vendredi 26 avril 2024

Mali : le MNLA joue la carte de l’auto-détermination

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Un tonneau peint aux couleurs du MNLA à la frontière du Mali et du Niger

 

 

Lareleve.ma

 

  Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ne parle plus d’« indépendance » mais d’« autodétermination » du nord du Mali dans une plateforme de revendications politiques présentée, dimanche 7 octobre, au président burkinabè, Blaise Compaoré, médiateur de la crise malienne. Affaibli militairement et isolé politiquement, le MNLA tente de retrouver une assise et une légitimité.

 

  Le MNLA se dit déterminé à discuter, autour d’une table, des causes profondes de la crise au nord du Mali et l’a fait savoir à Blaise Compaoré, médiateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

 

  La délégation du MNLA était représentée par Ibrahim Ag Assaleh, membre du conseil de transition de l’Azawad et Illad Ag Mohamed, membre du bureau du MNLA. Tous deux ont présenté un document de 11 pages intitulé « plateforme politique » dans lequel le mouvement ne met plus l’accent sur la sécession ou l’indépendance à tout prix, comme ce fut le cas en janvier dernier lorsque le mouvement a pris les armes pour obtenir l’indépendance de l’Azawad (nom que donne le MNLA au nord du Mali).

 

  Dans ce document, le MNLA rappelle l’histoire de son mouvement, celle du territoire de l’Azawad depuis l’indépendance du Mali, en 1960, et ses objectifs politiques.

Pour ne plus froisser Bamako et pour tenter d’obtenir l’ouverture de négociations, les élites du MNLA ont quasiment supprimé le mot « indépendance » du texte et sont revenues à une expression bien connue, dans le nord du Mali, celle du « droit à l’autodétermination ».

 

  Ainsi, le MNLA réclame son droit à l’autodétermination, ce qui veut dire, pour l’émissaire Ibrahim Ag Assaleh, reçu par le président Blaise Compaoré et joint par RFI « avoir le droit à la santé, à l’éducation et avoir aussi ses propres moyens de gouvernance sur son propre territoire, mais un territoire qui pourrait – pourquoi pas – être sous la tutelle de Bamako », et il ajoute : « Ce sera à la communauté internationale et aux autorités de transition maliennes de nous proposer un statut juridique qui convienne à nos aspirations. »

 

Divisions au sein du MNLA

 

  Un cadre du MNLA joint dans l’après-midi, par RFI, admettait qu’« il y a des divisions au sein du mouvement, sur cette question d’indépendance » et qu’il a fallu des semaines de discussions pour en arriver là. Selon un autre leader du mouvement, il leur a fallu également demander « l’aide d’experts internationaux » qui leur ont apporté leur « savoir faire en matière de droit international et de négociations ». Il est vrai qu’en plus de cette plateforme politique, les cadres du MNLA ont préparé deux autres documents, pour le moment confidentiels, qui regroupent les arguments pour revendiquer l’autodétermination.

 

  Ce n’est pas la première fois que le MNLA évoque l’autodétermination. Depuis plusieurs mois déjà, la rébellion touareg ne brandissait plus l’indépendance comme revendication catégorique. Ce qui est nouveau, c’est que l’autodétermination figure dans cette plateforme politique, qu’elle soit remise au médiateur de la Cédéao et que celui-ci s’en fasse le porte-parole. En effet, en parlant d’autodétermination, le MNLA redevient un interlocuteur acceptable pour la communauté internationale. Selon un expert du dossier, joint par RFI, ce positionnement est stratégique. Pour lui « le MNLA est aujourd’hui remis en selle, avec la bienveillance de la communauté internationale, pour devenir les bras armés d’une intervention militaire ».

 

Allier «préparation militaire» et «dialogue»

 

  Lors d’une réunion, ce lundi 8 octobre, à Dakar, des chefs de mission de la paix de l’ONU en Afrique de l’Ouest, il a été question de la situation au Mali après, notamment, les pourparlers de Ouagadougou entre des représentants du MNLA et le président burkinabè Blaise Compaoré. A l’issue de la réunion de Dakar, le responsable de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, a déclaré à la presse que le dialogue peut aller de pair avec la préparation d’une opération militaire.

 

  «Il y aura une approche double, à savoir, préparer les dialogues mais, pendant ce temps et parallèlement, monter en puissance la force ouest-africaine en attente» a declar é Saïd Djinnit, responsable de l’ONU en Afrique de l’Ouest

 

  Reste à savoir maintenant comment Bamako recevra le message du MNLA qui semble renoncer à l’indépendance du Nord. Les autorités maliennes n’ont toujours pas mandaté de délégation officielle pour entamer des négociations avec des groupes armés du Nord.

 

Par Ursula Soares

 

Le droit à l’autodétermination

 

   Le principe de l’autodétermination a été introduit, en droit international et en diplomatie, après la Seconde Guerre mondiale, avec la charte des Nations unies. C’est ce qui a permis, dans les années 60 et 70, aux peuples colonisés de devenir indépendants. Depuis, plusieurs chartes ou déclarations, notamment de l’Union africaine, ont considéré que le droit à l’autodétermination était un droit inaliénable. Les peuples peuvent disposer d’eux-mêmes et, en vertu de ce droit, ils peuvent déterminer librement leur statut politique, social, économique et culturel.

 

 L’autodétermination est souvent perçue, à tort, comme synonyme d’indépendance parce qu’il est vrai que son principe se heurte au concept de l’intégrité territoriale. D’ailleurs, la charte des Nations unies n’interprète pas le droit à l’autodétermination comme une autorisation ou un encouragement à démembrer ou compromettre l’intégrité du territoire ou l’unité politique d’Etats souverains. Il existe, en tout cas, en dehors de l’indépendance, de nombreuses formules ou combinaisons qui permettent à des populations de s’auto-gouverner et de s’auto-administrer : la décentralisation, l’autonomie, la fédération comme au Nigeria, en Allemagne et en Russie ou encore la libre association des peuples comme en Suisse.

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