vendredi 19 avril 2024

Une enquête ouverte après la diffusion d’enregistrements de Merah

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Lareleve.ma-AFP

 

  Le parquet de Paris a ouvert dimanche une enquête préliminaire pour violation du secret de l’instruction après la diffusion par TF1 d’extraits des enregistrements audio entre Mohamed Merah et les policiers lors du siège de son appartement. Cette enquête est confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la «police des polices», a-t-on précisé. L’IGPN est parallèlement chargée par le ministère de l’Intérieur d’une enquête administrative à ce sujet.

 

  Ce lundi, la chaîne assure qu’elle a pris la décision de diffuser ces enregistrements car ils contenaient des «informations très importantes». La directrice de l’information du groupe, Catherine Nayl, estime en effet avoir agi «en conscience parfaite de ce que cela pouvait avoir comme valeur informative».

 

  «Je pense que ce document prouve que, jusqu’au bout du raid, les négociateurs ont essayé d’arrêter Mohamed Merah, et de l’arrêter vivant», a ajouté Catherine Nayl. «On comprend dans ce document aussi que Mohamed Merah, avec un sang-froid et une détermination absolus (…), s’est construit un personnage», a-t-elle poursuivi.

 

  «Toutes ces informations, qui sont des informations nouvelles par rapport à l’affaire Merah, nous ont semblé importantes à diffuser. C’est pour cela que nous avons décidé de le faire». «Nous sommes des journalistes, notre travail, c’est d’informer», a insisté Mme Nayl, ajoutant  : «On comprend parfaitement le choc et la violence pour les familles des victimes d’entendre la voix de celui qui a assassiné un de leur membre».

 

Les familles «scandalisées»

 

  Les proches des victimes de Mohamed Merah, «scandalisés», avaient auparavant annoncé leur intention de saisir la justice en urgence pour obtenir l’interdiction de toute diffusion des enregistrements des conversations entre le tueur au scooter et la police, ont annoncé deux de leurs avocats.

 

  «Les victimes sont scandalisées d’apprendre le contenu de ces négociations à la télévision. A ce rythme, ce sont les vidéos des tueries qui se retrouveront sur la toile et l’atteinte sera alors irrémédiable», a dit Me Samia Maktouf après la diffusion par TF1 des extraits audio des dialogues de Merah avec la police lors du siège de son appartement les 21 et 22 mars. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a indiqué dimanche soir avoir déconseillé aux chaînes de rediffuser les extraits en question.

 

  «Nous allons demander au parquet, conjointement avec les autres parties civiles, d’enclencher une procédure d’urgence pour bloquer la diffusion de ces enregistrements, par tout moyen et sur tout support», a dit Me Béatrice Dubreuil, son associée. «Les juges avaient assuré aux familles que ces enregistrements seraient placés sous scellés et qu’un dispositif d’alerte serait mis en place. C’était un point extrêmement important pour elles», a-t-elle ajouté. «On attend que la justice tienne promesse et que cette diffusion soit bloquée», a-t-elle encore dit.

 

  «Les familles des victimes ont l’impression que la justice ne va pas assez vite et, en même temps, prennent connaissance du déroulement de l’instruction par la télévision. Il s’agit d’une atteinte grave et manifeste au secret de l’instruction», a ajouté de son côté Me Maktouf.

 

L’IGPN chargée d’enquêter

 

Dans un communiqué le ministre de l’Intérieur Manuel Valls avait relevé que l’enregistrement réalisé durant le siège par la police n’avait «jamais été rendu public»: «Il convient donc de s’interroger sur les moyens par lesquels le diffuseur a pu se procurer ledit enregistrement». Manuel Valls avait regretté cette diffusion, jugeant qu’«aucune précaution n'(avait) été prise pour respecter les familles des victimes» du tueur au scooter.

 

  Lundi, l’ex-ministre UMP Valérie Pécresse s’est déclarée «choquée» par la décision de TF1 et a dit craindre «un effet de contamination, d’un effet sympathie à l’égard d’un homme qui a commis des actes monstrueux».

 

  L’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la «police des polices», a été chargée de mener une enquête administrative et une enquête pénale sur la diffusion de ces enregistrements faite dimanche par TF1. TF1 a diffusé pour la première fois, dans son émission Sept à Huit, une partie des enregistrements audio où l’on entend le «tueur au scooter» dialoguer avec des policiers les 21 et 22 mars, et expliquer d’un ton posé, calme, ses crimes comme ses projets criminels à venir.

 

  La chaîne a affirmé disposer d’une bande de quatre heures et demie d’enregistrements.

 

Le producteur se défend

 

  «Nous avons agi en responsabilité» en diffusant un «document à forte valeur d’information», a de son côté répliqué Emmanuel Chain, producteur de l’émission Sept à Huit sur TF1. «Nous avons beaucoup réfléchi, décidé de diffuser ce document qui a une forte valeur d’information (…) On apprend comment Merah s’est formé avec Al-Qaeda, sa détermination, on apprend beaucoup de choses, il a été très contextualisé», a-t-il dit sur RTL.

 

  «Nous l’avons fait en responsabilité, en pensant en permanence aussi à l’émotion que pourrait susciter sa diffusion auprès des familles de victimes et en décidant de ne pas diffuser tous les propos qui auraient pu heurter leur sensibilité», a assuré Emmanuel Chain.

 

  «L’enregistrement que nous avons dure plus de quatre heures, et nous avons décidé de ne diffuser que les extraits qui avaient valeur d’information», ajoute le producteur de Sept à Huit, estimant que c’est «un document qui apporte un éclairage important, intéressant, sur une affaire qui a beaucoup marqué les esprits».

 

«Terrifiant» pour le Crif

 

  La représentante du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) en Midi-Pyrénées s’est pour sa part déclarée «choquée» et «terrifiée» par la teneur des conversations entre Mohamed Merah et la police , démontrant «la grande détermination» du tueur de Toulouse et de Montauban.

 

  «Il était vraiment entré dans une pensée idéologique construite malgré son jeune âge, nihiliste, mortifère. C’est le jihad mondial, on doit tuer les croisés. C’est une forme particulière d’islam revendiqué par Al-Qaeda, qui a déclaré la guerre aux croisés et aux juifs. Ce qui est frappant, c’est que les juifs, c’est en plus, c’est normal de les tuer, mais ce n’est pas prioritaire. C’est quelqu’un qui a décidé de déclarer la guerre à l’occident», a déclaré Nicole Yardeni.

 

  «Ca m’a beaucoup choquée, une telle revendication de la violence. On sent une grande détermination. Ces propos, c’est terrifiant. C’est quelqu’un qui a le goût du sang», a-t-elle ajouté.

 

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