samedi 27 juillet 2024

À propos des établissements de l’enseignement catholique au Maroc

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Lareleve.ma

 

  L’école «Notre Dame de la Paix » de Rabat, un établissement du réseau de l’enseignement catholique au Maroc (ECAM), a connu cette année une rentrée scolaire spéciale et perturbée. Un sit-in de protestation du corps enseignant, sous le signe de la revendication des droits fondamentaux, en a causé le report. Un évènement qui porte, encore une fois, au grand jour la situation juridique des établissements de cet enseignement, mais aussi leur gestion interne.

 

  La création du premier établissement de l’ECAM, où seuls les étrangers étaient admis remontre à 1927. Après l’indépendance, les Marocains commencent à y accéder pour atteindre actuellement 95 pc de l’effectif global, répartis sur 15 établissements scolaires à Rabat, Casablanca, Mohammedia, Kénitra, Marrakech et Meknès.

 

  Ces établissements aspirent, selon le site internet de l’ECAM, à créer à un projet pédagogique commun, défini par des documents internes qui constituent les caractéristiques de l’éducation de l’ECAM. Ils se mettent +essentiellement au service de l’enfant+, en lui assurant +une sérieuse instruction et une éducation soucieuse de développer tous les aspects de sa personnalité+.

 

  Bien qu’ils relèvent de l’église catholique, ces établissements suivent les programmes et manuels d’études marocains. Les familles marocaines y affluent pour inscrire leurs enfants, en raison de leur bonne réputation, de leur longue expérience, mais aussi de leur coût bas par rapport aux autres établissements de l’enseignement privé.

 

  Toutefois, durant les deux dernières années, les établissements de Rabat ont vécu au rythme de quelques problèmes qui ont influé sur le cours normal des études. Parmi lesquels, la fermeture de l’école Jeanne D’Arc, en date du 26 mars dernier, après que la délégation de l’emploi avait sommé l’administration de l’ECAM de régulariser la situation de sa directrice. Une vague de colère des parents d’élèves s’en est suivie, car la décision de fermeture était, selon eux, inattendu et sans préavis.

 

  Le syndicat unifié du personnel de l’enseignement catholique à Rabat impute la situation que vivent ces établissements au non-respect du code du travail, du droit syndical et des conventions conclues avec l’administration de l’ECAM, sous la supervision de la délégation de l’emploi et de la wilaya de Rabat, au moment où l’administration estime, elle, que les médias ont +amplifié+ ces questions et n’ont rapporté qu’un seul point de vue.

 

  Dans ce sens, Abderrahim Al Handouf, responsable régional à l’Union marocaine du travail explique, dans une déclaration à la MAP, que parmi les principales revendications du syndicat de l’ECAM figure l’annulation du contrat de travail à durée déterminée (CDD), notant que le secrétaire général (SG) de l’ECAM a obligé les enseignants de l’école +Notre Dame de la Paix+ à signer un CDD, alors qu’ils y exercent pendant plus de 20 ans.

 

  Rappelant que le code de travail stipule que pour toute personne ayant travaillé dans un établissement pendant plus de deux ans, le contrat devient à durée indéterminée, il a souligné que l’administration de l’ECAM exige, chaque année, la signature de ce contrat pour garder le contrôle sur le salaire, les heures du travail et l’avenir des enseignants.

 

  Un autre point de discorde consiste, poursuit M. Al Handouf, en le droit du personnel de consulter le contrat de couverture médicale, qui lie les établissements de l’ECAM à une compagnie d’assurance, sachant que le prélèvement s’élève à 5pc du salaire.

 

  Le responsable syndical y va plus loin, en notant que ces établissements posent une problématique juridique, en raison de l’ambigí¼ité qui enveloppe leur statut. « Si ces établissements sont soumis à la loi marocaine, ils doivent alors la respecter, mais s’ils ont un statut spécifique, il convient-là de veiller à la protection des droits du personnel ? », s’interroge-t-il.

 

  Devant la complexité de ce différend entre le syndicat et l’administration de l’ECAM, la commission provinciale de la recherche et de la réconciliation, présidée par le wali de la région Rabat-Salé-Zemmour Zaer, a été saisie du dossier. Puis, il a été soumis à la commission nationale, présidée par le ministre de l’emploi.

 

   De son côté, le secrétaire général du syndicat unifié du personnel des établissements de l’enseignement catholique à Rabat, Abdellah Al Jabri, a souligné que ces établissements connaissent un conflit collectif entre l’administration et le personnel, à cause de la non-application des procès des conventions conclues entre le SG de l’ECAM et le syndicat unifié de l’ECAM, sous la supervision de l’inspection du travail.

 

  « L’administration de l’ECAM rejette toute action syndicale et pratique des restrictions aux libertés contenues dans la constitution et les traités internationaux », a-t-il dit estimant que du moment que ces écoles emploient des cadres marocains et suivent les programmes marocains, elles doivent respecter les lois nationales.

 

  De son côté, le SG de l’ECAM, Père Marc Boucrot, rappelle que les établissements de l’enseignement catholique sont soumis au code du travail marocain, expliquant que tout le personnel a des contrats à durée indéterminée, mais chacun doit, chaque année, signer un document par lequel il s’engage à travailler dans cet établissement l’année d’après. Une mesure qui dure, selon lui, depuis 30 ans.

 

  Cette année, les enseignants de l’école « Notre Dame de la Paix » ont refusé de signer cet engagement, a-t-il précisé, considérant que rien ne justifiait ce refus, en raison de l’accord conclu le 7 octobre 2011 avec le syndicat, au sein de la commission provinciale de la réconciliation, tenue à la wilaya de Rabat pour introduire des amendements sur ce document.

 

  Il a aussi démenti avoir recouru à l’expulsion du directeur de cet école qui dans une déclaration similaire, a souligné qu’il avait reçu une proposition pour travailler dans un établissement d’une autre ville, ce qu’il a considéré comme une sorte de pression et de punition, lui reprochant la sympathie et le soutien dont il a fait preuve à l’égard des enseignants.

 

   Pour ce qui est des enseignants qui n’ont pas encore repris leur travail, Père Marc Boucrot a indiqué que la situation de deux d’entre eux a été régularisée, alors que les contacts sont en cours avec d’autres enseignants pour examiner leur situation cas par cas.

 

  Pour ce qui est de l’école Jeanne D’Arc, « nous considérons que huit enseignants ont démissionné et non pas été expulsés, alors qu’un autre a été renvoyé sans recevoir d’indemnités, parce qu’il a violenté ses élèves, commettant ainsi une faute grave ».

 

  Pour lui, l’administration de l’ECAM ne s’oppose pas au travail syndical « à condition que le syndicat se limite à jouer le rôle qui est le sien, sans viser le bouleversement de l’organisation spécifique de l’établissement, ajoutant que les salaires du personnel n’ont pas été diminués ». Au contraire, poursuit-il, ils ont été augmentés de 600 DH, à l’instar des fonctionnaires.

 

  Face à cette situation, nombre d’enseignants sont encore aujourd’hui suspendus, en raison, selon eux, de leur appartenance au syndicat. « A la reprise, nous étions surpris de voir les enseignants et même le directeur interdits d’accès à l’école, même si nous avions signé l’engagement », raconte un enseignant de l’école « Notre Dame de la Paix » ajoutant qu’après avoir été entendus par l’administration à propos de son appartenance syndicale, on nous a demandé d’attendre, mais à ce jour, des enseignants ont été recontactés, alors que d’autres sont encore suspendus ».

 

  Cette situation bien complexe a influé directement sur le cours normal des études, suscitant beaucoup d’angoisse chez les parents d’élèves qui ne savent plus où donner de la tête : garder leur progéniture dans cet établissement ou les transférer dans d’autres écoles

 

Fatima Timjirdine

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