Un architecte anglais a reçu le Grand Prix du concours de la fondation Jacques Rougerie pour son concept d’ascenseur spatial. Un concept vieux comme le monde qu’il a remis au goût du jour. Au programme : une exploration spatiale durable et moins coûteuse.
Vous auriez tort de réduire le concept d’ascenseur spatial à un fantasme d’écrivain lunatique. Preuve que Roald Dahl (Charlie et la chocolaterie) et Arthur C. Clarke (Les Fontaines du paradis) n’étaient pas (seulement) des rêveurs : la fondation Jacques Rougerie, qui soutient les innovations architecturales et organise tous les ans un prestigieux concours, vient de récompenser un jeune architecte anglais de 30 ans, Jordan-William Hughes, pour son projet Ascensio. Un travail qui « explore la perspective de combiner un ascenseur spatial partant d’une plateforme basée sur l’océan avec un port spatial polyvalent, et ce dans le but d’offrir une porte d’entrée plus accessible et durable sur l’exploration spatiale et le tourisme », salue la fondation sur son site Internet.
Un projet plus durable et accessible
Le système comprendrait donc une plateforme maritime mobile servant de port de départ, reliée par un câble à une station spatiale en orbite géostationnaire à 36 000 kilomètres d’altitude. La plateforme pourrait se déplacer, et une nacelle transporterait des passagers ou des cargaisons. Le projet vise à éviter l’utilisation de fusées lourdes, coûteuses et polluantes. Si le projet Ascensio n’est pas immédiatement réalisable, son créateur est tout de même confiant dans son potentiel futur.
De nombreux défis technologiques
Certains scientifiques – notamment les membres de l’International Space Elevator Consortium (Isec) – n’ont d’ailleurs pas peur de dire qu’un tel projet pourrait se concrétiser d’ici à 2050. Le principal défi : le câble reliant la plateforme au contrepoids. La Spaceward foundation, soutenue par la Nasa, a d’ailleurs lancé un concours pour développer une fibre en nanotubes de carbone suffisamment résistante. En 2018, un article paru dans la revue Nature Nanotechnology faisait déjà état d’une nanofibre développée par des chercheurs chinois, pesant seulement 1,6 gramme par cm3 et capable de supporter un poids de 800 tonnes sur 1 cm3, dépassant ainsi la résistance du Kevlar de dix fois. Reste que c’est encore trop peu pour emporter un ascenseur plein jusque dans l’espace.
Un projet vieux de plus de 200 ans !
Le projet n’est pas le premier à faire du bruit : en 2018, des chercheurs japonais de l’université de Shizuoka avaient prévu de tester une version miniature d’un ascenseur spatial à bord de la Station spatiale internationale (ISS) via un cargo de ravitaillement H-2B. Le prototype consiste en deux nano-satellites de 10 centimètres reliés par un câble de 10 mètres, avec une petite cabine effectuant des allers-retours. Ce petit ascenseur avait finalement été testé avec succès entre deux satellites, même si l’entreprise Obayashi Corp a plus tard concédé que les défis technologiques étaient trop nombreux pour espérer répéter la prouesse à grande échelle.
Ascensio vient donc relancer le projet, inventé en 1895 par le scientifique russe Konstantin Tsiolkovsky dans son œuvre intitulée L’Exploration de l’espace cosmique par des moyens réactifs. Dans cette publication, Tsiolkovsky a décrit une tour qui pourrait être utilisée pour atteindre l’espace. Son idée impliquait une structure s’élevant de la surface de la Terre jusqu’à une altitude géostationnaire, permettant ainsi des voyages spatiaux sans l’utilisation de fusées traditionnelles.