lundi 20 mai 2024

Y a-t-il un second trou noir géant au centre de notre Galaxie ?

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Les trous noirs sont dans toutes les galaxies, y compris au centre de la nôtre où l’on en a détecté un de type supermassif en étudiant la gravité qu’il exerce sur le mouvement de ses étoiles proches. Mais comme on a aussi découvert des couples de trous noirs géants dans d’autres galaxies, on se pose naturellement la question de savoir si notre Voie lactée n’en posséderait pas un aussi. Les derniers résultats des travaux à ce sujet viennent d’être révélés.

Le télescope Hubble nous a montré qu’il existe de nombreux cas de grandes galaxies en collision dans l’Univers observable, et ce depuis des milliards d’années.

Or, rapidement, après la découverte des quasars il y a environ 60 ans, on a commencé à penser que des trous noirs de grande masse se cachaient peut-être au cœur des galaxies. Ainsi, dès 1964, les grands astrophysiciens Zel’dovich, Novikov et Salpeter avaient proposé que les quasars justement, plus généralement les noyaux actifs de galaxies, soient des trous noirs supermassifs accrétant de la matière. En 1971, Donald Lynden-Bell et Martin Rees proposaient de leur côté qu’il en existait un au cœur de la Voie lactée et plus généralement dans bien d’autres. Au moins depuis le début des années 1990, il semble clair que la plupart des grandes galaxies abritent en leur centre l’un de ces astres compacts.

Des trous noirs binaires produits par des fusions de galaxies

Dès lors, on pouvait imaginer qu’à l’occasion des collisions suivies de fusion entre deux grandes galaxies il pouvait s’ensuivre la formation d’un trou noir binaire supermassif, les deux trous noirs originaux présents dans les deux galaxies initiales étant conduits par certains processus à plonger vers le cœur de la nouvelle galaxie. En bonus, ces deux trous noirs devaient également se mettre à produire copieusement des ondes gravitationnelles et finir, en raison de l’énergie dissipée par ces ondes, par entrer en collision.

On suspecte que ce sont précisément ces ondes que détectent depuis plusieurs années les membres de l’International Pulsar Timing Array (Ipta). On pouvait donc se poser tout naturellement la question de l’existence d’un trou noir binaire supermassif au centre de la Voie lactée.

Des éléments de réponse viennent d’être apportés à ce sujet via un article sur arXiv par une équipe de chercheurs parmi lesquels on trouve la prix Nobel de physique Andrea Ghez, qui a contribué à établir l’existence du trou noir derrière la radiosource Sagittarius A* au cœur de notre Galaxie, le physicien états-unien Clifford Will, qui est un des grands maîtres des différents tests observationnels de la relativité générale, et Aurélien Hees, en poste à l’Observatoire de Paris et qui travaille lui aussi sur des tests des théories de la gravitation prolongeant la théorie d’Einstein et notamment avec le trou noir central de la Voie lactée.

Précisons tout de même un peu les choses. Un trou noir supermassif contient au moins un million de masses solaires et on pense que des trous noirs stellaires de quelques dizaines de masses stellaires tout au plus peuvent se former par effondrement gravitationnel d’étoiles massives. On peut grimper en masse par fusion de trous noirs stellaires mais on sait qu’il existe aussi des trous noirs dits de masses intermédiaires entre celles des trous noirs stellaires et celles des trous noirs supermassifs.

On connaît également par des observations quelques cas de trous noirs supermassifs binaires dans des galaxies.

Des étoiles en orbite qui trahissent des trous noirs géants

Rappelons également que Reinhard Genzel et Andrea Ghez ont reçu le prix Nobel de physique 2020 en étudiant pendant presque deux décennies les mouvements des étoiles au cœur de la Voie lactée autour de la région contenant la radiosource Sagittarius A*. 

Les mouvements particulièrement rapides de ces étoiles, comme celle appelée S0-2, ou S2, ont montré qu’il existait une masse d’un peu plus de 4 millions de masses solaires, ne rayonnant presque pas et dans un volume si faible que l’explication la plus rationnelle était bel et bien qu’il s’agissait d’un trou noir décrit en première approximation par la théorie de la relativité générale.

Il s’est avéré finalement que les mouvements de ces étoiles pouvaient servir de laboratoire remarquable pour tester de la nouvelle physique, comme l’existence d’une cinquième force par exemple.

Au final, la présence d’un second trou noir supermassif en orbite autour de Sagittarius A* aurait déjà été mise en évidence depuis plusieurs années déjà. L’article aujourd’hui publié, et qui se sert aussi des mouvements relativistes des étoiles autour du trou noir qui a même été imagé par les membres de la collaboration Event Horizon Telescope, porte donc en fait sur la présence en orbite autour de Sagittarius A* d’un trou noir de masse intermédiaire.

Pour être précis, les astrophysiciens sont arrivés à la conclusion qu’entre 1 000 UA (environ le rayon orbital de S2, l’étoile la plus proche connue du trou noir supermassif) et 4 000 UA de distance à Sagittarius A*, il ne peut y avoir de trous noirs intermédiaires de masse comprise entre 1 000 et 100 000 masses solaires.

Si un trou noir de masse intermédiaire existe et est plus proche de Sagittarius A* que S2, alors sa masse ne peut pas dépasser 400 fois celle du Soleil.

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