samedi 27 juillet 2024

Les pays peuvent-ils s’enrichir sans détruire la planète?

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Il est possible de protéger l’environnement sans pénaliser l’économie, mais pas sans changements dans les politiques et les investissements, selon un rapport publié en juin par la Banque mondiale en collaboration avec Natural Capital Project, un regroupement de plusieurs organisations, dont l’Université de Stanford et l’Université du Minnesota, aux États-Unis.

Mieux gérer les terres

Le rapport, intitulé « Nature’s frontier », indique qu’une gestion plus efficace des terres pourrait permettre de séquestrer 85,6 milliards de tonnes supplémentaires de dioxyde de carbone sans impact économique négatif.

De meilleures pratiques agricoles pourraient entraîner une augmentation des revenus annuels du secteur d’environ 329 milliards de dollars, tout en produisant suffisamment de nourriture pour assurer l’alimentation de la population mondiale jusqu’en 2050 sans perte de forêts et d’habitats naturels.

L’équipe du projet « Natural Capital » a élaboré des modèles en utilisant des études et données scientifiques afin d’établir la relation entre la manière dont les terres sont utilisées, le type de couverture végétale et la quantité de carbone séquestrée.

Les modèles indiquent que certains endroits ne sont pas propices à l’agriculture, mais pourraient être très efficaces pour piéger le carbone ou abriter des espèces.

D’autres endroits pourraient bénéficier d’une agriculture plus intensive. En Afrique subsaharienne, l’agriculture est très peu productive. Les agriculteurs n’ont pas accès aux intrants, ils n’ont donc pas de semences de haute qualité ni de bons engrais, dit Stephen Polasky.

Il explique qu’il faut toutefois se préoccuper de la façon dont les fertilisants sont utilisés afin de ne pas nuire à la qualité de l’eau.

Des obstacles importants

Ce n’est pas suffisant de proposer des solutions techniques, affirme Andy Hira, professeur de sciences politiques à l’Université Simon Fraser, à Vancouver, qui n’a pas participé au rapport.

Il contient des points très importants sur notre manque d’attention à l’efficacité. Mais, comme beaucoup d’autres rapports d’organisations internationales, il ignore les obstacles les plus importants qui sont les obstacles humains, politiques et sociaux, soutient-il.

Il faudrait tout d’abord faire comprendre à la population que les changements climatiques sont un danger immédiat. Il n’y a tout simplement pas assez de soutien politique pour procéder à des changements généralisés, car ces changements nécessitent des investissements initiaux élevés , dit Andy Hira.

Investir différemment

Le rapport ne précise pas si la Banque mondiale, une institution financière internationale qui accorde des prêts à des pays en développement, s’engage à investir dans cette transition agricole.

Le but de la publication est de faire évoluer les mentalités, explique Richard Damania, chef économiste de la Banque mondiale chargé du développement durable. Au cours de l’année 2022, le Groupe de la Banque dit avoir débloqué un montant de 31,7 milliards de dollars pour aider les pays à lutter contre le changement climatique.

Modifier la façon d’investir est un moyen de changer les choses, mais réorienter les subventions gouvernementales en est un autre, affirme le chef économiste, citant un autre rapport publié par la Banque mondiale en juin cette année.

«  Nous démontrons que les pays dépensent en moyenne beaucoup plus d’argent pour détruire l’environnement et adopter de mauvaises pratiques que pour essayer de le préserver. » — Une citation de  Richard Damania, chef économiste de la Banque mondiale chargé du développement durable

Le rapport, intitulé « Detox Development », constate que les subventions agricoles sont à l’origine de la perte de 2,2 millions d’hectares de forêts par an, soit 14 % de la déforestation mondiale.

Si nous pouvons réorienter ces subventions et utiliser cet argent à meilleur escient, il est possible de gagner sur tous les fronts sans détruire la nature, d’avoir un avenir plus durable et plus équitable, affirme Richard Damania.

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