus attaché à la protection de l’environnement qu’auparavant. Enfin, c’est nécessaire pour la recherche scientifique : si vous cherchez de la vie sur la Lune avec un rover couvert de microbes terriens, vous aurez complètement contaminé vos résultats ! », explique le responsable de l’actualité spatiale à la Cité de l’espace de Toulouse.

C’est pour cela que les agences spatiales stérilisent au maximum les objets qu’ils envoient sur la Lune comme sur Mars. Il n’existe toutefois pas de cadre global, d’où l’initiative de l’Unoosa. Elle est d’autant plus essentielle pour la Lune que « deux grands projets se profilent : le programme Artémis du côté des Américains et de leurs alliés » qui prévoit l’envoi d’un équipage d’ici 2026 et « le projet chinois » qui prévoit la même chose d’ici 2029.

De nombreux pays ainsi que des entreprises privées ambitionnent d’établir, à terme, une présence permanente sur la Lune. Et si l’on n’y prend garde, entre engins spatiaux en fin de vie et crashs, notre satellite naturel pourrait bien suivre l’histoire semée de déchets de la Terre.

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