vendredi 26 avril 2024

Des chercheurs explorent à Rabat l’œuvre humaniste de Louis Massignon

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 Précurseur du dialogue entre les religions et les cultures, Louis Massignon a légué à la postérité une œuvre d’une grande profondeur dont une importante partie est consacrée au Maroc, ont souligné, mardi à Rabat, les participants à une conférence dédiée à la pensée de ce grand islamologue français passionné du Maroc.

Cette œuvre, qui s’étale sur six décennies (entre 1901 et 1962), tire son importance des multiples facettes de ce personnage qui a été tour à tour homme de religion, militaire, diplomate, intellectuel et militant politique, ont-ils relevé lors de cette rencontre sur « Courbe de vie d’un chrétien amoureux de l’Islam » organisée à l’Institut français et animée par l’anthropologue Manoël Pénicaud.

Intervenant à l’ouverture de la conférence, Driss Khrouz, professeur universitaire et ex-directeur de la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc (BNRM), a mis en avant la “complexité” de la pensée de Massignon dont la finalité était de “faire cohabiter des choses qui semblent contradictoires”, évoquant son action pour le rapprochement entre l’Islam et le christianisme.

Malgré les controverses que nourrit ce personnage, philosophe, théologien et fervent défenseur des mouvements indépendantistes au Maghreb, ses écrits et ses prises de position témoignent d’un profond respect de l’Islam et du Maroc où il a passé un pan de sa vie, et d’un engagement sans faille contre l’injustice et les clivages, a-t-il soutenu.

Donnant des exemples de cet engagement politique et humaniste, M. Khrouz a noté que Massignon, “un chrétien ami de l’Islam”, a été en 1953 parmi les premiers à dénoncer l’exil du Sultan Mohammed Ben Youssef et à appeler à son retour, de même qu’il fut un fervent défenseur de l’indépendance du Maroc et de l’Algérie et du retour des réfugiés palestiniens après la création de l’État d’Israël en 1948.

Présentant son livre “Louis Massignon, le catholique musulman” (Bayard, 2020), Manoël Pénicaud est revenu sur les étapes clés du parcours de ce grand érudit qualifié de “plus grand musulman parmi les chrétiens et plus grand chrétien parmi les musulmans”.

Documents historiques à l’appui, le conférencier s’est attardé sur les étapes algérienne, marocaine, égyptienne et irakienne du périple effectué par Massignon au monde arabe à l’aube du XXème siècle (1904-1913), expliquant que ce “pèlerinage”, initialement motivé par la curiosité et la soif de connaissance avant de prendre une tournure résolument spirituelle, a forgé la personnalité et l’œuvre de l’illustre orientaliste français.

Par son étude approfondie de l’Islam et du soufisme et ses discours prêchant une meilleure compréhension de la religion musulmane, Massignon (1883-1962), considéré comme l’un des plus grands arabisants français du XXème siècle et désigné membre de l’Académie royale de la langue arabe du Caire, a été marqué à jamais par le grand maître soufi Mansur Al Hallaj, a indiqué M. Pénicaud. Et d’ajouter que cette figure mystique du IXème siècle, qu’il a découverte lors de son séjour en Égypte en 1906, a inspiré sa doctrine spirituelle fondée sur le concept de l’hospitalité, selon laquelle “pour comprendre l’autre, il ne faut pas se l’annexer mais devenir son hôte ».

Né en 1978, Manoël Pénicaud est un anthropologue français, chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), commissaire d’expositions, photographe et réalisateur. Son livre “Louis Massignon, le catholique musulman” a remporté le Prix Lyautey 2021 de l’Académie des Sciences d’Outremer et le Prix du jury de L’Œuvre d’Orient- 2021.

Cette rencontre, organisée dans le cadre du cycle de conférences “Les sciences sociales en acte” de l’Institut Français, s’est déroulée en présence d’un aréopage de chercheurs, écrivains et religieux du Maroc et de la France.

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