vendredi 17 mai 2024

Les géants du web désormais soumis à des règles sans précédent en Europe

-

C’est la fin du compte à rebours. Dans l’Union européenne (UE), les géants du web sont astreints depuis vendredi à des obligations renforcées de transparence et de lutte contre les contenus illégaux, sous peine de lourdes amendes, en vertu d’une nouvelle législation sans équivalent dans le monde.

La loi sur les services numériques (DSA, en anglais) s’impose désormais aux 19 plus grands réseaux sociaux, sites marchands et moteurs de recherche, parmi lesquels on trouve Google, YouTube, Amazon, Facebook, Instagram, X (ex-Twitter) et TikTok.

Ces entreprises, qui comptent chacune plus de 45 millions d’utilisatrices et d’utilisateurs actifs dans l’UE, sont maintenant obligées de combattre la désinformation, la haine en ligne, la pédopornographie ou encore les contrefaçons, et ce, sous la surveillance de la Commission européenne. Ce 25 août marque un tournant majeur. Les internautes, dorénavant, vont bénéficier d’une protection renforcée, mais aussi de contrôle et de choix accrus, a écrit sur X (anciennement Twitter) le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, assurant que la DSA était aussi là pour protéger la liberté d’expression contre les décisions arbitraires. Mes services et moi-même serons très, très rigoureux pour vérifier que les plateformes se conforment à la DSA.

Une citation deThierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur

Les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial de leur groupe et, en dernier recours, en cas d’infractions graves répétées, à une interdiction temporaire d’exercer leurs activités dans l’UE.

Des obligations claires

Les plateformes doivent notamment proposer aux internautes un outil pour signaler facilement les contenus illicites (définis par les législations nationales ou des textes européens), puis les retirer rapidement. Elles doivent se soumettre à un audit annuel indépendant pour vérifier qu’elles remplissent bien leurs obligations. Les sites marchands doivent pouvoir tracer les vendeurs et vendeuses pour réduire les fraudes. Leurs algorithmes sont sous surveillance : les plateformes doivent expliquer le fonctionnement de leurs systèmes de recommandation et proposer des solutions de rechange sans personnalisation.

Côté publicité, la DSA interdit de cibler les personnes mineures ou de publier des annonces basées sur des données sensibles (religion, orientation sexuelle, etc.).

Des engagements déjà amorcés

Plusieurs géants ont déjà annoncé des changements pour se conformer aux règles avant la date butoir de vendredi. Le respect des règles par le réseau social X (anciennement Twitter) est particulièrement scruté, en raison des transformations controversées et des licenciements massifs opérés par son patron, le milliardaire Elon Musk. X est l’une des cinq plateformes à avoir passé un test cet été pour vérifier si elles étaient prêtes à répondre aux exigences de la DSA. Thierry Breton avait notamment averti Elon Musk qu’il devait renforcer ses moyens pour y parvenir.

Le milliardaire a toutefois assuré vendredi que l’équipe de son réseau social travaillait dur pour se conformer à la nouvelle législation.

Parmi les géants à avoir annoncé des mesures pour respecter le nouveau cadre, TikTok permet notamment de désactiver les recommandations personnalisées de contenu, déterminées par algorithmes selon les intérêts présumés de l’utilisateur ou de l’utilisatrice.

Idem du côté de Meta, la maison mère de Facebook et d’Instagram, qui dit avoir recruté 1000 personnes pour la mise en œuvre de la DSA. Le géant californien s’est aussi engagé à référencer et à archiver toutes les publicités ciblant des internautes dans l’UE ainsi qu’à divulguer les paramètres utilisés pour ce ciblage.

Google a promis de fournir plus d’informations sur la façon dont sont modérés les contenus sur ses plateformes, et de permettre l’accès à davantage de données pour les équipes de recherche.

L’UE mobilisée pour faire respecter la loi

Une centaine de personnes au sein de l’exécutif européen sont responsables de surveiller la mise en application de la DSA. Les sites de commerce électronique Amazon et Zalando, qui comptent parmi les 19 très grandes plateformes soumises aux nouvelles règles, ont quant à eux déposé des recours devant la justice européenne pour les contester, estimant qu’ils ne remplissaient pas les critères pour y être assujettis.

Les règles s’appliquent toutefois aussi à eux en attendant la décision de justice, à l’exception d’une disposition du DSA sur la transparence de la publicité pour Amazon, d’après la Commission. La DSA, tout comme le règlement européen sur la protection des données (RGPD) de 2016, pourrait devenir une référence dans le monde alors que de nombreux gouvernements s’efforcent de réguler les dérives du web.

Il fait partie d’un autre règlement, celui sur les marchés numériques (DMA), qui s’attaque aux pratiques anticoncurrentielles des géants de la technologie. Les entreprises touchées par cette législation seront officiellement désignées le 6 septembre, et auront un délai de six mois pour se conformer à leurs obligations.

- Advertisment -