jeudi 18 avril 2024

La presse marocaine sous-représentée en Amérique

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Mohamed El Hajjam, journaliste aux Etats-Unis­ ­

 


 

Ouvrez des bureaux!

Par Mohamed Benfadil 
Washington

 

 

   Nombre d’observateurs et spécialistes du Maroc aux Etats-Unis ont remarqué la faible représentation des organes et institutions de presse nationale, écrite et audiovisuelle, chez l’oncle Sam. Même les médias publics ne font pas exception à cette règle! Surtout dans sa composante audiovisuelle. Les événements dits officiels, dont la couverture était devenue quasi-obligatoire mais  parfois « passés sous silence » ne manquent pas. Un exemple qui en dit long sur cette carence : la célébration de la fête du Trône 2010.   

   Ce dimanche là, un 30 juillet de 18 heures 30 à 20 heures, heure de la côte Est américaine, la fête battait son plein. SE Aziz Mekouar, l’ambassadeur du Maroc de l’époque, reçevait, dans une ambiance d’apparat, plusieurs dizaines d’invités de marque. Parmi eux, outre un échantillon de compatriotes privilégiés, des représentants des milieux diplomatiques, gouvernementaux, législatifs et d’affaires. Ce parterre exceptionnel s’était déplacé pour célébrer le onzième anniversaire de l’intronisation du Roi Mohammed VI. Une fausse note cependant. L’absence des cameras de télévision (voir interview) a laissé sur sa faim cette foule de personnalités pourtant « noyées » dans un océan de plats traditionnels allant du fameux couscous aux sept légumes à l’envoutant méchoui, en passant par la croustillante bastilla. Tant pis pour ceux de nos concitoyens expatriés accros des retransmissions traditionnelles, même en différé, par Al Oula des réceptions de la Fête du Trône dans nos ambassades à travers le monde. Ils ne verront pas sur leur petit écran la plus importante d’entre elles. Celle la mère des capitales.

    Cette défaillance audiovisuelle ponctuelle met en évidence une situation globale plus dramatique. Celle de la quasi-absence des médias marocains chez l’Oncle Sam. A l’exception de Maghreb Arab Press (MAP), maigre consolation pour ladite réception washingtonienne, aucune autre institution n’est représentée dans la capitale américaine. L’agence de Khalil Hachimi Idrissi, alors sous la houlette d’Ali Bouzerda, est en effet le seul organe national de presse publique à siéger dans le prestigieux « National Press Building », quartier général emblématique des médias accrédités aux Etats-Unis. Un manque à gagner donc pour l’image du Maroc quand on sait que le loyer d’un bureau dans cet « immeuble intelligent » ne dépasse pourtant guère les prix pratiqués boulevard Zerktouni à Casablanca, ou quartier Agdal à Rabat. Ce qui laisse perplexes des professionnels de la communication marocains établis dans la région du Grand Washington. Lesquels regrettent que l’ère des simples « contacts » (voir interview), auxquels continuent de recourir, et de manière épisodique seulement (!), la première chaîne de télévision nationale, ne soit pas déjà révolue. Le successeur de Khalid Naciri, Mustapha El Khalfi, «un gars du métier», pourra-t-il enfin remédier à cette situation?

    Rien que dans la région du Grand Washington, on compte une centaine de journalistes et professionnels de la communication marocains, animés par leur attachement à leur mère patrie et qui ne demandent qu’à servir son image. Mohamed Dourrachad, directeur-adjoint de la chaine Abou Dhabi, Mohammed El Alami et Nacer El Hoceini, journalistes attitrés d’Aljazeera et Abderrahim Foukara, chef du bureau de ladite chaîne satellitaire ainsi que Mohamed Said El Ouagfi, correspondent de France 24 entre autres, pour ne citer que ceux-ci, avaient servi d’éclaireurs à de nouveaux venus dans « le nouveau monde » tels Fadoua Massat et Hicham Bourar, journalists à la chaîne américaine de langue arabe Al Hurra. 
La balle est donc dans le camp de nos chaînes, spécialement Al Oula et 2M, financées par le contribuable, qui mérite de ce fait une couverture plus fréquente de la vie de leurs compatriotes dans cette partie importante du monde. Et dans celui, pourquoi pas, de la quinzaine de radios actuellement en service dans le royaume. Voire même les mieux établis de nos organes de presse écrite nationale. La presse électronique ayant déjà montré la voie en la personne de Lareleve.ma qui vient  d’ouvrir un bureau à Washington.

    La volonté politique de réserver une place de choix aux RME, comme réitérée par le Souverain dans le discours du trône marquant le 11eme anniversaire de son intronisation, ne fait aucun doute. Cette priorité vient en outre d’être réitérée dans les intentions du gouvernement Benkirane. Le discours royal les considère en effet comme un facteur stratégique tant dans la Vision 2020, de par les efforts incitatifs à consentir par l’Etat en vue d’augmenter les flux touristiques, que dans le Plan Emergence, de par l’encouragement d’industries nouvelles et la création de PME. Une Journée Nationale, le 10 août de chaque année, leur a même été dédiée!

    La communauté marocaine établie aux Etats-Unis n’est pas insensible à ces préoccupations ni à cette sollicitude. Il suffit de sonder son opinion pour s’en apercevoir. Et nul ne le fera mieux que les médias du pays d’origine. Encore faut-il qu’ils prennent le taureau par les cornes en ouvrant des bureaux ou en s’offrant les services de correspondants, même « non-permanent », chez l’Oncle Sam. Pour mieux mettre le doigt sur cette lacune, il suffit d’évoquer l’indigence de la couverture dont ont bénéficié les doléances des Marocains d’Amérique concernant le rapport qualité-prix particulièrement dissuasif appliqué par Royal Air Maroc. Au point de désavouer la compagnie nationale, au profit d’autres transporteurs beaucoup plus compétitifs tels Lufthansa, Iberia ou tout simplement Air France. Ils n’ont pu compter dans cette « bataille aérienne » pour dénoncer ce grief que sur leurs propres moyens. Les supports électroniques de leur tissu associatif et d’autres réseaux sociaux se sont donc vus « obligés de faire le boulot ». Au risque  supposé de sombrer dans l’approximatif et l’absence de professionnalisme. Résultat, la compagnie de l’intransigeant Driss Benhima ne cesse d’avoir raison de ces ressortissants tout juste bons, parait-il, à payer le prix fort à chaque saison de retour au pays. Si la couverture médiatique de ces doléances s’est révélée inefficiente, Aziz Rabbah, «tuteur» administratif du puissant patron de la RAM,  pourra-t-il, lui, tordre le bras à cet ancien méga-ministre des Transports? La communauté marocaine des Etats-Unis l’appelle en tous cas de ses vœux!

 

Trois questions à:

Mohammed El Hajjam, contact d’Al Oula à Washington

Toujours mobilisé pour servir l’image de mon pays

Pdg d’Ava Communications Group
(www.avactions.com ), une entreprise de communication et de production audiovisuelle ultramoderne basée près de Washington, dont il ouvrira ce printemps une filiale notamment à Mohammedia, Mohammed El Hajjam couvre l’actualité aux Etat-Unis pour le compte d’Al Oula. 

 Pourquoi certains événements comme la réception donnée à Washington pour célébrer la fête du Trône 2o1o n’ont-ils pas été couverts pour Al Oula ?

 

   En tant que contact seulement, il me faut d’habitude le feu vert des autorités de la chaîne pour filmer un événement donné. Pour ce qui est de l’événement auquel vous faites allusion, il y avait une sorte d’hésitation. Cela dit, mon entreprise est toujours mobilisée pour répondre à l’appel de mon pays en toutes circonstances. Même si physiquement je me trouvais au Maroc, où j’ai célébré cette fête nationale importante, pour préparer le lancement d’un bureau de mon entreprise de production audiovisuelle.

Comment avez-vous réussi à vous imposer dans un univers aussi hostile et hautement concurrentiel, aux Etats-Unis qui plus est?

    Outre la formation aux technologies de pointe requises pour la création audiovisuelle et événementielle que j’ai reçue, les réseaux et la qualité des prestations de services constituent la clef de voûte  de notre réussite. Mes compatriotes présents en force dans les secteurs de l’hôtellerie, de l’immobilier et des médias y sont également pour beaucoup dans ma conquête de ces secteurs. Pour le reste, notre solide réputation nous avait précédés. Notre clientèle va ainsi des agences du gouvernement américain comme la Marine aux ONG, en passant par les grands hôtels et des compagnies réputées comme ExxonMobil. Au Maroc, où nous nous apprêtons à ouvrir une filiale à Mohammedia et dans d’autres villes comme Agadir et Casablanca, nous entendons promouvoir l’événementiel à l’américaine. 

Quel rôle une entreprise de pointe comme la votre peut-elle jouer dans le renforcement des liens entre les nouvelles générations de Marocains d’Amérique et leur mère patrie ?

    Nous avons les moyens de couvrir l’actualité au quotidien pour le public marocain. De la sorte l’opinion publique et les décideurs politiques seront à l’écoute de leurs MRE d’Amérique. Lesquels décideurs pourront agir pour réduire le risque d’assimilation des générations futures par une société américaine accueillante et inclusive. Contrairement à une politique européenne à tendance xénophobe et exclusive. Notamment en encourageant nos compatriotes à visiter leur pays de façon régulière et en adoptant des mesures plus incitatives pour en attirer l’investissement. Car l’Amérique n’est pas l’Europe. Et ce n’est pas avec des tarifs comme ceux de la RAM que les familles vont emmener leurs enfants se ressourcer chaque été au pays ! Il faut faire très attention.

Propos recueillis par Mohamed Benfadil

 

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