lundi 20 mai 2024

Brésil : reprise d’un procès crucial sur les revendications territoriales autochtones

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La Cour suprême du Brésil a repris mercredi les débats d’un procès dont le verdict très attendu pourrait être déterminant pour le droit des Autochtones à occuper leurs territoires ancestraux, au sein de communautés considérées comme des remparts contre la déforestation.

Lors de ce procès du siècle, comme l’intitulent les défenseurs des peuples autochtones, les 11 juges de la plus haute juridiction du pays doivent décider s’ils rejettent ou non le cadre temporel.

Cette thèse, défendue par le puissant lobby de l’agro-négoce, ne reconnaît comme terres revenant de droit aux Autochtones que celles qu’ils occupaient ou revendiquaient officiellement au moment de la promulgation de la Constitution en 1988.

Mais les Autochtones s’y opposent, argumentant que certains territoires n’étaient plus occupés à cette époque, car ils en avaient été expulsés, notamment sous la dernière dictature militaire (1964-1985).

Plusieurs centaines de représentants autochtones de tout le pays se sont rendus à Brasilia pour suivre la reprise du procès, la plupart arborant des coiffes de plumes traditionnelles.

Aujourd’hui, c’est une nouvelle journée historique pour les peuples autochtones. Quand nous partirons d’ici, le cadre temporel sera enterré et une nouvelle vie pourra commencer, a déclaré mercredi en conférence de presse Kretã Kaingang, représentant de l’Association des peuples autochtones du Brésil (APIB).

Les débats, qui ont débuté en 2021, ont été suspendus à plusieurs reprises. Six magistrats de la Cour suprême se sont déjà prononcés : quatre ont rejeté l’idée de cadre temporel pour l’attribution des réserves et deux l’ont jugée recevable. Cinq autres juges doivent encore voter.

Le procès, qui devrait faire jurisprudence, porte plus précisément sur le cas du territoire Ibirama-Laklano, dans l’État de Santa Catarina (sud), qui a perdu son statut de réserve autochtone du peuple Xokleng en 2009, à la suite d’un jugement d’une instance inférieure.

Les juges avaient alors justifié leur décision en expliquant que ces terres n’étaient pas occupées par les autochtones en 1988. Le lobby de l’agro-négoce considère que le cadre temporel représente une sécurité juridique pour les producteurs ruraux.

L’un des juges ayant voté contre, Alexandre de Moraes, a proposé une solution de rechange : que l’État brésilien indemnise certains propriétaires de terres qui seraient transformés en réserves.

Cette solution est également rejetée par les Autochtones. Nous ne sommes pas contre l’indemnisation de petits producteurs agricoles, mais cela doit être décidé en dehors de ce procès,  sinon de nombreux conflits risquent d’éclater en raison de la jurisprudence, estime Kretã Kaingang, qui préconise une analyse au cas par cas des demandes d’indemnisation.

Le Brésil compte près de 1,7 million d’Autochtones, soit 0,83 % de la population, selon les chiffres du dernier recensement.

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