samedi 27 juillet 2024

Les mangas à la conquête du monde

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Clément Sautet


  Le Manga Square du Salon du livre a attiré les ados en masse, mais aussi un public plus âgé. Le manga part désormais à la conquête du grand public. Reportage et analyse.

 

  Ce week-end au Salon du livre, l’effervescence était au rendez-vous autour du Manga Square et des stands des éditeurs de mangas. Des centaines d’ouvrages de tous genres se disputent l’intérêt des lecteurs toujours en quête des dernières nouveautés nippones. En 2011, plus de 36% des ventes de BD en France sont des mangas, et ce phénomène culturel directement arrivé du Japon a dépassé l’image négative de ses débuts.

 

  « J’étais un peu frileuse quand mon fils me parlait d’acheter Naruto » raconte une mère de famille devant le stand de l’éditeur Kana, « On se dit que le manga, c’est violent, vulgaire et stupide. A l’usure j’ai cédé et j’ai finalement découvert une autre façon de raconter des histoires, avec des personnages attachants et pas aussi durs que je ne l’imaginais ». Aventure, combat, sport, amour, thriller, héroïque fantasy, les jeunes raffolent de ces personnages grâce auxquels ils s’évadent dans des mondes imaginaires. « J’aime m’identifier au héros » déclare Timothée, 13 ans. « J’aimerais vivre avec eux les mêmes aventures qui me semblent impossible dans la vie réelle ».

 

 

  « Tintin, c’est de 6 à 76 ans et les ados ne veulent pas lire la même chose que leurs petits frères ou que leur grand-père ! » explique Fabien Vautrin des éditions Kurokawa. « Les ados cherchent un autre genre de divertissement, comme une volonté de se démarquer de leurs parents avec leur propre culture ».

 

  « Tu as trouvé le dernier One Piece? » lance un garçon excité à un de ses amis avant de disparaître rapidement, noyé dans la foule. Mais si le manga est aujourd’hui devenu un véritable phénomène de société qui a trouvé la recette du succès en ciblant les adolescents, les éditeurs cherchent à satisfaire également un public plus large, lecteur d’hier ou non-initié au manga, avec un panel de titre variant les styles et les approches.

 

Les éditeurs cherchent à élargir leur audience

 

  Les filles représentent aussi une part importante du lectorat et trouvent leur compte tant dans le genre Shôjo, qui leur est en partie dédié, que dans le Shonen (pour garçon) et dans le Seinen (pour adulte). « Pourquoi on serait fermées à la baston? » argumente Amalia, 17 ans. « Le manga est un fantasme qui peut aussi bien faire vibrer avec un thriller de Kazuma Kondou (Deadman Wonderland) qu’avec des histoires d’amour comme Nana de Ai Yazawa ». C’est un fait! Le manga n’est pas une littérature unilatérale et les auteurs phares comme Naoki Urasawa (Monster), Hikari Nakamura (Les vacances de Jesus et Boudha), Tetsuya Tsutsui (Manhole) ou encore Inio Asano (Bonne nuit Punpun), sont les exemples qui prouvent que, comme le roman ou la BD, chaque lecteur peut y trouver ce qu’il aime.

 

Les adultes aussi!

 

  Derrière les jeunes, il y a ceux qui sont un peu plus discrets, ceux qui ont connu le manga quand ils avaient 15 ans et qui en ont 40 aujourd’hui ou plus. Des lecteurs qui ont mûri et qui recherchent désormais une narration moins « tape-à-l’oeil », des dessins quelquefois plus explicites et des sujets qui les concernent. C’est ainsi qu’ont émergé des auteurs comme Mari Yamazaki (Thermae Romae, coup de coeur du Salon), et que d’autres comme Naoki Urasawa ont conforté leur position de maître et référence en la matière. « Il y a une approche très différente de celle de la BD franco-belge » explique Sébastien. « Le rythme est plus soutenu et on passe par pleins d’émotions en peu de temps. » Pourtant, l’on trouve encore des réfractaires à l’esthétique manga qui disent ne pas supporter la disproportion des personnages (surtout des yeux). D’où l’émergence depuis quelques années d’un style de manga aux traits « occidentalisés » à l’image de Kaoru Mori (Bride Stories), ou au thème international comme La Bible Manga de Ryo Azumi et Kozumi Shinozawa (Prix de la BD Chrétienne d’Angoulême 2010).

 

Périlleuse mutation numérique

 

  Qui dit succès, dit également piratage. Le « Scantrad » (page de manga scannée et en libre service sur Internet) est la bête noire des éditeurs. Comme Megaupload pour les films, cette pratique illégale dessert le travail des auteurs. Mais pourquoi ne pas adapter légalement sur tablette numérique les mangas? La réflexion est en cours chez tous les éditeurs. Mais l’initiative ne peut venir que des éditeurs japonais qui émettent encore beaucoup de réserves sur la valeur du support numérique qui tendrait à déprécier l’oeuvre des mangakas. Cependant, Pika Edition lancera en juin 2012 une collection de mangas numériques légaux comprenant près de 50 titres disponibles. Un marché en devenir qui contribuera à l’extension et la découverte du manga chez tous les lecteurs. Même si les vrais fondus de manga préfèrent encore les versions papier.

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