samedi 18 mai 2024

Au Maroc, Jean-Luc Mélenchon appelle la France à tourner la page de l’arrogance

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Jean Luc Mélenchon est arrivé, hier, au Maroc. Un déplacement de solidarité avec les victimes du séisme d’Al Haouz. La première étape du leader de la France Insoumise a été la commune d’Amizmiz. Même si le déplacement est frappé du sceau de l’humanitaire, la politique s’y est frayée un chemin.

Interrogé sur le dossier du Sahara marocain, Mélenchon a reconnu qu’il s’agit d’une «question épineuse dans les opinions publiques marocaines. Tout le monde au Maroc se sent investi dans la Marche verte et la continue dans son esprit et même ceux qui aiment le Maroc, même si des fois ils sont tenus par une certaine discrétion, n’en pensent pas moins», a-t-il souligné.

Le natif de Tanger a enchainé en reconnaissant que la «diplomatie marocaine est très efficace. Elle a permis pendant des années que tout le monde s’y retrouve en étant d’accord avec les résolutions de l’ONU. Le Maroc n’a jamais manqué à sa parole (…) Dans tous les cas, ce n’est pas le Maroc qui a manqué à sa parole». Des propos qui devraient irriter à Alger et dans les camps de Tindouf.

Dans son analyse de la situation au Sahara, Mélenchon a constaté la présence de «paramètres nouveaux auxquels les Français devraient, sans doute, réfléchir avec plus d’attention. La prise de position des Etats-Unis d’Amérique, d’Israël et d’Espagne a modifié le regard que le monde porte sur cette question. Je souhaite que mon pays le comprenne et que dans tous les cas on n’en fasse pas un sujet de querelle avec les Marocains». Et d’inviter le gouvernement français «à manifester du réalisme». Mélenchon a reconnu que le «Maroc a mis sur la table des propositions intéressantes. Elles doivent être considérées».

Par cette position, Jean Luc Mélenchon exerce une autre pression sur le président Emmanuel Macron. Pour rappel, le chef du Parti Les Républicains, Eric Ciotti, avait souligné lors d’une visite au royaume en mai dernier, que «sur la question du Sahara, la souveraineté du Maroc est indiscutable».

Deux mois plus tard, 94 parlementaires français avaient signé une tribune collective au Figaro, à l’initiative des sénateurs du parti Les Républicains, Roger Karoutchi, Bruno Retailleau et Christian Cambon, réclamant d’Emmanuel Macron son soutien à la marocanité du Sahara. Les auteurs du texte pointaient notamment «les atermoiements français sur le Sahara et la politique d’équilibriste du Quai d’Orsay avec l’Algérie, [qui] poussent le Palais royal à chercher ailleurs qu’à Paris des partenaires militaires ou économiques».

En déplacement au Maroc depuis le mercredi 4 octobre pour une visite de trois jours, et depuis Amizmiz, localité frappée par le séisme du 8 septembre, Mélenchon a tenu à marquer son admiration pour la manière dont le Maroc a su gérer une catastrophe aussi dévastatrice qu’un tremblement de terre.

«Nous avons des leçons à apprendre et J’en déplore davantage cette arrogance que j’ai parfois pu voir en France et cette manière de regarder le Maroc de haut qui m’est encore plus insupportable», note-il.

Entre-aide, cette valeur sacrée que le Maroc a su préserver

«Moi qui ai roulé ma bosse, je suis très impressionné par le niveau d’organisation que j’observe et par cette chimie qui a fonctionné entre l’élan spontané de la population et l’action des pouvoirs publics. Une chose est sûre, la principale force du Maroc, c’est le peuple marocain. Vous, marocains, vous ne vous en rendez peut-être plus compte, mais vous manifestez des qualités de solidité et d’entre-aide qui sont devenues peu courantes dans la civilisation contemporaine. Que toutes les régions et localités du Maroc se mobilisent pour remettre en si peu de temps les choses en place après une telle catastrophe, pour moi, c’est magique. S’y ajoutent les autres niveaux d’intervention, des collectivités locales à l’État. Tout cela me fortifie non seulement dans l’idée que je me fais de mes amis marocains, mais dans ce que je crois important d’introduire dans la civilisation humaine, à savoir l’aptitude à l’entraide».

«J’ai également été frappé par l’état d’esprit de ceux qui ont une responsabilité. J’ai visité un collège érigé sous une tente et je n’ai pu qu’admirer l’engagement de ceux qui se battent pour que les fonctions essentielles soient assumées, que l’enseignement ait lieu et que les enseignants manifestent la dignité de leur fonction. C’est beau et c’est humainement très édifiant».

Arrogance française

«J’en déplore davantage cette arrogance que j’ai parfois pu voir en France et cette manière de regarder le Maroc de haut qui m’est encore plus insupportable maintenant que j’ai vu ce qui se déroule ici. Sérieusement, je prends un coup parce qu’il y a des choses que vous, Marocains, savez encore faire, mais que nous avons perdu. Je sais déjà comment le Maroc a su faire face à la crise du Covid-19, mais un tremblement de terre, c’est un calibre au-dessus en termes de dévastation. En France, il faut qu’on apprenne et s’il y a un endroit où il fait apprendre, c’est ici. Ce n’est certainement pas à nous de donner des leçons».

 «D’abord, en cessant de confondre les relations d’État à État et les peuples puisqu’il y a ceux, et ils sont nombreux, qui se trouvent pris entre les deux affections. Notre rôle en tant que politique, c’est de maintenir les relations entre les deux pays. Mes amis marocains savent que cela m’émeut d’être ici et je sais que ma présence leur faire plaisir. Ça compte. Je le dis avec beaucoup de solennité: nous avons en commun des familles et des enfants. Par conséquent, notre devoir à tous est de surmonter les situations conflictuelles. À cet égard, je dois dire que mon pays n’a pas brillé par son sens de l’à-propos. Il en a résulté des difficultés qui auraient pu être évitées».

Médias français, «irrespectueux et excessifs»

«Les relations entre le Maroc et la France doivent s’améliorer. Je n’aime pas l’ambiance que j’observe actuellement dans les médias en France à l’égard du Maroc. Je trouve l’attitude de nombreux médias français totalement irrespectueuse et excessive, notamment dans cette période grande détresse où nous sommes accablés par 3.000 deuils. Ce n’est pas le moment des grands malins. Et contrairement à ce qui se dit dans une certaine presse française, il faut dire ce qui est: le Maroc s’en est sorti admirablement de ce séisme. Et, ici, nous autres français, nous avons des leçons à apprendre. En efficacité, discipline et entraide. Je vous en parle en toute sincérité en sachant que ça ne me vaudra pas que des compliments en revenant chez moi. Mais cela suffit et il faut définitivement tourner la page de l’arrogance et cette ambiance qui prévaut dans les pays européens qui se vivent comme des forteresses et méprisent le reste de l’humanité. Sans se rendre compte que nous avons une vie commune. Il est temps en France qu’on baisse le ton».

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