mardi 30 avril 2024

« Civil War » : Les Etats-Unis jouent à se faire peur avec le spectre d’une guerre civile

-

On dirait que les Américains aiment à se faire peur en imaginant le pire. Civil War d’Alex Garland cartonne au box-office où il a déjà récolté 27,5 millions de dollars, un week-end triomphal pour un film de science-fiction où les Etats-Unis sont dévastés par une guerre fratricide.

Le studio A24, déjà présent sur Everything Everywhere All At Once en 2022 semble tenir une nouvelle pépite avec cette dystopie suivant une poignée de journalistes (Kirsten Dunst en tête et Cailee Spaeny en soutien) qui essayent de rendre compte du conflit dans un road-movie impressionnant. Le réalisateur de Men s’amuse à imaginer une nouvelle guerre de Sécession (à laquelle fait référence le titre du film) entre le Texas et la Californie avec au milieu un Président dépassé. De quoi bien faire flipper si on prend le film trop au sérieux.

« La guerre civile moderne n’a rien à voir avec ce qu’on a pu voir précédemment, explique Alex Garland dans le dossier de presse. De nos jours, il s’agit d’un effondrement dans tous les domaines. Le véritable risque c’est la désintégration. » Et pour désintégrer, ça désintègre façon puzzle avec beaucoup de pièces. C’est terrifiant de voir Jesse Plemons en facho de première catégorie liquider paisiblement les « étrangers » qui ont eu la mauvaise idée de lui confier n’être nés en Amérique. C’est angoissant de reconnaître des décors familiers et de les voir transformés en zone guerrière avec une touche de réalisme. Impossible de ne pas faire de la projection en imaginant que ce qui semble presque réel là-bas pourrait – qui sait, – devenir l’actualité de la France de demain.

    Une affaire de paranoïa

Alex Garland joue diaboliquement sur ces angoisses du public de 2024 à la veille d’élections qui pourraient assurer une nouvelle victoire à Donald Trump. L’habilité de sa mise en scène fait qu’on y croit juste assez pour frissonner bien comme il faut. Mais elle fait qu’on demeure aussi du côté de la fiction. Un mélange de scènes d’action dignes d’un Roland Emmerich offre une belle dose de décharges d’adrénaline avec une petite dose d’atmosphère horrifique à la Stephen King/Frank Darabont de The Mist. Si les personnalités des « méchants » et le détail de leurs motivations restent schématiques, on accepte volontiers ces codes du genre.

    Une œuvre visionnaire

La paranoïa pourrait s’installer benoîtement tant on ne peut s’empêcher de songer aux images de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Si l’ensemble puise des éléments dans la réalité politique de l’Amérique actuelle, il demeure trop caricatural pour être vraiment pris totalement au sérieux. Civil War n’a pas plus de visée documentaire que L’Aube rouge (1984) de John Milius qui imaginait les Etats-Unis envahis par les Soviétiques. Certes, l’intrigue frappe ici plus près de l’os en s’inspirant librement d’évènements réels récents. On ne peut cependant pas mettre de côté les approximations du scénario. Bien qu’on s’en satisfasse pleinement en tant que spectateur friand de divertissement musclé et un brin horrifique, il semble exagéré d’y voir une œuvre visionnaire (enfin, on l’espère).

- Advertisment -