samedi 27 juillet 2024

Jean AbiNader, un des promoteurs de l’image du Maroc aux Etas-Unis

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 Mr Jean AbiNader

 

 

L’accord de libre échange est sous utilisé par les deux parties

 

 

 Entretien exclusif réalisé à Washington

par Mohamed Benfadil

 

     Selon Jean AbiNader, le patron du Centre maroco-américain, le cabinet conseil washingtonien chargé de promouvoir l’image du Maroc aux Etats-Unis, tant au plan économique qu’au niveau politique, l’accord de libre échange signé en 2006 entre les deux pays est encore «sous ustilisé». Il estime notamment que les barrières linguistique et culturelle handicapent le développement du volume d’affaires dans les deux sens. Pour ce spécialiste de la communication internationale, les entrepreneurs des deux côtés de l’Atlantique gagneraient à mieux se connaître pour se faire confiance, avant de durablement faire des affaires. Déclarations exclusives.

 

 

 

   Que fait exactement votre centre en vue d’attirer l’investissement américain au Maroc et amener les opérateurs des deux pays à mieux faire des affaires ensemble ?

 

    Nous avons d’abord réalisé une étude approfondie  sur deux ans pour appréhender la manière dont les entrepreneurs américains voient le Maroc comme destination d’affaires et d’investissement. Les conclusions de cette étude montrent que la meilleure approche consiste à traiter spécifiquement avec des entreprises d’un secteur déterminé (produits agricoles, manufacturés, textiles, électroniques, automobiles et aérospatiaux). Plutôt qu’une approche qui privilégie le niveau macroéconomique, laquelle n’a donc pas été ciblée. C’est ainsi que nous travaillons avec l’ambassade du Maroc à Washington à travers trois canaux. Le premier consiste à traiter avec les délégations se rendant au Maroc, quel qu’en soit l’organisateur. A titre d’exemple, celle prévue du 17 au 20 mars prochain, à l’initiative de la Chambre de commerce américaine, et dont nous sommes bien entendu partie prenante.

 

    Le deuxième canal porte sur le soutien apporté, dans l’autre sens, aux délégations marocaines se rendant aux Etats-Unis. Durant les dix dernières années, des fonds américains de soutien ont permis à des entreprises marocaines de prendre part au divers salons sectoriels. Cela va du textile aux technologies de l’information, en passant par les produits alimentaires dits «de fantaisie» et artisanaux, pour ne citer que ceux-ci. Nous travaillons en partenariat avec les représentants de l’USAID et les associations professionnelles du Maroc pour faciliter leur rencontre avec les opérateurs américains et les aider à tisser leurs réseaux commerciaux.

 

    Enfin, nous répondons aux demandes spécifiques d’entreprises marocaines et américaines en quête de partenaires potentiels. Dans ce cadre particulier, nous sommes déjà intervenus dans le domaine des énergies renouvelables, des produits de la pèche, du textile et d’autres champs d’activité non moins prometteurs. Nous œuvrons en outre, en collaboration avec l’ambassade du Maroc, à garder le contact avec les agences gouvernementales, les membres du Congrès et les associations commerciales et professionnelles, en vue de les tenir aux courants des évolutions en cours dans le royaume. Et partant d’assurer la promotion des échanges entre les deux pays.

 

   Quelles recommandations faites-vous aux entrepreneurs et aux banquiers marocains en vue d’inspirer confiance à leurs alter ego américains, et partant jeter les ponts de partenariats durables?   

 

    Trop d’hommes d’affaires malheureusement pensent que le seul internet suffit à démarrer une relation d’affaires ! Ces pratiques sont en effet rarement efficaces. Le moyen le plus efficient à cet égard est de parler anglais directement avec le partenaire potentiel ciblé. Cela suppose de fréquenter des événements de prospection tel celui déjà cité et prévu en mars prochain, où les chefs d’entreprises marocains pourront rencontrer les hommes d’affaires américains.

 

    Car quand bien même ils peuvent ne pas conclure de marché sur le coup, ils pourront faire bonne impression et partant se forger une bonne réputation de futures et potentiels partenaires. Tout est affaire de crédibilité et de bouche-à-oreille pour la plupart des entreprises américaines. C’est donc une question de culture. Quant aux banques, elles doivent faire en sorte de comprendre et se lier aux agences américaines qui soutiennent et accompagnent les opérations de commerce et d’investissement. On peut citer particulièrement l’OPIC, l’organisme privé américain d’investissement outre mer, et l’Ex-Im Bank dédiée au financement des exportations. Les banques marocaines devraient envisager d’intégrer les réseaux de ces institutions,  incontournables pour les banques qui veulent se hisser à une dimension internationale.   

 

   Dans un autre registre, quels sont les obstacles qui limitent encore la portée de l’accord de libre échange, signé en 2006 entre le Maroc et les Etas-Unis, notamment au plan administratif: ports, aéroports, corruption, etc.?

 

    Cet accord de libre échange est malheureusement encore sous-utilisé des deux côtés! Les américains ont leurs façons de faires des affaires, tout comme les marocains ont les leurs. Les deux parties ont besoin d’élargir leurs horizons d’opportunités, apprendre la langue et la culture de l’autre, et être proactives dans leurs prospections d’opportunités d’affaires, même quand celles-ci comportent des risques.

 

    La plupart des entrepreneurs marocains ne sont pas enclins à prendre des risques, ce qui limite leurs efforts de prospection de nouveaux marchés. Et beaucoup d’hommes d’affaires américains sont trop délicats dans leur pratique des affaires, d’où la nécessité d’une réciproque flexibilité.

 

    Enfin, le Maroc a certes beaucoup amélioré sa réputation concernant ces prestations publiques. Cependant, des zones d’ombre demeurent dans certains ports relatives à la corruption, laquelle entache également l’adjudication de certains marchés,  ce qui ne sert pas l’image du Maroc dans ce domaine. C’est pourquoi la communauté américaine des affaires est ravie de voir que la lutte anti-corruption est une priorité du nouveau gouvernement. C’est un bon signe.

 

 

    Cet optimisme suffit-il à espérer qu’un jour l’immense marché américain offrira une alternative à même de réduire la dépendance de l’économie marocaine (agriculture et pêche essentiellement) de celles de ses voisins du Nord?

 

    Le Maroc et les Etats-Unis ont tous les deux besoins de prospecter de nouveaux marchés en vue de toujours stabiliser, voire multiplier, leurs opportunités d’affaires outre mers. Et tous les deux tireront profit de liens solides dans tous les secteurs, ce qui est de nature à parer à toute éventualité de déclin de la demande européenne. Générant ainsi des opportunités supplémentaires pour le couple maroco-américain.

 

    Pour les entreprises américaines, le marché marocain constitue une plateforme intéressante vers les marchés francophones d’Afrique et du Moyen Orient. Et elles se doivent d’explorer cet espace comme une fantastique option de pénétrer lesdits marchés. Et les entreprises marocaines ne demandent qu’à jouer ce précieux rôle d’intermédiaires privilégiés de tremplin vers ces nouveaux marchés.

 

 

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