dimanche 12 mai 2024

L’auto-entrepreneuriat, un champ des possibles à explorer

-

Dans un marché de travail en constante évolution, l’auto-entrepreneuriat est en passe de façonner de nouvelles opportunités d’emploi et d’ouvrir des horizons encore inexplorés pour des nouveaux acteurs, porteurs de projets qui conjuguent à la fois créativité et épanouissement professionnel.

Tout en animant les rouages de l’économie dans plusieurs secteurs d’activité, les auto-entrepreneurs contribuent non seulement au renforcement du maillage de l’écosystème entrepreneurial, mais également à la valorisation des métiers et du potentiel de développement des régions.

Afin de donner une forte impulsion à l’entrepreneuriat et à l’initiative privée en tant facteurs de croissance, d’innovation et de création d’emplois, d’importants programmes tels que Forsa, Intelaka, et Awrach ont été lancés dans le but d’offrir aux jeunes toutes les conditions nécessaires pour porter au mieux leurs projets dans différents domaines.

Selon les dernières statistiques disponibles, le nombre d’auto-entrepreneurs au Maroc s’est établi à 406.301 en 2022 contre 363.663 une année auparavant. D’après le rapport d’activité 2022 de la Direction Générale des Impôts (DGI), une baisse de 34% a été enregistrée en termes de nouvelles adhésions au régime, passant de 86.023 à 56.699 au cours de la même période.

En juillet dernier, le ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Younes Sekkouri, avait souligné devant la Chambre des conseillers la nécessité de développer un nouveau programme dédié aux auto-entrepreneurs, aux très petites entreprises (TPE) et aux unités économiques informelles souhaitant s’intégrer dans le secteur formel.

Signe d’un intérêt de plus en plus marqué pour l’auto-entreprenariat, le ministre avait mis l’accent sur l’impératif d’une nouvelle génération de services liés au financement, à l’accompagnement et à la formation.

Sauf que nombre d’auto-entrepreneurs, plutôt concernés par la question de leur statut juridique, s’attendent, nonobstant les acquis et les progrès réalisés, à des mesures concrètes à même de répondre à leurs attentes d’ordre fiscal principalement.

C’est le cas de Yassine, un menuisier établi à son propre compte, pour qui l’auto-entrepreneuriat constitue un atout dans le marché du travail et un levier de développement des projets professionnels pour tout un chacun.

« Grâce à mon statut actuel, j’ai pu progresser et faire évoluer mes prestations, par le biais notamment de la facturation et de l’élargissement du réseau de mes collaborateurs« , a-t-il confié à la MAP.

Exerçant avec le même statut, Siham, journaliste dans un média audiovisuel, exprime sa satisfaction des modalités et règles relatives à sa fonction. « En tant qu’auto-entrepreneure, je suis en train de forger ma carrière dans mon domaine de prédilection, tout en ayant une stabilité financière », a-t-elle assuré.

En revanche, elle pointe du doigt le fait de traiter directement avec la DGI. “Je me sens un peu détachée de mon employeur du point de vue fiscal, du moment où je suis en première ligne pour déclarer et m’acquitter de mes obligations fiscales”, a-t-elle déploré.

Safae, assistante administrative dans une société de tourisme, demeure quant à elle sceptique sur son avenir professionnel, suite à un recrutement conditionné par ce statut.

“Le statut d’auto-entrepreneur répond en quelque sorte aux attentes des jeunes, mais je l’ai choisi à contrecœur, car mon employeur a exigé de passer par cette voie pour me recruter”, a-t-elle noté.

Pour l’analyste économique Mohamed Jadri, le statut d’auto-entrepreneur constitue un élément essentiel pour l’économie marocaine, notamment en matière d’intégration du secteur informel.

Dans une déclaration à la MAP, il a expliqué que les auto-entrepreneurs, qui bénéficient d’une couverture médicale et sociale, profitent de la possibilité de facturer des prestations aux clients de manière légale et de postuler pour les marchés public et privé.

Ce statut, a-t-il poursuivi, permet l’exercice d’un large éventail d’activités (consulting, commerce, services, industrie…). “Le plombier du coin, le petit commerçant ou encore le consultant qui offre des services, peuvent établir des factures hors champ de la TVA avec un chiffre d’affaires plafonné à 200.000 DH pour les services, et 500.000 DH pour l’industrie, le commerce et l’artisanat, et ne payer que 0,5 ou 1% d’impôt sur le revenu (en fonction de l’option pour le régime de l’auto-entrepreneur)”, a-t-il détaillé.

Le statut d’auto-entrepreneur demeure très avantageux pour ces personnes par rapport aux TPE devant s’acquitter au moins de 10% ou 20% d’impôt sur le revenu, a-t-il fait observer.

Toutefois, c’est l’auto-entrepreneur, lui-même, qui déclare son chiffre d’affaires et s’acquitte de son impôt, a-t-il relevé, ajoutant que les années 2022 et 2023 en particulier ont accusé une chute en matière de déclaration à la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS).

“Autrement dit, nombre d’entreprises ont fait basculer leurs salariés (avec CNSS et Impôt sur le revenu) vers le statut de freelance payé par le biais de factures”, a-t-il expliqué.

En se basant sur la Loi de finances de 2023, lorsque le chiffre d’affaires annuel au titre des prestations de service réalisées, pour le compte d’un même client, dépasse 80.000 DH, le surplus est soumis à l’impôt sur le revenu, par voie de retenue à la source, avec 30% d’impôt au lieu de 1%.

Pour faire évoluer ce statut positivement, tout en limitant les fraudes et en encourageant les initiatives personnelles, M. Jadri a soutenu qu’ »il est temps d’augmenter le plafond du chiffre d’affaires fixé à 200.000 DH ou bien 500.000 DH”, étant donné que l’auto-entrepreneur va largement dépasser ce chiffre dans le cas des prestations de services avec un ou plusieurs clients par an.

De même, il a recommandé de lutter contre le salariat déguisé et de faire appel à des commissions de contrôle pour épargner aux travailleurs honnêtes le fait d’être pénalisés, estimant qu’un chiffre d’affaires de 80.000 DH demeure insuffisant, d’où la nécessité d’aller au-delà de 100.000 DH réalisés avec le même fournisseur.

L’analyste économique a, dans ce sens, appelé à ouvrir le champ des possibles, à travers la déclaration d’un ou de plusieurs collaborateurs dans le cadre de ce statut, faisant observer que l’auto-entrepreneur n’est actuellement capable de déclarer ses assistants ni à la CNSS ni dans son bilan annuel.

- Advertisment -