vendredi 19 avril 2024

2022 en Algérie, une année sombre pour la liberté de la presse

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Année difficile pour les médias libres en Algérie, 2022 s’achève par un brusque tomber de rideau pour la liberté de la presse, écrit le quotidien belge Le Soir.

La fermeture pour le moins spectaculaire, le 24 décembre, des locaux d’un des derniers médias restés encore libres, Radio M, et l’arrestation, le jour même, de son directeur, Ihsane El-Kadi, signent une fin d’année sombre pour la liberté de la presse, relève le journal.

Radio M qui fait partie, avec le site Maghreb Emergent, de l’agence Interface Médias, était en effet le seul média à continuer à donner encore la parole aux opposants, en défiant une censure de plus en plus pesante, indique le grand tirage.

« Aucune explication officielle n’a été fournie, à ce jour, concernant cette décision, alors que le journaliste a été placé sous mandat de dépôt le jeudi 29 décembre, après avoir passé quatre jours dans une caserne des services de sécurité sur les hauteurs de la capitale. Même la presse locale n’y a fait aucune allusion, signe que, dans les rédactions algéroises, les réflexes d’autocensure sont toujours de mise’’, ajoute la publication.

Cela dit, l’onde de choc s’est largement répandue sur les réseaux sociaux où l’on s’interroge sur les raisons de cet acharnement contre les derniers prés carrés de la presse indépendante, fait-on observer, notant que la brutalité avec laquelle s’est déroulée la mise au pas de Radio M a indigné jusque dans le camp où l’on ne partage pas forcément sa ligne éditoriale.

Alors que dans les médias pro-gouvernementaux, on loue la volonté du pouvoir à lutter contre la ‘’subversion’’, tout le monde a compris que les décideurs veulent tout simplement museler la presse libre, souligne Le Soir, expliquant que cette interdiction de Radio M vient après la fermeture – décidée par son patron sur instigation du pouvoir – du quotidien Liberté, alors qu’El-Watan, autre gros titrage de la presse indépendante, soumis à de fortes pressions fiscales et dont les avoirs sont gelés par les autorités, lutte désespérément pour sa survie.

Interrogé par Le Soir, Lahouari Addi, sociologue exilé et fin observateur de la scène algérienne, estime que l’arrestation d’Ihsane El-Kadi « indique un état d’affolement chez les décideurs qui ont peur d’un journaliste’’. L’universitaire dénonce le recours à des formes « illégales », en rappelant la mise sous scellés des bureaux de Radio M par des individus qui ne relèvent d’aucun corps de sécurité habilité à opérer ce genre de perquisition.

Selon le quotidien belge, « il faut dire que la liberté de la presse était déjà, avant ce énième coup de boutoir, réduite à peau de chagrin. La presse traditionnelle a, depuis longtemps, cédé face à une foultitude d’influenceurs qui, aujourd’hui, font l’opinion en Algérie ».

« Cette chape de plomb sur la presse libre survient au moment où des dizaines de sites, nouvellement agréés, attendent avec appréhension les nouvelles dispositions de la loi sur l’information. Selon ce qui a fuité, à travers des journalistes, la nouvelle législation prévoit un durcissement, à tous les niveaux, du métier de la presse : un retrait immédiat d’agrément et des amendes allant jusqu’à 1 million de dinars en cas de contravention », détaille le journal, notant qu’à cela s’ajoute le blocage, depuis 2020, d’une kyrielle de sites tels que TSA, Le Matin d’Algérie, Algeriepart ou encore Algeriepatriotique, de l’ex-ministre de la Défense, le général Khaled Nezzar, qui, pourtant, soutient la politique actuelle du pouvoir.

Une situation surréaliste qui ne doit plus surprendre dans l’Algérie d’aujourd’hui, conclut Le Soir.

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