Les planètes errantes – ou nomades, que l’on appelle aussi “objets libres de masse planétaire” – sont des objets qui possèdent une masse planétaire, mais qui n’orbitent pas autour d’une étoile. Ils voyagent donc librement dans l’espace interstellaire, et ne sont donc pas attachés gravitationnellement à un autre astre. C’est d’ailleurs ce qui les rend très difficiles à détecter : elles apparaissent très sombres dans la voûte céleste, car aucune étoile ne les éclaire. Les méthodes de détection d’exoplanètes communément utilisées, comme la méthode des transits (qui consiste à observer la variation périodique de la luminosité d’une étoile, indiquant le passage d’un objet devant elle), ne peuvent donc pas être appliquées pour la recherche de planètes nomades. Les rares planètes errantes détectées ont ainsi été observées grâce à la méthode de lentille gravitationnelle, ou par imagerie directe lorsqu’elles sont assez massives et chaudes. Une récente étude, publiée dans la revue Arxiv, recensait par exemple plus de 500 planètes errantes, détectées grâce aux données récoltées par le télescope spatial James-Webb. Les astronomes estiment le nombre de planètes nomades à plusieurs milliards rien que dans notre Galaxie, et certains avancent qu’elles pourraient même être plus nombreuses que les planètes « classiques », qui orbitent autour d’une étoile.

   Un intérêt marqué pour ces planètes orphelines

Ces planètes intriguent beaucoup les scientifiques, déjà en raison de leur nombre : si elles sont en effet encore plus nombreuses que les planètes qui orbitent autour d’une étoile, alors la recherche de mondes habitables, où la vie pourrait se développer, doit les inclure. Selon les astronomes, certaines d’entre elles pourraient en effet présenter des conditions de température permettant à l’eau de subsister à l’état liquide. Il faudrait en revanche qu’elles possèdent une activité géologique suffisante pour produire la quantité de chaleur requise, et une atmosphère assez dense pour produire un effet de serre, empêchant la chaleur produite par la planète de fuir vers l’espace. Mais les scientifiques veulent également en savoir plus sur ces planètes errantes afin de mieux comprendre comment se forment les systèmes planétaires : si elles sont des sous-produits du processus de formation de systèmes planétaires, alors les étudier peut aider à éclairer comment des systèmes planétaires comme le nôtre ont vu le jour

Les scientifiques ne parviennent d’ailleurs pas encore à trancher sur les processus qui mènent à la formation d’une planète errante, et oscillent généralement entre deux hypothèses. La première avance que ces planètes pourraient se former de la même manière qu’une étoile, à la suite de l’effondrement gravitationnel d’un nuage moléculaire ; selon cette idée, c’est la quantité de matière disponible qui empêcherait la planète de devenir une étoile. Cette hypothèse tend les scientifiques à utiliser le terme de « sous-naine brune » pour ces planètes nomades. La seconde hypothèse avance que les planètes errantes se formeraient au sein d’un disque protoplanétaire, comme les autres planètes « classiques », avant d’en être éjectées. Selon cette idée, il est même possible que notre Système solaire ait contenu par le passé plus de planètes qu’aujourd’hui, qui auraient été éjectées au début de son histoire. Dans les deux cas, ces planètes errantes peuvent produire des interactions avec les étoiles ou planètes qu’elles peuvent rencontrer au cours de leur voyage dans l’espace interstellaire. Si le phénomène n’a pour l’instant jamais été observé, les astronomes suggèrent que des planètes errantes pourraient être capturées au sein de systèmes planétaires qu’elles pourraient être amenées à rencontrer.

Une planète errante capturée par notre Système solaire ?

C’est motivé par cette idée qu’un chercheur de l’Université de Princeton s’est demandé si notre Système solaire a pu capturer de telles planètes au cours de ses 4,5 milliards d’années d’existence. Il présente ses travaux dans la revue The Astrophysical Journal Letters. D’après la centaine de millions de simulations numériques effectuées, il se pourrait bien que notre Système solaire ait capturé une, voire plusieurs planètes errantes. D’après ses simulations, l’auteur indique qu’une ou plusieurs planètes rocheuses dont les masses sont supérieures à celle de Mars pourraient avoir été capturées dans l’attraction gravitationnelle de notre Soleil, et se seraient sédentarisées dans une orbite comprise entre 600 et 3 500 unités astronomiques du Soleil (à titre de comparaison, la distance qui sépare la Terre du Soleil est d’une unité astronomique, et Pluton orbite à environ 39 unités astronomiques de notre étoile).

Si l’existence de planètes errantes capturées dans notre Système solaire est encore théorique, ces nouveaux travaux tendent à montrer qu’elle serait tout de même très probable. Et l’étude d’une telle planète pourrait être une véritable mine d’or pour les scientifiques qui cherchent à mieux comprendre les processus de formation planétaire (quelle que soit l’hypothèse considérée). De plus, si notre Système solaire a capturé une planète rocheuse, l’étude de sa surface pourrait nous aider à en apprendre davantage sur l’habitabilité des exoplanètes terrestres en général. En attendant qu’une telle planète soit détectée dans notre Système solaire, l’auteur suggère pour de futures études d’investiguer sur les processus qui permettent à une planète errante d’être capturée dans un système stellaire.