vendredi 26 avril 2024

Rabah Ameur-Zaïmèche revient avec ‘Les Chants de Mandrin’

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Fouzia Marouf

  Temps fort cinématographique de cette nouvelle année, révélé au Festival de Locarno, récompensé par le prix Jean Vigo 2001, Les Chants de Mandrin, signe définitivement un  cinéma d’un nouveau genre. Un cinéma  novateur, qui  décomplexe l’Histoire de France et d’Algérie.

 

  Qui mieux que Rabah Ameur-Zaïmèche, auteur des très remarqués, Dernier maquis, Bled Number One, Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe?, pouvait exhumer le personnage de Mandrin, dont la complainte  sent la terre, le peuple, la justice ? « J’ai découvert ce texte en CM1, grâce à un instituteur dont la rigueur m’a marqué. J’habitais à Montfermeil, dans la cité des Bosquets. En lisant ces vers, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas que des oppresseurs en France ; je me suis senti heureux de vivre dans ce pays », a confié le cinéaste à la presse française spécialisée. Quel réalisateur peut se targuer d’avoir signé un film, grâce au souvenir marquant d’un texte de poésie, hérité du siècle des Lumières, appris sur les bancs de l’Éducation nationale ? « L’envie de faire un film autour de Mandrin remonte à plusieurs années. Il a pu voir le jour une fois que nous avons décidé d’axer le récit non pas autour de la vie de Mandrin, trop chargée, amis de ces héritiers », poursuit Zaïchème.

 

L’instinct à l’état brut

  Loin de proposer un récit figé, son inclination pour son époque, son instinct jamais démenti, son art qui s’exprime toujours à l’état brut, l’ont mené à un précieux alliage entre passé et présent, plainte antique  et air urbain : « La complainte est récitée dans la scène finale par le personnage du marquis, que joue Jacques Nolot. Il se l’approprie en freestyle, à mi-chemin, entre le hip-hop et les péans, ces chants très découpés de la Grèce antique », souligne encore le cinéaste.

 

  Car la griffe Zaïmèche, ne fait pas que des films et des acteurs. Elle dissèque un cadre, décor naturel, voué à l’abandon, que le cinéaste dépeint de façon quasi originelle, là où il aurait pu se limiter à la contemplation.
 

 

  Même le hors-champ, s’anime indéniablement. « Nous on est grillé depuis  Wesh wesh  … On prend garde à ne pas s’exposer trop dangereusement au jeu de la multitude, en faisant avec les moyens à notre disposition. Nous avons tourné dans les Cévennes, dont les plateaux m’ont subjugué. De vrais paysages de western, fordien. Mais je me suis dis qu’il fallait faire plus fort que John Ford. Lui, s’est arrêté au bord des paysages, il les a utilisés en toile de fond ; nous, nous les avons habités » scande Zaïmèche.
Démiurge sinon rien

 

  Nul doute en sa foi et son discours, Rabah Ameur-Zaïmèche nous a accoutumés à une évidente curiosité et un goût du cinéma inscrit dans son environnement, proche et dans l’histoire de ses origines. Il a évoqué tour à tour, la question de la double peine, l’univers et la vie en banlieue à travers « Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe », réalisé en 2002, sorti en salles le 30 avril, à quelques semaines du mois de mai et du triomphe électoral du Front national en ce temps ; le retour au pays natal avec Bled Number One, à peine sorti de prison le personnage de Kamel, découvert dans Wesh wesh…   est expulsé en Algérie où il purge sa double peine. Se révèle une Algérie à peine remise de ses cendres, après la décennie noire, Kamel, perdu, en errance face à des relations hommes-femmes, bridées ; enfin, le droit de culte au sein de l’entreprise, dans Dernier Maquis qui a suivi en 2008. Présenté à la Qunizaine des réalisateurs, Zaïmèche y campait, Mao, un patron manipulateur, qui désigne sans concertation un imam, chargé de s’occuper de l’espace de prière. Planté en pleine terre cévenole, Les Chants de Mandrin, est sans nul doute le dernier maquis de Zaïmèche, qui ravive aujourd’hui,  la figure révolutionnaire de Mandrin mort d’avoir combattu l’iniquité royale, au XVIIIe siècle, en nous ramenant à l’éternel combat de Voltaire assénant «écrasons l’infâme»…

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