vendredi 17 mai 2024

Polémique autour de la prostitution en France

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Lareleve.ma

 

  Alors que la Grèce et l’Allemagne autorisent les maisons closes, la Suède, la Norvège et l’Islande ont purement interdit la prostitution.

 

  Elle gronde, elle gronde la polémique. Après l’annonce fracassante de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, qui dit vouloir «se donner les moyens d’abolir» la prostitution, les partisans d’une réglementation et d’une abolition se renvoient la balle, à coup d’exemples venus de pays étrangers.

 

  Mais comment s’y retrouver parmi les exemples – ou contre exemples – de nos voisins européens ? Alors que la Grèce et l’Allemagne autorisent les maisons closes, la Suède, la Norvège et l’Islande ont purement interdit la prostitution. Les autres pays, eux autorisent l’exercice du « plus vieux métier du monde » et encadrent cette pratique à l’aide de législations souvent très floues.

 

  Parmi les pays qui l’autorisent — mais le réglementent — on trouve l’Allemagne et la Grèce. Depuis 2002, l’Allemagne a légalisé la prostitution, les prostituées devenant, de fait, des travailleuses presque «comme les autres». Représentées par un syndicat, elles disposent d’une assurance-santé, assurance-chômage, etc. Les prostituées peuvent signer des contrats unilatéraux censés leur permettre de choisir librement leurs clients et de décider des services qu’elles souhaitent leur rendre. Suite à la légalisation, les statistiques de la police démontrent une diminution de l’activité criminelle. Cependant les travailleuses du sexe, encouragées par la normalisation de la profession, sont plus nombreuses que dans le passé.

 

  En Grèce, même scénario, mais cette fois sur fond de crise économique. La prostitution, si elle se pratique dans un cadre bien délimité, est légale. Les maisons closes doivent être répertoriées et contrôlées. Mais avec les difficultés économiques, le phénomène a pris une ampleur exceptionnelle et la situation devient souvent hors de contrôle. Les prostituées – pour la plupart victimes de réseaux clandestins et immigrées des pays de l’Est – sont toujours plus nombreuses et visibles sur les trottoirs. Les Jeux olympiques d’Athènes en 2004 portent aussi leur part de responsabilité dans l’expansion de cette pratique : en 2003 le nombre de bordels d’Etat autorisé par la municipalité a presque doublé. Le dernier scandale date de mai dernier. Après des contrôles de santé inopinés, 16 prostituées porteuses du VIH ont été placées en détention pour «tentatives de lésions corporelles graves». Une affaire qui montre l’incurie du système, sensé assurer la sécurité et la santé des travailleuses du sexe.

 

  Face aux partisans d’une réglementation, Julie Muret, porte-parole d’Osez le Féminisme, affirme que «les législations visant à autoriser la prostitution n’ont pas du tout amélioré la situation des femmes, il faut être réaliste !». Elle explique que «la vision allemande voit la prostitution comme un mal nécessaire. On met une partie de la population – en grande majorité des femmes – pour assouvir les besoins « irrépressibles » des hommes. C’est une vision du XIXe siècle!»

 

«Atteinte aux droits humains»

 

  A l’opposé de ces deux pays, certains gouvernements européens ont choisi d’interdire purement et simplement la prostitution. Une route que semble vouloir emprunter le gouvernement Ayrault, qui exécute en cela une promesse de campagne du nouveau président. Dans un entretien publié en mars sur le site Seronet.info François Hollande avait affirmé que «le fait qu’un client ait le droit de disposer librement du corps d’une autre personne parce qu’il a payé (…) est une atteinte aux droits humains» avant de se déclarer favorable à une réflexion sur la pénalisation des clients.

 

  Pays pionner en la matière, la Suède a interdit «l’achat de services sexuels» dès 1999 à travers la criminalisation des «consommateurs» de sexe. La règle est limpide : les prostituées sont des victimes et les clients des délinquants, pouvant encourir jusqu’à 6 mois d’emprisonnement. En 2010, un rapport d’évaluation affirmait que suite à cette loi la prostitution de rue avait diminué de moitié en 10 ans. Pourtant, la loi ne fait pas l’unanimité. Selon Morgane Merteuil, secrétaire générale du Syndicat du travail sexuel (Strass), ce bilan est erroné. «La loi en Suède n’a pas du tout diminué la prostitution mais seulement le prix des passes. La pénalisation des clients oblige les prostituées à se cacher, elles sont plus isolées et donc exercent leur travail dans un environnement plus dangereux».

 

  Malgré les critiques, ce modèle a fait des émules. L’Islande, l’Ecosse mais aussi la Norvège ont adopté des législations similaires, dix ans après la Suède. Là encore, les avis ne sont pas unanimement positifs. Le centre officiel d’aide aux prostituées d’Oslo, le Pro Sentret, a publié un rapport vendredi 22 juin qui jette le doute sur l’aspect bénéfique de telles mesures. Le rapport, intitulé «Les liaisons dangereuses», souligne notamment une détérioration de la situation des travailleuses du sexe dans la capitale norvégienne. Selon ce centre, la loi norvégienne aurait pour effet de favoriser la violence des clients, le commerce du sexe se déplaçant vers la clandestinité.

 

  Outre ces pays qui possèdent une réglementation claire, d’autres en Europe naviguent sur une législation plus floue. Beaucoup autorisent la prostitution, mais sans réelle réglementation. La Belgique, tout comme la France ou le Royaume-Uni condamnent proxénétisme et racolage, mais aucune sanction n’est appliquée envers les clients.

 

  Malgré la diversité de situations, difficile de trouver au sein de la société civile deux associations pour être d’accord. Quand Osez le Féminisme salue le courage de la ministre des Droits des femmes, Morgane Merteuil affirme que «le nouveau gouvernement ne fait ni pire ni mieux pour nous que Nicolas Sarkozy. Au moins, la droite affichait clairement que les putes étaient les ennemis de la société. La gauche, elle, se cache derrière un discours hypocrite de compassion». Le syndicat des travailleurs sexuels, en colère, a déjà demandé la démission de Najat Vallaud-Belkacem.

Par CAMILLE VIGOGNE LE COAT

 

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