samedi 20 avril 2024

Ahmed Boukous : «A terme, les Marocains seront tous bilingues et biculturels»

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La promulgation de la loi organique relative à l’amazigh est-elle une urgence?

 

L’officialisation de l’amazigh est un événement historique qui réconcilie les Marocains avec toutes les composantes de leur identité. Des siècles durant, les Marocains amazighophones ont été conduits à renier leur identité spécifique et à refouler leur langue et leur culture premières. Il a résulté de cela un préjudice considérable dont beaucoup ont souffert. La reconnaissance de l’amazigh est une réparation de cette situation préjudiciable. La promulgation de cette loi est, donc, une urgence dont dépend, en grande partie, l’effectivité de la Constitution et la crédibilité de la démocratisation de notre pays.

 

L’amazigh va-t-elle être imposée du jour au lendemain dans les administrations et établissements ou est-ce que le processus va se faire dans la durée?

 

Selon les termes mêmes de la Constitution, l’officialisation est un processus qui s’inscrit dans la vision d’un Maroc démocratique et dans une stratégie de consolidation de l’identité nationale plurielle. La mise en œuvre de cette stratégie ne doit pas perdre de vue la vision globale ; elle doit, en revanche, définir dans un plan échelonné les objectifs à atteindre à court, moyen et long termes, ainsi que les moyens nécessaires à leur mise en œuvre. Cela signifie qu’il faut se départir de la précipitation comme il ne faut pas remettre l’entame du processus aux calendes grecques.

 

Combien de temps cela pourrait-il prendre ?

 

Le temps que cela prendra dépendra de nombreux facteurs dont les principaux sont la volonté politique de l’Etat, à travers l’engagement des institutions de l’Exécutif et du législatif, et le degré de conscience des citoyens et des élites extra-institutionnelles qui devront exercer leur devoir de vigilance active et citoyenne à travers leurs canaux et leurs réseaux propres. Si le processus d’intégration de l’amazigh dans l’éducation a connu autant de problèmes et de difficultés, c’est précisément parce que ces deux conditions ont largement fait défaut.

 

Disposons-nous d’assez de ressources humaines qualifiées pour faire aboutir ce processus ? 

 

Notre pays ne manque pas de ressources potentielles. Elles existent, il convient de les former et de les promouvoir. Par exemple, les besoins en enseignants sont importants et le ministère de l’éducation devrait former plus et mieux les étudiants dans les filières d’études amazighes. Si les lauréats de ces filières étaient recrutés selon les normes en vigueur et s’ils étaient formés en pédagogie et en didactique de l’amazigh selon un plan prévisionnel qui déterminerait les besoins de manière progressive et évolutive, l’enseignement de l’amazigh pourrait disposer de cadres pédagogiques dans des délais raisonnables. Encore faudrait-il que cela figure parmi les priorités du ministère concerné.

 

Interviewé par Tahar Abou El Farah

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