samedi 27 juillet 2024

Système de santé algérien: les signes d’une faillite

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Le système de santé algérien agonise, lentement, douloureusement, depuis plusieurs années. Les signes de son état morbide sont nombreux : délabrement avancé des hôpitaux, quêtes organisées par centaines par les citoyens pour envoyer des malades se faire soigner à l’étranger, recours systématique des hommes du pouvoir aux hôpitaux européens…

Dans ce naufrage de la santé algérienne, les établissements publics n’arrivent plus à soigner correctement, les médecins ont acquis, injustement pour la plupart et malgré eux, une réputation de tueurs avides d’argent et la confiance est rompue entre patients, soignants et hôpitaux.

Pourtant, le système de santé de l’Algérie socialiste avait pu, dès les premières années de l’indépendance, réaliser de bons résultats en éradiquant plusieurs maladies contagieuses, en abaissant drastiquement le taux de mortalité infantile et en augmentant significativement l’espérance de vie moyenne. Mais ces réalisations n’étaient qu’un « smic », un seuil minimal d’objectifs que n’importe quel système de santé moderne est capable d’atteindre. Depuis ces années fastes, la santé en Algérie n’a fait que régresser.

Les raisons de cette régression catastrophique ne doivent pas être recherchées dans le seul manque de financements, au contraire. A voir le gâchis de ressources humaines, d’argent public, d’espace et de matériel qui est fait dans nos hôpitaux, il est plus raisonnable d’imputer cette agonie à un manque de vision et à une gestion approximative de ce secteur.

La santé orpheline de ses métiers

La faillite actuelle du système de santé est le fruit de décennies de navigation à vue, de gestion hasardeuse et d’instabilité. Le cadre législatif qui régit le fonctionnement des établissements de santé en est la parfaite illustration. Il est, de l’avis même des derniers ministres qui se sont succédé à la tête de ce secteur, désuet et en complet déphasage avec la réalité des besoins en soins des Algériens et les progrès des sciences médicales.

Ce retard dans l’actualisation de la réglementation a fait que les établissements de santé algériens fonctionnent sans une bonne partie des métiers qui lui sont nécessaires.

Dans les services hospitaliers, la gestion des flux de patients est chaotique, ce qui mène souvent à l’éclatement de disputes, voire de bagarres car on n’y trouve ni portier, ni brancardier, ni coursier. De métiers qui ont existé auparavant dans les hôpitaux algériens mais qui ont été supprimés depuis, on ne sait par quel raisonnement bureaucratique.

On mange mal et peu, voire pas du tout dans les hôpitaux algériens. L’inexistence des métiers de nutritionniste et de chef cuisinier dans la nomenclature des métiers des hôpitaux en est la raison. Le résultat est que les plats servis dans nos hôpitaux pour le personnel et les patients sont, dans la plupart des cas, non seulement mauvais du point de vue gustatif mais également du point de vue nutritionnel. Un gâchis de temps, d’énergie, de matière première et d’argent.

Pire : la réglementation algérienne a oublié de créer certaines spécialités médicales. Ainsi, le système de santé algérien est un des rares au monde, si ce n’est le seul, à fonctionner sans médecins urgentistes et sans médecins gériatres.

Faute de médecins réellement spécialisés dans les urgences, comme il en existe partout dans le monde, les urgences des hôpitaux algériens sont tenues par des médecins spécialistes, des généralistes, des résidents, des internes et même, dans beaucoup d’hôpitaux, par les externes en médecine. Une situation rocambolesque dans laquelle on met du personnel non formé aux urgences devant à des cas graves et compliqués.

Les médecins spécialisés en gériatrie soignent et soulagent les patients âgés et les accompagnent dans leurs derniers moments de vie en atténuant leurs souffrances. L’absence de cette spécialité médicale en Algérie est un réel problème qui met à nu le manque de vision des responsables du secteur. Le vieillissement inéluctable de la population algérienne et l’allongement de l’espérance de vie rendent cette spécialité indispensable. Un problème dont la résolution nécessaire et urgente est perpétuellement reporté aux calendes grecques.

Par: Hassane Saadoun (Publié sur le site TSA le 16 Juil. 2018 )

 

 

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