samedi 4 mai 2024

Des restes de Théia, la planète à l’origine de la Lune, seraient bien à l’intérieur de la Terre !

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Si l’origine de la Lune à partir d’une collision violente entre la proto-Terre et une petite planète nommée Théia n’est plus guère contestée, les détails du scénario ne sont pas encore fixés. L’un d’eux prend plus de poids aujourd’hui, c’est-à-dire que l’on pense de plus en plus sérieusement que des restes très importants de Théia se trouvent en fait à la base du manteau de la Terre, sous la forme de régions où les ondes sismiques ont des vitesses anormales par rapport au reste du manteau.

Rappelons quelques explications déjà données par Futura au sujet de la découverte de la théorie moderne de l’origine de la Lune. C’était il y a presque 50 ans, William K. Hartmann et Donald R. Davis publiaient alors dans le célèbre journal Icarus un article destiné à faire date.

Les deux hommes s’étaient inspirés des travaux concernant la formation des planètes du Système solaire, issus de l’école soviétique menée par Viktor Safronov. Les deux chercheurs disposaient aussi des données cosmochimiques fournies par les missions  et l’analyse des météorites trouvées sur Terre. En s’appuyant sur ces recherches, Hartmann et Davis avaient élaboré une théorie concernant l’origine de la Lune. Alastair G.W. Cameron et William R. Ward étaient également arrivés à des conclusions similaires au même moment.

Selon les travaux de ces quatre chercheurs, quelques dizaines de millions d’années après le début de la formation du Système solaire, il y a 4,56 milliards d’années, une petite planète de la taille de Mars et baptisée Théia, en souvenir de la divinité grecque mère d’Hélios (le ) et de Séléné (la Lune), serait entrée en collision avec la proto-Terre. Les débris de cette collision auraient ensuite donné naissance à la Lune dans le disque formé autour de la jeune Terre. La mécanique céleste nous dit en effet qu’une collision est bien plus probable qu’une capture de la Lune par la Terre.

La sismologie, une machine à remonter le temps dans l’histoire de la Terre ?

L’hypothèse n’eut pas vraiment d’écho dans la communauté scientifique jusqu’à ce qu’une conférence se tienne en 1984 à Hawaï sur l’origine de la Lune. Celle-ci donna lieu à la publication d’un livre en 1986 qui est devenu une référence en la . Depuis lors, l’hypothèse de l’impact géant est devenue standard et de nombreuses  à son sujet ont vu le jour, notamment celle de Robin Canup dans les années 1990. Elles ont tout à la fois contribué à conforter cette théorie et à la rendre problématique.

Un nouveau rebondissement s’était produit il y a quelques années dans la saga de la théorie de l’origine de la Lune exposée dans la vidéo ci-dessus, comme Futura l’avait expliqué dans le précédent article ci-dessous. Le nouvel épisode, aujourd’hui publié dans Nature, prend là aussi racine dans les travaux du géophysicien Qian Yuan et ses collègues du célèbre Caltech, renommé pour ses prix Nobel de , comme Richard Feynman et Kip Thorne.

Tout repose sur l’identification au cours des années 1980 par les séismologues de deux régions à la composition et densité anormales, plus riches en , à la base du manteau de la Terre et qui se signalaient donc par des  de propagation des  tout aussi anormales, les fameuses grandes provinces à faible vitesse (large low-velocity provinces ou LLVP en anglais encore appelées Large low-shear-velocity provinces, LLSVP, que l’on traduit en français par province de basse vitesse des ondes S ou grandes provinces à faible vitesse de cisaillement).

De nouvelles simulations de la collision entre la Terre et Théia

L’une de ces LLSVP est sous le continent africain et l’autre sous l’océan Pacifique, chacune étant deux fois plus grande que la Lune. Le nouvel article publié renforce aujourd’hui l’idée que ces  ne sont rien de moins que des restes de Théia, restes qui sont plus importants qu’on ne pouvait le penser au départ, au point qu’ils constitueraient une large part de Théia.

Pour arriver à cette conclusion, Yuan et ses collègues ont conduit plusieurs simulations de la collision entre la proto-Terre et Théia permettant de mieux comprendre comment le mélange des matériaux des deux planètes s’est produit suite à la collision, tenant compte de différents scénarios concernant la composition chimique de Theia et son impact sur la Terre.

Il est apparu que si l’ de l’impact avait bien fondu ce qui tenait lieu de manteau supérieur de la proto-Terre, le manteau inférieur était plus froid et moins fondu, ce qui aurait permis au cœur ferreux de Théia incorporé à la jeune planète – selon le scénario standard de collision – de ne pas complètement se mélanger au manteau ni de percoler en  pour s’ajouter en entier au noyau de notre Planète. C’est ce qui aurait assuré la conservation des restes de Théia si les chercheurs ont bien raison quant à la nature des LLSVP.

Il sera intéressant de voir comment ce modèle modifie l’image et l’histoire de l’évolution de la Terre primitive avec notamment la mise en place de la  de Jason Morgan et Dan MacKenzie.

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