dimanche 5 mai 2024

Le Soleil est plus petit qu’on ne le pensait !

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L’astérosismologie est la transposition aux astres des méthodes de la sismologie sur Terre. Elle prend le nom d’héliosismologie appliquée au Soleil et elle ne cesse de nous donner des renseignements sur notre étoile et son intérieur depuis des décennies. Le dernier en date concerne sa vraie taille, qui serait très légèrement différente de celle déduite des éclipses, ce qui pose de nouvelles contraintes sur les modèles solaires et stellaires.

On affirme souvent que le premier test réussi par la théorie de la relativité générale d’Einstein est l’explication de la lente précession anormale du périhélie de l’orbite de Mercure, c’est-à-dire le fait que chaque orbite de la planète ne se boucle pas par une ellipse mais que le point de cette orbite le plus proche du Soleil se décale à chaque fois.

En fait, la réalité est moins simple car plutôt que de modifier la loi de  de la  on pouvait soutenir pendant quelque temps encore qu’on ne connaissait pas bien la forme du Soleil, ce qui conduisait à la possibilité de répartitions de  différentes de celle d’une masse parfaitement sphérique et homogène, répartitions produisant un champ de  différent. C’est le cas avec la Terre qui surtout, tout comme le Soleil, est en rotation de sorte que la figure d’équilibre de la Terre sous l’effet combiné de sa gravitation et de la  est celle d’un ellipsoïde de rotation aplati aux pôles. Le phénomène vaut aussi pour le Soleil avec en plus l’influence de son champ magnétique sur son gaz ionisé.

Au cours des décennies qui ont suivi la découverte de la , la mesure de la forme du Soleil s’est améliorée et il est devenu clair que la précession du périhélie de Mercure était bien une conséquence de la théorie d’, une fois qu’on avait pris en compte la part normale de la précession due aux perturbations gravitationnelles des autres grands corps attracteurs du , et qu’on ne pouvait en rendre compte par la forme du Soleil.

La morale de cette histoire, c’est que même une amélioration anodine de détermination de la forme du Soleil peut avoir des conséquences importantes. Imaginons que la précession de Mercure ait bien été causée par ellipsoïde de rotation de la masse solaire, la théorie d’Einstein au moins dans sa forme initiale en aurait été réfutée !

On comprend donc pourquoi la mise en ligne sur arXiv d’un article, provenant de deux  de l’université de Cambridge et de l’université de Tokyo, retient un peu l’attention car elle concerne une nouvelle détermination de la taille du Soleil.

Des vagues et des ondes sonores solaires

Selon ces chercheurs, notre  est plus petite qu’on ne le pensait. La réduction est faible, seulement quelques centièmes de pourcent par rapport à la détermination du rayon fournie en étudiant la taille de la  à l’occasion des . Rappelons que la photosphère est en quelque sorte la surface visible du Soleil au-dessus de laquelle le plasma solaire est . En dessous, ce  ionisé se comporte comme un  nous empêchant de voir l’intérieur du Soleil.

Or, depuis quelques années déjà, la transposition à notre étoile des techniques de  sur Terre avait conduit à penser que la détermination de sa taille à partir de l’étude de la photosphère était biaisée. Techniquement, les  utilisées sont les ondes f, qui sont les analogues de  sur Terre mais à la surface de la photosphère justement.

Les deux chercheurs ont confirmé cette réduction de taille en utilisant aujourd’hui les mesures concernant les ondes P, qui sont des  dans le plasma solaire, des ondes de  à l’intérieur du Soleil, comme dans le cas des ondes sismiques dites aussi P sur Terre dans les roches.

La réduction de taille du Soleil n’a l’ de rien, mais elle pose des contraintes sur les détails des réactions de fusion thermonucléaire à l’intérieur du Soleil et sur sa structure interne. Or le Soleil est en quelque sorte le principal laboratoire pour tester nos idées sur la structure et l’évolution des étoiles partout dans le  observable, étoiles qui à leur tour influent sur l’évolution des .

Toute meilleure compréhension du Soleil se répercute donc sur notre compréhension du monde des étoiles.

60 ans d’héliosismologie

Pour comprendre plus précisément sur quoi les chercheurs se sont basés dans leurs travaux, il faut donner quelques explications sur l’héliosismologie qui est une  spéciale de ce que l’on peut appeler l’astérosismologie et que l’on peut appliquer aux autres étoiles et même à des  comme  et . On peut commencer à rappeler que c’est une jeune discipline de l’ qui a pris naissance à partir d’une découverte concernant le Soleil en 1960. Toute son importance n’a été comprise qu’à partir des années 1970, quand des astrophysiciens tentant de percer les secrets de notre étoile ont montré qu’ils pouvaient jouer à un jeu comparable à ceux de leurs collègues géophysiciens sur Terre, avec la  de problèmes inverses avec les mesures du champ de gravité, du  mais précisément dans ce cas avec des ondes sismiques.

L’idée commune est simple à comprendre. Elle équivaut à reconstituer la taille, la forme et la composition d’un instrument de musique en analysant de plus en plus précisément, et complètement, l’ensemble des  et amplitudes contenues dans les sons que cet instrument peut émettre. Comme tout problème inverse, il s’agit de remonter des données de signaux à leur source et donc de faire l’inverse de la prédiction de signaux à partir des caractéristiques de cette source. La technique est particulièrement efficace avec les  qui se produisent sur Terre et est évidemment plus délicate à mettre en œuvre dans le cas du Soleil.

Il est pourtant possible de le faire et il faut pour cela mesurer des décalages spectraux produits par l’ provenant de la  à la surface du Soleil, qui vibre comme la membrane d’un tambour. C’est en 1960 que des pulsations extrêmement faibles du Soleil d’une période de cinq minutes ont été mises en évidence de cette façon pour la première fois par Robert B. Leighton (dont le nom est associé au fameux cours de son collègue Richard Feynman au Caltech). Plus généralement, les  que l’on peut détecter sont principalement la manifestation des modes de deux types d’ondes, qui sont elles-mêmes produites, notamment, par les  turbulents du plasma solaire dans sa zone convective, comme ont commencé à le comprendre une décennie plus tard, Roger Ulrich, Robert Stein et John Leibacher.

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