dimanche 5 mai 2024

Comment King Kong et Godzilla ont changé pour conquérir Hollywood

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« Godzilla x Kong, le Nouvel Empire » se joue des codes des films de monstres en faisant copiner les deux titans

C’est un triomphe. Godzilla x Kong, le Nouvel Empire d’Adam Wingard cartonne au box-office américain depuis ce week-end. Cette suite à Godzilla (2014), Kong, Skull Island (2017), Godzilla 2, Roi des monstres (2019) et Godzilla vs Kong (2021) prouvent que les films de grosses bébêtes continuent à attirer des foules massives dans les salles. Un plébiscite confirmé par l’oscarisé Godzilla Minus One, film japonais apprécié dans le monde entier.

Dans ce nouveau volet, Adam Wingard donne l’impression d’être un gamin à qui on a confié des figurines grandeur nature qu’il fait s’affronter puis copiner au gré de sa fantaisie. « Adam Wingard vient du cinéma d’horreur, explique Alexandre Poncet, journaliste spécialiste des films de monstres pour Mad Movies et coréalisateur du Complexe de Frankenstein sur l’histoire des effets spéciaux. Quand ses créatures se battent, elles saignent ce qui leur donne une réalité organique. » Mais cela ne suffit pas vraiment pour les rendre attachantes.

   King Kong, un « gars presque comme les autres »

En 1933, le King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack a fait verser des torrents de larmes au public, ceux de John Guillermin en 1976 et Peter Jackson en 2005 ont suivi le même chemin. Celui du « MonsterVerse lancé par Legendary Pictures est fort différent et encore davantage dabs ce cinquième volet. « Ils ont joué la carte de l’anthropomorphisme à fond, explique Alexandre Poncet. Il est plus proche d’un catcheur que de la force la nature des premiers films. C’est un gars presque comme les autres. » Le singe est certes géant mais il ne représente plus la nature déchaînée que maltraitent les humains. Il souffre de bobos comme tout un chacun et se sent bien seul dans le monde souterrain où on l’a enfermé pour éviter qu’il fasse des bêtises. « Ils lui ont fait perdre sa dimension tragique et l’émotion qui en découle », déplore Alexandre Poncet.

   Un Godzilla « Barbenheimer »

Godzilla a lui aussi connu un relooking surprenant avec ses écailles rose fluo. Le dinosaure qui représentait la bombe atomique à sa création en 1954 ressemble désormais à une incarnation de « Barbenheimer », un mâtiné de Barbie et d’Oppenheimer. « Je préfère nettement la version de Gareth Edwards en 2014, insiste Alexandre Poncet. Le réalisateur ne l’y montre que peu, ce qui fit que chacune des apparitions de Godzilla est comme une récompense pour le spectateur. Là, il perd de son côté impressionnant et ne fait plus peur. » Le gros dino pique des roupillons dans le Colisée romain façon « coucouche panier » et casse des immeubles comme s’il s’agissait de joujoux en plastique dans une chambre d’enfant. « On a beau savoir qu’il y a des gens dans les buildings et des conducteurs dans les véhicules qu’il écrase, on n’y attache aucune importance car tout est désincarné, » déclare Alexandre Poncet.

    Le mythe de la mite

Si on ne dévoilera pas les apparitions de toutes les créatures afin de ne pas divulgâcher, celle de Mothra, la mite géante, est impossible à ignorer. A défaut de dévorer des pull-overs XXXL, elle aide à réconcilier King Kong et Godzilla, ennemis jurés qui doivent faire cause commune pour sauver le monde. « Ils ont supprimé toute la mythologie qui accompagne habituellement ses apparitions, soupire Alexandre Poncet. Toute la poésie de la créature est passée à la trappe. » Cet insecte surdimensionné est d’une beauté visuelle fracassante faisant déplorer que son rôle soit réduit. Les créateurs ont préféré insister sur un « méchant » qui donne l’impression qu’une créature de La Planète des singes s’est invitée dans le film.

   Une relecture 2.0

« Il est étonnant que King Kong plaise toujours autant car les valeurs que défendait le premier film qui égratignait le capitalisme et s’en prenait aux humains exploiteurs sont absentes dans ce nouvel opus », constate Alexandre Poncet. L’un des héros est même un complotiste de la plus veine que les scientifiques considèrent avec un respect inquiétant. « Ce type de films fonctionne sur la peur du public, insiste Alexandre Poncet. De nos jours, la fin du monde ne semble plus totalement impossible. Les actualités montrent des catastrophes quotidiennes qui font qu’on s’identifie à ces aventures spectaculaires. »

Une pléthore d’effets spéciaux et des très grosses bestioles voraces ont effectivement séduit le public américain laissant attendre un sixième volet. Les possibilités ne manquent pas car de nombreux titans issus du cinéma japonais restent encore à accommoder à la sauce de Hollywood.

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