lundi 20 mai 2024

Paludisme : l’artémisinine, fait renaitre l’espoir

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Janlou Chaput  

  Traitement efficace contre le paludisme, l’artémisinine, une molécule – difficilement – extraite d’une plante coûte cher à synthétiser. Des chimistes allemands changent la donne en proposant une méthode pour en produire en plus grande quantité et à moindre coût. De quoi baisser les prix des médicaments antipaludéens et de les rendre accessibles à un plus grand nombre de malades.

 

  Le paludisme a encore tué 655.000 personnes en 2010. Certes, c’est 26 % de moins qu’en 2000, mais en deçà des objectifs prévus par l’OMS qui espérait une réduction de moitié du nombre de victimes.

 

  Ce taux de survie s’explique en grande partie par l’utilisation de traitements plus efficaces pour contrer les effets du Plasmodium (le protozoaire à l’origine de la maladie), à base d’une molécule, l’artémisinine.

 

  Depuis 2001, l’OMS a recommandé l’utilisation de thérapies à base de cette artémisinine combinée à un autre principe actif, car ces traitements surclassent en efficacité les médications précédentes.

 

  Extraite d’une plante chinoise nommée armoise annuelle (Artemisia annua), cette artémisinine ne se retrouve dans le végétal qu’à de faibles concentrations. De plus, sa synthèse artificielle repose sur des techniques coûteuses, si bien qu’elle n’est pas produite à hautes doses.

 

  Par ses difficultés de production, les coûts des médicaments s’avèrent trop élevés pour une bonne partie de la population affectée par la malaria. Rappelons que le parasite sévit principalement en Afrique subsaharienne et dans le sud de l’Asie, dans des pays aux faibles moyens financiers.

 

Lumière, oxygène : les ingrédients manquants

  Des chimistes de l’institut Max Planck et de l’Université libre de Berlin viennent de refaire renaître l’espoir de produire cette artémisinine à moindre coût en découvrant une nouvelle façon plus efficace de synthétiser le principe actif. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Angewandte Chemie.

 

  Lors de l’extraction d’1 kg d’artémisinine, on récupère en parallèle 10 kg d’une molécule voisine, appelée acide artémisinique, dont on se débarrassait parce que sa conversion en artémisinine n’était pas rentable. Les chercheurs allemands ont essayé d’empêcher ce gaspillage et d’utiliser cet acide végétal pour trouver une nouvelle voie, moins coûteuse, pour synthétiser le principe actif.

 

L’artémisinine obtenue en moins de 5 minutes

  La réaction de transformation de l’acide artéminisique en artémisinine implique la mise en place d’un pont (une liaison covalente) entre deux atomes d’oxygène sur l’un des trois cycles que comprend la molécule, car c’est ce groupement dit endoperoxide qui confère au produit végétal son pouvoir actif.

 

  Dans un premier temps, l’acide artéminisique est réduit en acide dihydroartémisinique. Ce produit de la réaction est placé dans un tube fin en présence d’oxygène, le tout entouré d’un flux continu de rayons lumineux. On laisse mijoter 4 minutes 30 et on obtient de l’artémisinine à un rendement de 40 %.

 

Des traitements moins onéreux contre le paludisme

  En une journée, les chercheurs peuvent produire jusqu’à 800 g, mais espèrent améliorer les procédés pour passer à 2 kg quotidiens dans trois mois. Autre point sombre en passe d’être résolu : le prix du réactif. Il avoisine actuellement les 60.000 $ (46.000 €), mais un nouveau composé identique pourrait être vendu prochainement 5 à 6 fois moins cher.

 

  Cette découverte abaisserait probablement les coûts de production, ce qui se répercuterait sur le prix de vente des thérapies antipaludéennes, contribuant à sauver davantage de vies humaines. Cependant, un problème capital n’est pas encore réglé. Il faut laisser 14 mois à la plante avant d’en extraire les molécules d’intérêt. De ce fait, les prix sont très changeants, ce qui a conduit de nombreux agriculteurs à se détourner de cette culture. Et sans producteur primaire, tous les progrès accomplis deviennent compromis.

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