mercredi 8 mai 2024

« Voyoucratie » : L’ex-ministre algérien Nourredine Boukrouh réagit à une cabale judiciaire contre sa famille

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Ancien ministre du Commerce sous Bouteflika, Noureddine Boukrouh est un redoutable polémiste. À l’étranger où il s’est installé pour fuir les menaces, l’homme s’exprime régulièrement sur l’actualité de son pays.

Sa plume est redoutable et ses mots sont du vitriol sur des plaies ouvertes. Depuis qu’il a délaissé son costume de dirigeant politique pour revêtir celui d’observateur et commentateur de l’actualité algérienne, Noureddine Boukrouh dézingue, ventile et dynamite.

Lors d’un forum organisé, en juin 2015, par le quotidien algérien “Liberté”, Noureddine Boukrouch a jugé inacceptable que le régime algérien continue à soutenir la thèse séparatiste du Sahara marocain.

Lors de ce forum, Noureddine Boukrouch a appelé le régime à abandonner son acharnement stérile sur cette affaire alors que le Maroc a récupéré son Sahara. « Combien nous coûtent cette cause (Sahara) et ce problème qui dure? A-t-on les moyens de continuer à prendre en charge cette question? Ce n’est pas normal ce qui se passe dans le pays, c’est de la folie tout simplement », a martelé le conférencier.

Depuis, Noureddine Boukrouh fait l’objet d’une cabale de la part de la junte. Son épouse et son fils, interdits de quitter l’Algérie, viennent d’être poursuivis en justice pour des faits imaginaires. Boukrouh est publiquement exposé à la vindicte de «la voyoucratie», pour terroriser les voix indépendantes.

Dans un article publié le 15 septembre, le site algérien Echoroukonline annonce que «la justice algérienne a ouvert un lourd dossier de corruption, dans lequel les deux fils de l’ancien ministre du Commerce et ancien chef du Parti du renouveau algérien, Noureddine Boukrouh, sont poursuivis pour des faits graves, liés à la violation de la législation et réglementation des changes et des mouvements de capitaux à destination et en provenance de l’étranger, crime qui tombent sous le coup de la loi anti-corruption et de prévention 01/06».

Par manque de rigueur, Echoroukonline omet de mentionner que ces «faits graves», quand bien même ils auraient existé, remontent à l’année 2002 et que les enfants de Boukrouh, actionnaires d’une Société anonyme à responsabilité limitée (SARL), étaient alors mineurs. Echoroukonline attribue aussi à Boukrouh «deux fils», alors qu’il n’en a qu’un seul, en plus de quatre filles de sa première épouse, toutes actuellement en dehors de l’Algérie (elles sont établies au Canada, au Qatar et en France).

En réalité, c’est l’actuelle épouse de Boukrouh, Noura, et son fils, Walid, qui, sous une interdiction de sortie du territoire depuis juin dernier, sont concernés par les poursuites judiciaires engagées jeudi dernier par le pôle économique et financier du tribunal Sidi M’hammed d’Alger. Il est utile de rappeler à cet égard que ce sont les juges de ce même tribunal qui avaient été humiliés par le général Khaled Nezzar. De retour au pays dans un avion présidentiel, en janvier 2021, après sa fuite en Espagne, il était directement allé leur déchirer à la face la sentence de 20 ans de prison qu’ils avaient prononcée, par contumace, à son encontre en juillet 2019.

C’est donc ce tribunal aux ordres qui prend aujourd’hui en otages deux membres de la famille de Noureddine Boukrouh, un homme politique doublé d’un penseur, exilé depuis septembre 2017 au Qatar puis en France, et dont les sorties médiatiques, où il ne dit pourtant que la vérité, dérangent au plus haut point le régime algérien.

D’ailleurs, en réaction aux poursuites judiciaires enclenchées contre des membres de sa famille, Noureddine Boukrouh a réagi sur sa page Facebook, et il n’y va de main morte. «Il s’agit d’une machination contre moi dont mes enfants sont le prétexte», écrit-il d’emblée.

 Il précise aussi que «des mandats d’arrêt ‎internationaux ont été préparés contre eux pour les accusations citées, et contre moi pour «trafic ‎d’influence» dans la création de cette SARL il y a 20 ans. Mon épouse et mon fils sont pris en otage ‎depuis juin dernier (sous ISTN [Interdiction de sortie du territoire national, Ndlr] puis sous contrôle judiciaire à ce jour), et «on» me promet une ‎destruction de ma famille et un bannissement qui a commencé en septembre 2017 avec mon exil ‎forcé après mon «Appel à une Révolution citoyenne pacifique» et que, par ces procédés de ‎voyous, «on» veut rendre éternel.‎» Et Noureddine Boukrouh de conclure que «cette odieuse opération de représailles» le cible en personne, à cause de ses  «écrits sur la politique algérienne».

Fondateur, en 1989, du Parti du renouveau algérien (PRA) d’obédience islamo-libérale, à la suite de la prétendue ouverture de l’Algérie au multipartisme, Noureddine Boukrouh, professeur universitaire, a été candidat à la présidentielle de 1995.

Il a ensuite occupé deux portefeuilles ministériels (1999-2005) lors du premier mandat de Abdelaziz Bouteflika, dans les gouvernements dirigés successivement par Ahmed Benbitour, Ali Benflis et Ahmed Ouyahya.

Il y a côtoyé Abdelmadjid Tebboune, alors ministre de l’Habitat, auquel il a consacré plusieurs écrits, pour montrer qu’il n’a ni le gabarit, ni la légitimité pour diriger l’Algérie.

Le 14 juin 2021,  Noureddine Boukrouh a publié un brûlot dans sa page Facebook, intitulé «Ce fou de Tebboune». Relatant le gros dossier de corruption personnel et familial de Tebboune que les généraux ont utilisé comme «CV» pour le mettre sous leur aisselle, Boukrouh traite l’actuel président algérien de «Mahboul» (fou), qu’il dit atteint d’un «delirium tremens» (un trouble neurologique sévère décrit pour la première fois en 1813, lié au syndrome de sevrage alcoolique).

Tebboune, écrit Boukrouh en juin 2021, «a refoulé le souvenir qu’il a été élu par une minorité d’électeurs (4,9 millions sur 24,5 inscrits), que la ‎Constitution de la «nouvelle Algérie» qu’il a soumise à référendum a été rejetée par les quatre-‎cinquièmes du corps électoral, que l’instance législative qu’il veut mettre en place coûte que coûte ‎n’a recueilli au mieux que 30% des voix inscrites, refusant de voir le verre rempli à 70% de Non».

Plus généralement, dans ses analyses socio-politiques, dont plusieurs ont été déclinées sur les plateaux de télévisions algériennes, Boukrouh nie ouvertement toute préexistence d’une nation algérienne à la colonisation, et estime que l’Algérie est aujourd’hui à l’image d’un «sans-papiers», une entité dont les citoyens sont «des clandestins de l’Histoire» et dont les dirigeants sont des «resquilleurs». Il a précédé à ce propos le président français Emmanuel Macron, qui avait mis en doute, en septembre 2021, l’existence d’une «nation algérienne avant la colonisation française».

N’ayant pas la langue dans sa poche, Noureddine Boukrouh dérange la junte algérienne, parce qu’il dénonce régulièrement sa propagande mensongère. N’est-ce pas lui, à titre d’exemple, qui avait qualifié le lynchage à mort de l’activiste du Hirak, Djamel Bensmail, en août 2021, de «crime d’Etat» directement supervisé par la police algérienne? En rejetant toute implication du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) dans ce «terrorisme d’Etat», Boukrouh s’est, depuis, attiré les foudres du régime algérien qui semble se diriger vers l’émission d’un mandat d’arrêt international contre lui, certainement sous la fausse accusation de «financement du terrorisme».

Les représailles publiques de la junte algérienne contre Boukrouh dévoilent un nouveau mode opératoire, supposée terroriser toute voix qui oserait critiquer les pontes du régime. Ce n’est plus seulement l’intéressé qui est visé, mais l’ensemble de sa famille dont on dévoile les photos sur les relais médiatiques. Cette façon de faire apporte une preuve supplémentaire que l’Algérie est un État failli. Le gang qui la dirige recourt de façon décomplexée à des pratiques mafieuses.

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