jeudi 28 mars 2024

Mohamed Berrada prend la défense des entreprises françaises qui délocalisent

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Lareleve.ma

 

  L’ancien ministre des finances et ancien ambassadeur du Maroc en France, Mohamed Berrada, prend position dans le débat en cours en France sur les délocalisations, en défendant les entreprises qui délocalisent à l’étranger.

 

  Dans une tribune publiée lundi par « Le Figaro », M. Berrada également professeur à l’Université Hassan II de Casablanca, s’interroge si les entreprises françaises qui ont délocalisé certaines de leurs activités à l’étranger auraient « survécu si elles ne l’avaient pas fait ».

 

  Tout en évoquant les motifs de bénéficier d’avantages compétitifs comme de bas salaires et charges sociales, une fiscalité incitative, un droit du travail plus souple, une monnaie faible, l’auteur estime que la délocalisation répond surtout « à d’autres objectifs de survie et de besoin de croissance ».

 

« Elle est une traduction de la mondialisation, qui a consacré le libre-échange et qui a donné lieu à une croissance considérable du commerce mondial au cours des vingt dernières années, y compris en Europe », écrit-il dans cette tribune sous le titre « Ces boucs émissaires qui délocalisent ».

 

  L’ancien ministre évoque la polémique sur l’installation de l’usine Renault à Tanger et celle récemment autour des centres d’appels au Maroc, notant qu' »en période de crise, les délocalisations donnent lieu à des polémiques, alimentées par les médias, qui cherchent sur des cas particuliers, à donner l’impression que les pays du Sud volent, par un dumping social déloyal, les emplois des pays riches ».

 

  « Ce n’est pas le cas du Maroc », souligne-t-il, précisant que « le niveau des salaires et des charges sociales y est supérieur à celui d’autres pays comme la Tunisie ou la Chine », mais ceci « n’a pas empêché la réussite de plusieurs activités délocalisées qui a permis la survie d’entreprises en France, et plus souvent leur développement ».

 

  Selon lui, cette stratégie a « renforcé ces entreprises sur le plan international, attiré de nouvelles implantations étrangères, sachant que, bien souvent, et des études l’ont montré, les pertes d’emplois issues de la délocalisation sont largement remplacées, dans le temps, par des créations d’emploi à plus forte valeur ajoutée ».

 

  Et de s’interroger si les entreprises qui délocalisent ne sont que « les boucs émissaires d’une réalité plus profonde, la crise économique et monétaire qui frappe l’Europe, et la difficulté de mettre en oeuvre les réformes nécessaires ».

 

  « On parle de perte de compétitivité. Je ne pense pas que le coût du travail en soit l’élément central. La compétitivité des entreprises dépend plus de la qualité du dialogue social interne, de la coopération et de l’engagement syndical, de l’innovation et de la capacité d’adaptation, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne », relève-t-il.

 

  M. Berrada rappelle par ailleurs le choix fait par le Maroc pour le libre-échange, par son adhésion aux règles du GATT, en signant un accord de libre-échange avec l’Union européenne, ainsi qu’une multitude d’autres accords avec des pays comme les Etats-Unis, l’Egypte, la Turquie, soulignant que « cette ouverture n’a pas donné les résultats escomptés sur le plan du commerce extérieur ».

 

  « Nous importons deux fois plus que nous n’exportons. Ce déficit, nous le faisons aussi avec notre principal partenaire, la France, un déficit qui permet de compenser largement les 80 emplois objets de polémique, face au maintien et à la création de milliers d’emplois suscités par les importations marocaines de biens et services à partir de la France, sans parler des programmes de coopération importants qui ont été signés et qui font appel à l’industrie française de haute technologie comme le TGV », souligne-t-il.

 

  Il observe que le Maroc affronte la concurrence mondiale, en particulier celle de la Chine, avec sa production massive à bas coût et sa monnaie sous-évaluée, alimentant un processus inquiétant de désindustrialisation et s’interroge si cela n’es pas une forme de délocalisation que subit le royaume.

 

  Tout en se refusant de défende le protectionnisme, l’auteur souligne que « la concurrence est un défi, et face aux défis, le Maroc se réforme et s’adapte » grâce aux réformes économiques engagées et se présente comme un partenaire privilégié, avec un statut avancé, susceptible de devenir pour l’Europe, et la France en particulier, « un acteur dynamique d’une future plate-forme industrielle régionale ».

 

  La délocalisation crée des liens et une solidarité qui « devrait s’exprimer en priorité à l’égard du voisinage immédiat, sacrifié par la mondialisation au profit des contrées lointaines », plaide-t-il.

 

  « Renforcer les liens de proximité, c’est contribuer aussi à la réduction des inégalités entre les deux rives, et donc à la paix, à la solidarité entre les peuples, à un développement économique durable partagé », conclut M. Berrada.

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