vendredi 19 avril 2024

Ces banques marocaines qui s’engraissent sur le dos de nos MRE

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Enrichissement illicite 

Ces banques marocaines qui s’engraissent sur le dos de nos MRE

 

Par Mohamed Benfadil

Chef du Bureau de Washington

  Le nouveau gouvernement doit mettre fin à des pratiques douteuses de change de devises en imposant d’urgence des règles de jeu claires, strictes et dissuasives.

  Chaque fois qu’il s’est agi de transfert de fonds d’une banque américaine à son alter-ego marocaine, pour régler le prix d’une marchandise, réaliser une transaction quelconque, créer une entreprise ou tout simplement assister un membre de la famille resté au pays, c’est toujours le même refrain qui revient. Il consiste en ce que « le Maroc figure sur la liste A des pays à payement différé» ! Une affirmation des plus curieuses, pour le moins. 

  Un anachronisme de nature à pénaliser l’attractivité de l’économie marocaine pour l’investissement étranger. Surtout dans un contexte mondial marqué par une crise financière dont le dénouement n’est pas pour demain. Et où il n’est pas dit que le pire est derrière nous. Alors que les banques marocaines devraient favoriser à notre diaspora, et à tout client étranger apportant une devise qui se fait de plus en plus rare, un environnement des plus accueillants.

   Malheureusement, des expériences récentes avec des banques marocaines viennent de prouver le contraire. 

  Dans ce contexte, cet article se propose de tirer la sonnette d’alarme et de sensibiliser à une situation qui inquiète les opérateurs faisant des affaires avec le Maroc. Dans l’espoir de remédier à une telle anomalie. Car il y va de la crédibilité même du système bancaire marocain et, partant, de toute son économie.
Mettre fin à ces pratiques abusives de certaines banques marocaines peu scrupuleuses renforcera à coup sûr le dynamisme économique du commerce extérieur du Maroc. 

    « Je suis un client de longue date d’Attijari Wafabank, raconte Adil Naji, homme d’affaires marocain résidant dans la région du Grand Washington, où sont traitées toutes mes transactions entre les Etats-Unis et mes fournisseurs aux Maroc. Le 10 aout 2010, j’ai effectué un transfert en dollars américains au profit de mon fournisseur marocain. »(Voir ses déclarations, en anglais, dans moroccoboard.com).

 

  Normalement, la banque réceptrice auraient du appliquer le taux de change par elle affiché le jour où ces fonds sont portés au compte de l’expéditeur.

  « Le 13 août, ajoute cet opérateur, je suis surpris d’apprendre qu’Attijari Wafabank a crédité mon transfert…en dirhams et avec le taux de change du 10 août! »  Autrement dit, selon ses documents officiels, la banque a agi comme si ces fonds avaient été reçus trois jours auparavant, précise-t-il, stupéfait.
Le directeur général, poursuit, notre MRE,  m’a promis de mener une enquête à ce sujet avec « le siège », à Casablanca. Je n’en ai pas fini d’attendre ! »

  Adil Naji apporte cette précision de taille : Selon le site internet officiel de Bank Al Maghrib, la banque centrale marocaine, la valeur du dollar « a augmenté entre les 10 et 13 août, allant de 8,47 DH le 10 août à 8,63 DH le 13 août, en passant par 8,54 DH le 11 août ».

 
  Cette banque aurait donc, selon lui, appliqué un taux inférieur à celui arrêté par Bank Al Maghrib, empochant de ce fait, « indûment », le montant supplémentaire de 5000 DH. 

  Selon un rapport de la Banque Mondiale du 23 avril 2003, les paiements effectués par les Marocains résidant aux Etats-Unis, même ayant stagné en 2008, continue de figurer parmi les 20 premiers destinataires de transferts avec pas moins de 6 milliards de dollars au titre de l’année 2009. Et ce, malgré la récession économique née en 2008 et ayant privé de leur emploi nombre de Marocains résidant aux Etats-Unis.  

  Les banques marocaines retiennent, explique cet homme d’affaires, en règle générale, les transferts de l’étranger pour une durée de trois jours à une semaine. Voir deux semaines dans certains cas. Et c’est bien la raison pour laquelle le Maroc est classé parmi les pays « à paiement différé ».

  Pour tenter de comprendre ce phénomène, Adil Naji a revu le cheminement des 45 transferts qu’il avait récemment envoyés au Maroc. Lesdits transferts quittent la banque émettrice et transitent par une banque intermédiaire, avant d’atterrir dans les caisses de la banque réceptrice. Laquelle décide enfin de la date de traitement desdits transferts. 

  Quand le dollar est stable, raconte la victime de cette pratique fâcheuse, la banque (Attijari Wafabank, dans le cas d’espèce) retient les fonds pour au moins deux semaines. Cependant, dès qu’il fluctue ces montants sont libérés en l’espace de trois jours ouvrables, mais sont changés au taux le plus bas durant cette période!

 
  Il semble donc contraire à toute éthique qu’une banque marocaine manipule les transferts de l’étranger pour son seul profit. Surtout lorsqu’on sait que ceux de nos MRE représentent la part non négligeable de 6,74% du produit intérieur brut marocain, qui se chiffrait en 2010 à près de 88,9 milliards de dollars. 

  Durant les dix dernières années, les gouvernements successifs marocains ont tenté désespérément d’opérer une transformation de l’économie en vue de maintenir une croissance soutenue. Ils comptaient énormément en cela sur la collaboration du secteur privé, de manière à accélérer l’activité économique, attirer l’investissement étranger, atteindre l’objectif des 10 millions de touristes annuellement, mettre en place une structure solide à même de soutenir la croissance espérée et assurer la protection de l’investissement, tant étranger que domestique. 

  Malheureusement, il semble que le système bancaire ne poursuit que son propre intérêt, sans se soucier outre mesure du développement économique du pays. Mettant ainsi en danger les reformes mises en place au milieu de la décennie 1990 pour favoriser la transition d’une économie dite contrôlée vers une économie libéralisée. Un secteur privé efficace et performant, spécialement sa composante financière, étant sensé en être la locomotive. 

  Et ce ne sont pas les spots publicitaires mettant en scène des jeunes cadres élégants et dynamiques, serrant courtoisement les mains des clients en arborant des sourires parfaits, qui remédieront aux pratiques précédemment décrites. Ces pratiques doivent laisser la place à des comportements plus responsables avant d’espérer que l’ouverture économique tant mise en avant , sera prise au sérieux par des investisseurs étrangers et domestiques de plus en plus vigilants. 

  Les victimes de tels abus devraient dénoncer de telles pratiques de banquiers peu scrupuleux, en vue de régler cette question et définitivement refermer ce dossier.

  Car ces comportements fâcheux au sein du système bancaire marocain constituent une menace à la fois aux «économies » de nos Marocains du monde et à celle du Maroc.

 

   La blague populaire veut que la différence entre le banquier et l’oiseau, est que ce dernier…ne «vole» pas toujours! L’actuel argentier du pays doit faire en sorte que des banquiers honnêtes ne soient plus…des oiseaux rares.

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