lundi 20 mai 2024

Plus fréquents, plus violents: le Brésil face au défi des événements climatiques extrêmes

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Inondations historiques, feux de forêt d’un niveau record, vagues de chaleur sans précédent, sécheresse: les événements climatiques extrêmes s’enchaînent au Brésil et, préviennent les experts, se feront encore plus fréquents et intenses à l’avenir.

Avec une centaine de morts et des infrastructures gravement atteintes, les pluies torrentielles tombées la semaine dernière sur le Rio Grande do Sul sont déjà la pire catastrophe naturelle de l’histoire de cet important État agricole du Sud brésilien.

Mais ce désastre n’est que le dernier parmi ceux qui ont frappé récemment ce pays aux dimensions continentales.

L’an dernier, le Brésil a été le théâtre de 1 161 catastrophes naturelles de natures et de dimensions variées, un record depuis le début des relevés en 2011, selon le Centre national de surveillance et d’alerte des catastrophes naturelles (Cemaden).

Sa géographie explique en partie cette vulnérabilité, avec des régions exposées aux inondations au sud et d’autres plus sèches comme la zone semi-aride à l’est. Autre facteur de poids: le phénomène météorologique naturel El Niño.

Mais des désastres comme celui du Rio Grande do Sul constituent un «rappel des effets dévastateurs de la crise climatique», a souligné le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

   «Adaptation» urgente

En raison du réchauffement de la planète, les événements extrêmes «sont toujours plus fréquents et plus extrêmes, et il faut s’attendre à ce que cela continue», confirme à l’AFP José Marengo, responsable de recherche au Cemaden.

Le changement climatique «n’est plus un thème de discussion scientifique: il est sorti des livres pour devenir réalité», insiste Marcio Astrini, secrétaire exécutif de l’Observatoire du climat, qui regroupe des ONG et des chercheurs.

Les précipitations extrêmes au Brésil ont fait l’an dernier au moins 132 morts et plus de 9 000 blessés, tandis que quelque 74 000 habitants ont perdu leur foyer, selon le Cemaden. Les dégâts matériels sont estimés à plus de cinq milliards de réais (plus de 900 millions d’euros).

Des précipitations extrêmes dans la partie méridionale de l’Amérique du Sud, comme celles du Sud brésilien, sont depuis longtemps prévues par les modèles scientifiques, pointe l’Observatoire du climat. Mais cette alerte a été «ignorée par les responsables locaux successifs», accuse Suely Araujo, coordinatrice de politiques publiques au sein de la plateforme.

«Tant qu’on ne comprendra pas la nécessité de l’adaptation (au changement climatique), ces tragédies continueront de se produire, de façon toujours plus grave et fréquente», avertit-elle.

   Prévention

Et il y a aussi les incendies. Le Brésil a enregistré un record de feux de forêt de janvier à avril, avec plus de 17 000 foyers identifiés, dont plus de la moitié en Amazonie, selon un organisme officiel. Le gouvernement a pointé l’impact du réchauffement et des épisodes de sécheresse qu’il engendre.

L’Amazonie, plus grande forêt tropicale de la planète qui joue un rôle vital contre le changement climatique via l’absorption des émissions de carbone, a subi l’an dernier une sécheresse historique.

Sur le front amazonien, il y a cependant une bonne nouvelle. Le gouvernement du président Luiz Inacio Lula da Silva est parvenu à y réduire de moitié la déforestation lors de sa première année de mandat en 2023. Elle avait bondi sous son prédécesseur d’extrême droite Jair Bolsonaro, allié d’une agro-industrie toujours en quête de terres.

Selon José Marengo, pour éviter de nouvelles tragédies comme celle du Rio Grande do Sul, il faut d’abord prendre au sérieux les alertes.

«Puisque nous n’avons pas le pouvoir d’arrêter la pluie, il faut nous préparer en anticipant les désastres associés: que les populations ne construisent pas dans des zones à risque et que les gouvernements travaillent tout le temps, parce que face aux désastres il faut être toujours prêt, pas seulement quand ils se produisent», exhorte-t-il.

De son côté, Marcio Astrini plaide pour la mise en place d’un plan de riposte précoce pour les zones les plus vulnérables du Brésil. Mais «nous en sommes très loin», admet-il.

Les deux spécialistes soulignent le budget insuffisant pour les politiques de prévention, le vote de lois qui favorisent l’occupation de zones dangereuses, ou encore la déforestation.

Or, résume le dirigeant de l’Observatoire du climat, le changement climatique amène «des dégâts tant sociaux qu’économiques: des gens qui meurent et d’autres qui perdent tout».

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