Mohammad Mohammadi
A défaut d’éclairer sur les intentions réelles du cabinet Benkirane, le conseil de gouvernement de mardi soir a conforté les observateurs sur ce qu’on savait déjà des méthodes brouillonnes de la nouvelle équipe. En voulant faire montre de transparence et de communication, elle se dépense en shows si médiatisés et si fréquents que tout le monde s’y perd. Car qu’a-t-on compris de la déclaration faite par Benkirane au sortir du conseil ? La réponse à cette question est simple : rien de ce qu’on ne savait déjà. Si bien qu’on ne voit pas très bien à quoi a servi le point de presse qui a suivi la réunion des ministres et au cours duquel le chef du gouvernement a simplement « officialisé » les rumeurs qui circulaient au lendemain de l’annonce de son programme électoral au cours de la campagne pour les législatives.
Ce qu’on a entendu mardi de la bouche de Benkirane, c’est plus le programme du PJD que celui d’une coalition gouvernementale. Les 5% de croissance annoncés, les 2% d’inflation, les 8% de chômage…tout cela avait été auparavant dit par les « islamistes modérés » pour convaincre les électeurs de voter pour eux. Il n’y a là-dedans nulle marque spécifique des autres composantes du cabinet. Il faut donc bien admettre que les autres partis sont moins présents sur les sujets mis en avant par Benkirane. Ce qui évidemment ouvre la voie à toutes les suppositions. En particulier à celle qui indique que le chef du PJD n’en rate pas une pour tirer la couverture médiatique à lui et aux siens. Ce qui somme toute est de bonne guerre dans la perspective d’élections locales proches.
D’où la question : les objectifs énoncés par Benkirane mardi soir ne sont-ils que nouvelles promesses électorales avant l’heure ? On peut valablement le penser. En particulier quand on les passe au crible de la situation du marché de l’emploi et celle du logement. En ce qui concerne le chômage, Benkirane a promis de le ramener de son niveau actuel de 10% à 8%. Cette éventualité est proprement irréaliste, estiment des analystes qui subordonnent le recul du chômage à la réalisation d’un taux de croissance égal au moins à 7% du PIB. D’autant plus que ce chômage est véritablement un univers en expansion et que- selon Benkirane lui-même- 190.000 nouveaux candidats à l’emploi arrivent chaque année sur le marché du travail.
Toutefois, ce sont les propositions du gouvernement pour résoudre le déficit en logements qui suscite le plus d’interrogations. Outre le fait que la nouvelle équipe s’engage à réduire ce déficit de moitié en le ramenant à seulement 400.000 logements, c’est le prix de cession annoncé qui interpelle. Benkirane a parlé de 800.000 dhs. Au moment où les 250.000 dhs du logement social posent problème à la majorité des postulants, le triple est joué d’avance. Ce que Benkirane semble ignorer c’est que la somme de 800.000 dhs ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval de trait. Aujourd’hui, peu de gens sont capables de débourser une telle somme sans s’être saigné à blanc auparavant. Et c’est là qu’est la pierre angulaire de l’édifice de résorption du déficit en logements : la clientèle de l’habitat a peine a en acquérir. Les crédits de toutes sortes ont laminé le pouvoir d’achat des citoyens. D’autant plus qu’ils sont sans défense devant des prêteurs qui pratiquent des taux d’intérêt usuraires.