samedi 27 juillet 2024

Régionalisation avancée : ce qu’en dit la Cour des comptes

-

La Cour des comptes livre une analyse approfondie de la mise en œuvre de la régionalisation avancée, dans un rapport publié mercredi. Le document porte sur la mise en œuvre de la régionalisation avancée et pointe du doigt les lacunes du processus, mais ouvre également la voie à une véritable décentralisation porteuse de développement territorial. Décortiquant le cadre juridique, les mécanismes, les ressources et les compétences déployées dans cette démarche, ce document expose les obstacles et les recommandations essentielles pour garantir une décentralisation efficace.

La Cour des comptes, en vertu de ses missions constitutionnelles, s’engage activement dans l’accompagnement des réformes stratégiques du pays. Dans ce contexte, elle a dévoilé, le mercredi 29 novembre 2023, un rapport fondamental sur la mission thématique de la régionalisation avancée. Ce document met l’accent sur le cadre juridique et institutionnel de cette régionalisation avancée, soulignant les ressources allouées, les mécanismes mis en place et l’exercice des compétences, notamment au niveau des régions, jouant un rôle crucial dans cette évolution.

Pas moins de 28 milliards de dirhams doivent être mobilisés pour financer le Plan de développement de la région de Rabat-Salé-Kénitra, a indiqué Rachid El Abdi, président du Conseil régional de Rabat-Salé-Kénitra. Invité au Forum organisée par la Fondation Lafquih Titouani, pour débattre du rôle des instances élues et notamment le Conseil régional, M. El Abdi a reconnu que les Conseils régionaux n’avaient pas encore pu accéder à toutes les prérogatives qui leur ont été conférées par la loi organique 111-2014, notant que l’expérience a montré que le grand défi à relever pour consolider le rôle de ces instances était le renforcement de la confiance entre les conseils élus et les administrations des différents secteurs gouvernementaux.

Le constat : des avancées timides freinées par l’inertie administrative

Si le Maroc a fait le pari de la régionalisation avancée il y a quelques années, force est de constater que le chemin vers une réelle décentralisation des pouvoirs est encore long. Dans son rapport thématique sur le sujet, la Cour des comptes dresse un bilan en demi-teinte. Certes, sur le papier, l’ensemble des acteurs s’accorde sur le rôle crucial de la déconcentration administrative pour donner corps à la régionalisation. Mais dans les faits, le transfert des compétences du central vers le local traîne en longueur. Ainsi, seules 32% des actions prévues dans la Charte de la déconcentration ont été réalisées.

De même, à peine 30% des compétences prioritaires liées à l’investissement ont été effectivement déconcentrées. De surcroît, les outils censés fluidifier la coordination entre administration territoriale, services déconcentrés et autres entités locales tardent à voir le jour, qu’il s’agisse des représentations administratives communes ou des comités régionaux de coordination. Pour la Cour, l’inertie est de mise et compromet l’émergence d’administrations régionales fortes, dotées de moyens humains et matériels à la hauteur des défis du développement territorial.

La planification régionale perfectible

Autre maillon faible pointé par la Cour des comptes : la planification et la gestion au niveau local. Certes, toutes les régions disposent désormais de leur propre Programme de développement régional (PDR), conformément au processus de régionalisation avancée. Mais dans les faits, ces PDR manquent singulièrement de réalisme et de faisabilité. Résultat : sur la période 2015-2021, à peine 36% des projets prévus ont été concrétisés, soit 11% de l’enveloppe budgétaire totale allouée (47 milliards de DH sur 420). Entre objectifs surdimensionnés et capacités de gestion limitées, les régions ne parviennent pas à transformer l’essai et à mettre en musique leurs ambitions de développement.

Défis et constats majeurs pour réussir le pari de la régionalisation avancée

Pourtant, les ingrédients du succès sont là. Les régions disposent sur leur territoire de nombreux acteurs aux compétences avérées, qu’il s’agisse de l’administration territoriale, des services déconcentrés de l’État, des agences de développement ou encore des entreprises publiques locales. Mobiliser et fédérer l’ensemble de ces forces vives autour d’une vision commune paraît être la condition sine qua non pour réussir le pari de la régionalisation avancée. D’autant plus que les régions pourront aussi capitaliser sur les importants moyens déployés ces dernières années à travers le Programme de réduction des disparités territoriales et sociales. C’est donc à une forme de mobilisation générale des énergies locales que la Cour des comptes invite les parties prenantes, à commencer par le gouvernement.

Recommandations : cap sur la déconcentration et la décentralisation effectives

Consciente des difficultés, mais également du potentiel de la régionalisation avancée, la Cour des comptes adresse dans son rapport un certain nombre de recommandations pour remédier aux carences constatées. Elle enjoint ainsi au gouvernement d’accélérer le mouvement en faveur de la déconcentration administrative. Ainsi, elle invite le Chef de gouvernement à décliner les actions prévues par la feuille de route de la déconcentration administrative et à accélérer le transfert des compétences prioritaires relatives à l’investissement. Le ministère de l’Intérieur est également sollicité pour identifier et mettre en conformité les textes législatifs en liaison avec les compétences des régions, et adopter un projet de loi pour le statut particulier de la fonction publique territoriale.

Enfin, la Cour insiste sur l’importance cruciale de doter les collectivités territoriales, et les régions au premier chef, des moyens humains nécessaires à l’exercice de leurs compétences. D’où l’urgence d’adopter le statut de la fonction publique territoriale et de renforcer l’attractivité des administrations régionales. Car pour la Cour des comptes, pas de doute : la réussite de la régionalisation passera avant tout par des régions disposant de la maturité et des capacités de gestion nécessaires pour relever les défis du développement territorial. Elle insiste sur la nécessité de s’assurer de la qualité dans le montage financier des PDR et leur convergence avec d’autres politiques publiques.

- Advertisment -