dimanche 12 mai 2024

La COP28, un «moment de vérité» pour l’industrie du gaz et du pétrole, selon l’AIE

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L’industrie du pétrole et du gaz doit prendre des «décisions difficiles maintenant» pour accélérer dans les énergies propres et réduire ses émissions, a exhorté jeudi l’Agence internationale de l’énergie (AIE), à une semaine de la COP28.

Il s’agit de «choisir entre contribuer à une crise climatique qui s’aggrave ou faire partie de la solution en adoptant la voie de l’énergie propre», estime l’AIE dans un «rapport spécial» consacré à l’industrie fossile dans la transition énergétique.

Les experts de l’AIE exposent ce que ces entreprises devraient faire pour mettre leurs activités en cohérence avec l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, à savoir limiter le réchauffement climatique à +1,5°C depuis l’ère pré-industrielle.

Or, pour s’inscrire dans cette trajectoire, les producteurs devraient consacrer 50% de leurs dépenses d’investissements aux énergies propres d’ici à 2030, outre les sommes requises pour réduire leurs propres émissions issues de leurs opérations.

La marche est haute: en 2022, ils ont investi environ 20 milliards de dollars (18,3 milliards d’euros) dans les énergies propres, à peine 2,5% du total de leurs dépenses d’investissement, indique l’AIE à une semaine de l’ouverture de la COP28 à Dubaï où s’annonce une bataille entre États sur l’avenir des énergies fossiles.

«L’industrie pétrolière et gazière est confrontée à un moment de vérité à la COP28 de Dubaï», a résumé solennellement Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE dans ce rapport.

Le secteur doit «prendre des décisions difficiles maintenant», a-t-il insisté alors que cette année des groupes pétroliers comme BP et Shell, et Enel, pas plus tard que mercredi, ont annoncé une révision en baisse de certains de leurs objectifs de transition énergétique.

«Si les gouvernements continuent à se croiser les bras et à laisser chaque compagnie pétrolière essayer d’être la dernière à rester debout, nous sommes tous perdants», a réagi Kaisa Kosonen, coordinatrice politique chez Greenpeace international.

Méthane, «priorité absolue»

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, une condition pour garder l’objectif de 1,5°C à portée de main, l’AIE estime que la consommation de pétrole et de gaz doit diminuer de plus de 75% à cet horizon, ce qui implique un essor considérable des énergies renouvelables.

Dans ce scenario, «la baisse de la demande est suffisamment forte pour qu’aucun nouveau projet pétrolier ou gazier conventionnel à long terme ne soit nécessaire», a répété l’AIE en reprenant une de ses retentissantes recommandations en 2021.

Des fenêtres d’opportunités s’ouvrent donc pour le secteur mais cela suppose «un changement radical» dans ses investissements.

Ces sociétés ont certes doublé en 2022 leurs investissements dans les énergies propres, mais ceux-ci ne représentent que 1,2% du total des investissements mondiaux en faveur de la décarbonation. Et 60% reposent sur seulement quatre «majors» (Equinor, TotalEnergies, Shell, BP) qui ont consacré chacune environ «15-25%» de leurs investissements à la transition.

L’appel de l’AIE ne se limite d’ailleurs pas aux géants privés – les majors – qui pèsent moins de 13% de la production et des réserves mondiales d’hydrocarbures: sont visées aussi les compagnies nationales détenues en tout ou partie par des États, contrôlant plus de la moitié de la production mondiale.

Pour l’AIE, il faudrait aussi que tout le secteur s’engage à réduire les émissions issues de ses propres opérations de 60% d’ici à 2030. C’est «une étape nécessaire pour que les producteurs soient pris au sérieux dans les discussions climatiques», a souligné devant la presse Christophe McGlade, chef de l’unité «approvisionnement en énergie» de l’AIE. Sujet très attendu à la COP28, «la lutte contre les émissions de méthane», – la moitié des émissions opérationnelles de ces entreprises, «doit être une priorité absolue», a-t-il dit.

La production, le transport et la transformation du pétrole et du gaz entraînent près de 15% des émissions mondiales liées à l’énergie, le reste provenant des combustibles brûlés dans les voitures ou le chauffage.

La bataille climatique implique aussi selon Fatih Birol de se «défaire de l’illusion que des quantités invraisemblablement élevées de carbone capturé sont la solution», au moment où les critiques montent sur ces technologies qui promettent d’extraire le CO2 de l’atmosphère et de le stocker.

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