samedi 27 avril 2024

Migration: Nouvelle brouille diplomatique entre Rome et Paris

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Au-delà des Alpes, la tension semble à son comble. De la France vient encore une autre bordée à l’Italie. Le timing est cette fois aussi « improbable » que « frustrant ». A quelques heures d’une rencontre des chefs de la diplomatie des deux pays, le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin, s’attaque à la politique migratoire de Rome. Contrecoup: le ministre italien des affaires étrangères, Antonio Tajani, annule sa visite à Paris. Sans retard, lui succède une marée d’indignation contre la « grammaire institutionnelle française ». Retour sur la brouille diplomatique franco-italienne.

Sur les antennes de la radio française RMC, M. Darmanin a adressé au passage un « tacle » à la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, l’accusant d’être « incapable de régler les problèmes migratoires ». Une déclaration qui ne passe pas inapérçue chez le voisin transalpin. Le patron de la Farnesina riposte immédiatement.

« Les offenses du ministre Darmanin contre le gouvernement et l’Italie sont inacceptables. Ce n’est pas dans cet esprit qu’il faut affronter les défis européens communs », a tweeté le chef de la diplomatie italienne, qui était attendu jeudi soir à Paris pour des entretiens avec son homologue française Catherine Colonna. La rencontre était destinée à réchauffer les relations entre Rome et Paris, refroidie en raison d’une « obstination » française sur la question migratoire. La tentative finit en eau de boudin, suscitant une vive polémique en Italie sur la fiabilité et l’éthique de la France, tentée souvent “d’ingérence” et de « dérapage ».

En première ligne, le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, ayant fermement rejeté « cette attitude étrange et incompréhensible de certains représentants des gouvernements européens pour tenter de s’ingérer dans la vie publique italienne ». « Aujourd’hui, la situation a dépassé le niveau de garde », a-t-il martelé.

Pour le détenteur du portefeuille des affaires européennes, Raffaele Fitto, c’est une « chute de style » face à un État fondateur de l’UE. « Il ne m’appartient pas de commenter la politique intérieure d’un autre pays mais je laisse les citoyens français juger du brillant travail du ministre Darmanin », a-t-il affirmé.

Mais pourquoi ce mauvais goût contre Rome? Pour répondre, il est utile, selon le journal milanais « Il Giornale », de revenir sur la situation du ministre français.

Il vient, d’ailleurs, de sortir d’une grève de 13 jours sur la réforme contestée des retraites, marquée par des affrontements très durs entre manifestants et policiers, accusés d’avoir eu la main trop lourde, relève le quotidien. Mais également, le ministre « tente à peine de dépasser la polémique autour de l’affaire “Wuambushu”, opération d’expulsion massive de milliers d’étrangers en situation irrégulière de l’île française de Mayotte, située dans l’océan Indien, à 8 mille kilomètres de Paris ».

Selon M. Fitto, cité par la télévision publique Rainews, le responsable français est « tellement dépourvu d’arguments pour défendre son travail qu’il met de côté toute prudence et toute bonne règle de courtoisie institutionnelle ».

Sur un ton plus ferme, le vice-président du Conseil des ministres, Matteo Salvini, s’est révolté contre toutes « leçons sur l’immigration de ceux qui rejettent les femmes, les enfants et les hommes, tout en continuant à accueillir des meurtriers et des terroristes ».

Le responsable italien fait référence aux anciens terroristes rouges arrêtés en 2021. La Cour de cassation transalpine a confirmé le 28 mars dernier le refus de la France d’extrader des militants d’extrême gauche, largement liés aux Brigades rouges. De Giorgio Pietrostefani (condamné pour le meurtre de Calabresi) à Marina Petrella, les dix criminels vivent de l’autre côté des Alpes depuis des décennies et pourront continuer à jouir du “statut privilégié”.

La position du chef de la Ligue est devenue aussitôt virale. Partagée par un grand nombre d’Italiens offensés par « le suprémacisme français », la déclaration a également inspiré tant d’articles de presse, qui se sont attardés sur les maux de ce pays « en chute libre ». Dans un communiqué, le Quai d’Orsay a tenté de temporiser la situation, mais en vain. Cette fois, le désaccord prend des allures d’une vraie crise, selon l’agence de presse italienne Formiche.

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