dimanche 19 mai 2024

Le bruxisme en 10 questions

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Anne-Flore Gaspar

  Le bruxisme, qui se manifeste par un grincement ou un serrement des dents, principalement nocturne,  fait encore l’objet de beaucoup d’interrogations, notamment en ce qui concerne ses causes et origines.

 

  Si les personnes bruxomanes présentent pour la plupart les mêmes symptômes (douleurs dans les joues, les mâchoires, les tempes et en avant de l’oreille au réveil, usure accélérée de la surface dentaire…), la pluralité des facteurs d’usure excessive des dents autres que le bruxisme (comme l’ensemble des érosions acides : sodas, agrumes, régurgitations…) peut induire des erreurs dans le dépistage des patients concernés. Tour d’horizon de la question… en 10 questions, avec le Dr Christophe Lequart, chirurgien-dentiste, porte-parole de l’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire (ufsbd) et le Dr Rachel Chau, chirurgien-dentiste.

 

Qu’est-ce que le bruxisme ?

 

BruxismeIl existe deux types de bruxisme : l’un désigne le grincement intempestif des dents du bas contre celles du haut, l’autre le serrement continu des mâchoires, c’est-à-dire le fait de contracter les muscles mandicateurs en dehors de l’action de mastication requise au moment des repas par exemple (on parle d’activité para-fonctionnelle).

 

Quelles en sont les causes ?

 

  Les causes du bruxisme sont encore mal connues. Le stress est néanmoins très souvent mis en évidence chez les individus bruxomanes. On distingue par ailleurs deux grandes étiologies du bruxisme : celle liée à une altération de l’occlusion dentaire et celle résultant d’une manifestation psychosomatique.

 

Comment se diagnostique-t-il ?

 

  Faute de conjoint présent pendant le sommeil pour entendre le bruxisme par grincement des dents, plus ou moins bruyant, ce dernier peut se dépister par l’usure accélérée des dents qu’il provoque, lors d’une visite chez le dentiste. Les dents peuvent être extrêmement abrasées car les forces de serrage des mâchoires développées pendant le sommeil sont beaucoup plus importantes que celles qu’on rencontre à l’état vigile. Les abrasions peuvent ensuite aboutir à des destructions importantes aussi bien sur les dents que sur les prothèses. Les sujets bruxomanes se plaignent par ailleurs souvent de douleurs faciales, au niveau des mâchoires notamment.

 

Comment prévenir le bruxisme ?

 

  Le bruxisme, notamment nocturne, survient généralement avant la phase de sommeil paradoxal et n’est pas conscient donc pas « contrôlable ».

 

Le bruxisme survient-il uniquement la nuit ?

 

  Le bruxisme est le plus souvent nocturne (80 % des bruxomanes) et en général, les bruxomanes (hors coma et maladie neurologique particulière) ne grincent pas des dents le jour. Cependant, on rencontre des patients qui utilisent, de jour, leurs dents pour des activités para-fonctionnelles (toute fonction autre que celle de mastication, déglutition ou phonation), ce qui aboutit à des usures plus ou moins importantes. Actuellement, on considère que les patients bruxomanes et les patients para-fonctionnels de jour ne correspondent pas aux mêmes entités nosologiques. Des travaux devront encore être faits pour clarifier ces différences.

 

Comment se traite-t-il ?

 

  Le bruxisme lui-même ne se traite pas. On ne traite que ses conséquences, et dans certains cas, on peut prévenir ses dégâts. Mais si des travaux sur le sommeil aboutissent, on peut espérer que des médicaments intervenant sur les neurotransmetteurs pourront limiter les épisodes de grincements et donc les destructions. Si les destructions dentaires sont très avancées (qu’elles concernent des problèmes infectieux ou esthétiques), on entre dans le cadre de restaurations par prothèses fixées. Celles-ci sont pour partie prises en charge par la Sécurité sociale. Il est aussi possible de limiter ou de prévenir les effets des grincements (sur les dents naturelles ou sur les prothèses) en utilisant des orthèses orales (autrement appelées « gouttières », elles coûtent environ 160 € remboursés par la Sécurité sociale après demande d’entente préalable) qui protègent les arcades dentaires. Le recours à la toxine botulique pour relâcher les tensions des muscles mandicateurs peut également être envisagé dans certains cas.

 

Existe-t-il un « profil type » de bruxomane ?

 

  On a longtemps cru que le bruxisme allait de pair avec un « profil psychologique » d’angoissé. Des séances de relaxation et un travail psychothérapeutique sont d’ailleurs souvent bénéfiques au sujet bruxomane. Mais rien ne permet aujourd’hui d’aller dans ce sens. S’il est vrai que les situations de stress aboutissent physiologiquement à une contraction des mâchoires, rien ne permet d’assimiler le serrement au grincement. On est là dans des phénomènes différents et en absence de validation scientifique, il serait dangereux de vouloir catégoriser les individus « à risque ». 

 

Un bruxomane bruxe-t-il toute sa vie ?

 

  Pas nécessairement. On peut être sujet au bruxisme de façon épisodique et temporaire.

 

Les enfants peuvent-ils être concernés ?

 

  Tout à fait, et il n’est pas rare de rencontrer des dents de lait complètement abrasées par le bruxisme.

 

Quels sont les risques pour la santé bucco-dentaire et la santé en général ?

 

  Les risques principaux sont l’usure, le déchaussement voire la fracture des dents, la perte des tissus dentaires (émail, dentine et pulpe) et les douleurs articulaires et musculaires. Outre les difficultés de mastication et les risques d’infection des dents très atteintes, on ne peut ignorer les lourdes conséquences du bruxisme vis-à-vis de l’esthétique du visage et du sourire. Le bruxisme peut également entraîner une hypersensibilité au chaud et au froid, des dégâts sur les gencives et les articulations temporo-mandibulaires, mais aussi des maux de tête et des douleurs cervicales.

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