vendredi 19 avril 2024

Comme la vie a-t-elle survécu à la « Terre boule de neige » il y a 600 millions d’années ?

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Il y a environ 635 millions d’années, la Terre vivait un épisode de glaciation extrême connu sous le terme de « Terre boule de neige ». Les simulations suggèrent que la surface terrestre était alors totalement emprisonnée sous une épaisse couche de glace. Mais comment expliquer, dans ces conditions, que la vie ait pu continuer à se développer ? Une récente étude propose une nouvelle hypothèse : il aurait existé des zones libres de glace.

Au cours de son histoire, la Terre a connu de nombreuses glaciations. Mais l’une des plus sévères, et certainement la plus connue du grand public sous le nom de Terre boule de neige, est celle survenue il y a environ 635 millions d’années durant la période du Cryogénien. À ce moment-là, la quasi-totalité de la surface terrestre était recouverte d’une épaisse couche de glace d’un demi-kilomètre d’épaisseur, qu’il s’agisse des surfaces continentales ou des océans.

Alors que la vie était encore totalement absente en surface, elle était pourtant déjà bien installée dans l’environnement marin. Or, ces conditions extrêmes et a priori fort inhospitalières posent la question de la survie des espèces marines durant cet épisode de glaciation généralisé. Comment les populations d’algues, d’éponges et de bactéries, reposant en partie sur le processus de photosynthèse, ont pu survivre sous une épaisse couche de glace empêchant la lumière d’atteindre leur milieu de vie ?

Une boule de neige fondue en quelques endroits ?

Il y aurait eu une zone habitable. Voici l’hypothèse qu’avance une équipe de chercheurs pour répondre à cette question. D’après une étude publiée dans Nature Communications, plusieurs zones libres des glaces auraient en effet existé, notamment au nord du Tropique du Cancer, une région jusque-là considérée comme bien trop au nord pour avoir pu abriter la vie durant cette période.

C’est l’étude de roches sédimentaires argileuses datant du Marinoen (-660 à -635 millions d’années) qui a mis la puce à l’oreille des chercheurs. D’après les reconstructions paléogéographiques, ces sédiments se sont déposés entre 30° et 40° de latitude nord. Ils renferment une grande quantité de fossiles d’algues et sont caractérisés également par la présence de composés azotés. Or, ces composés résultent de l’interaction entre l’azote et l’oxygène, suggérant ainsi que les eaux étaient en contact avec l’atmosphère et donc libres de glaces. Ces zones situées à des latitudes relativement élevées auraient ainsi pu représenter des refuges où les organismes photosynthétiques auraient pu continuer à vivre.

Si ces résultats sont cohérents avec d’autres indices précédemment mis en lumière suggérant l’existence de conditions plutôt clémentes à ces latitudes, les conclusions de l’étude ne font pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique.

Des conditions difficiles à expliquer par les modèles climatiques

En effet, les modèles climatiques jusqu’à présent en vigueur n’arrivent pas à reproduire ces conditions à cette période, avec un océan ouvert à de telles latitudes. Les simulations existantes ont déjà du mal à produire une zone libre au niveau de l’équateur, qui est censée avoir été la région la plus chaude à ce moment-là. Pour certains scientifiques, proposer une telle configuration bien plus au nord est donc difficile à avaler. Mais alors comment expliquer les observations réalisées au sein des sédiments ?

Une autre hypothèse existe, qui ne nécessite pas de zone océanique libre de glace. Les algues microscopiques auraient en effet pu survivre dans de petites piscines d’eau liquide situées sur la surface gelée. Ce genre de petits réservoirs d’eau douce est observé à l’heure actuelle à la surface des glaciers et ils sont peuplés de colonies de microbes adaptés au froid. Cette hypothèse est d’ailleurs en accord avec le fait que les algues modernes sont toutes des descendantes d’espèces d’eau douce. Les espèces marines ayant pu vivre durant les premiers temps de la Terre auraient ainsi été éradiquées durant cet épisode de glaciation extrême.

Deux hypothèses complémentaires

Ces deux hypothèses ne sont cependant pas nécessairement exclusives l’une de l’autre. Les deux peuvent être vraies. Il existe plusieurs arguments permettant en effet de les réconcilier. Premièrement, la glaciation généralisée n’est pas intervenue du jour au lendemain et il est probable que durant un certain temps, des zones libres de glace aient persisté, avant de réapparaître à la fin de cet épisode, lorsque les températures ont commencé à remonter. Les sédiments analysés ne peuvent en effet être datés précisément et pourraient donc s’être déposés à la fin du Marinoen alors que la glace avait entamé son retrait. Dans l’intervalle où le globe aurait été totalement gelé, les organismes auraient pu survivre dans les piscines d’eau douce en surface, dans l’attente de conditions plus favorables.

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