samedi 27 juillet 2024

CESE: le mariage des mineures impacte négativement le développement économique

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Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a recommandé d’accélérer la mise en place de mesures pour mettre fin au mariage des mineures sous toutes ses formes, un phénomène qui nuit principalement aux filles en tant que futures femmes, par l’adoption d’une stratégie globale, visant principalement à abroger les articles qui permettent des exceptions dans l’application de la règle de l’âge légal pour le mariage dans le Code de la famille.

Le Conseil a noté dans son avis sur le sujet « Mariage des filles mineures et ses effets nocifs sur leur situation économique et sociale » que les statistiques officielles indiquent qu’après l’adoption du Code de la famille en 2004, le nombre de cas de mariage d’enfants a suivi une tendance ascendante, tant en termes de nombre de mariages de mineures enregistrés qu’en pourcentage du total des contrats de mariage conclus chaque année.

Le Conseil a souligné dans l’avis préparé suite à une demande du président de la Chambre des représentants sur le sujet, que le pic des cas de mariage d’enfants a été atteint en 2011, année qui a enregistré 39 031 contrats de mariage impliquant des mineurs; soit environ 12% du total des contrats de mariage pour la même année, pour ensuite connaître une diminution progressive pour atteindre 12 940 contrats de mariage en 2022.

Outre son impact direct sur les mineurs, l’avis a souligné l’effet négatif du mariage précoce sur le développement économique et social des sociétés, car il peut conduire à la perpétuation de la pauvreté intergénérationnelle et des inégalités de genre; ainsi, les répercussions sociales et économiques du mariage des mineurs sont vastes et dépassent les individus directement affectés pour toucher la société dans son ensemble.

Le même source a indiqué que la plupart des filles mariées proviennent d’un milieu pauvre, vivent en milieu rural et ont un faible niveau d’éducation ou très faible, avec la région de Marrakech-Safi comptant le plus grand nombre de filles mariées à 18,5 %, suivie de la région de Casablanca-Settat à 17,5 %, Rabat-Salé-Kénitra à 13,1 %, Fès-Meknès à 11,9 %, et Béni Mellal-Khénifra à 11,3 %.

Le Conseil a appelé dans l’avis à harmoniser les dispositions du Code de la famille avec la Constitution et les conventions pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et les conventions internationales relatives aux droits de l’enfant, ce qui signifie prendre en compte « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

L’avis souligne  la nécessité d’une interdiction explicite dans le Code de la famille de toutes formes de discrimination contre les enfants, en conformité avec l’article 32 de la Constitution, et d’abroger les articles 20, 21 et 22 du Code de la famille qui permettent des exceptions dans l’application de la règle de l’âge légal pour le mariage.

L’article 20 du Code de la famille stipule que « Le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l’âge de la capacité prévu à l’article 19 ci-dessus, par décision motivée précisant l’intérêt et les motifs justifiant ce mariage, après avoir entendu les parents du mineur ou son représentant légal, et après avoir eu recours à une expertise médicale ou procédé à une enquête sociale. La décision du juge autorisant le mariage d’un mineur n’est susceptible d’aucun recours ».

L’article 21 du Code stipule que « Le mariage du mineur est subordonné à l’approbation de son représentant légal. L’approbation du représentant légal est constatée par sa signature apposée, avec celle du mineur, sur la demande d’autorisation de mariage et par sa présence lors de l’établissement de l’acte de mariage. Lorsque le représentant légal du mineur refuse d’accorder son approbation, le juge de la famille chargé du mariage statue en l’objet ».

L’article 22 stipule pour sa part  que « Les conjoints, mariés conformément aux dispositions de l’article 20 ci-dessus, acquièrent la capacité civile pour ester en justice pour tout ce qui concerne les droits et obligations nés des effets résultant du mariage. Le tribunal peut, à la demande de l’un des conjoints ou de son représentant légal, déterminer les charges financières qui incombent au conjoint concerné et leurs modalités de paiement ».

Le Conseil a recommandé d’inclure une disposition légale dans le Code de la famille concernant le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant » avec une définition de ce principe et la manière de l’appliquer, conformément aux directives du Comité des droits de l’enfant, et l’inclusion explicite, dans le Code de la famille, de l’empreinte génétique (ADN) comme élément scientifique parmi les éléments de preuve de la paternité, que le juge doit utiliser pour prouver la filiation paternelle en cas de non-reconnaissance par le père.

Le Conseil a également appelé à lutter contre les pratiques nuisibles aux enfants, à travers la mise en œuvre durable et intégrée des différentes politiques et mesures publiques au niveau national et territorial, notamment en renforçant les systèmes de protection et d’assistance sociale, en fournissant un soutien matériel aux familles pauvres ayant des filles en âge de scolarisation pour éviter leur mariage pour des raisons sociales.

Les recommandations du Conseil comprenaient l’inclusion du mariage des filles mineures par des contrats « kafala » dans le cadre de la loi n° 27.14 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, qui devrait être criminalisée et combattue, et encourager le débat public et le développement de la pensée collective sur un ensemble de questions liées au mariage, à l’intégrité physique, à l’avortement, au viol, à l’agression sexuelle et au viol conjugal.

Le Conseil a conclu dans son avis sur la nécessité de suivre et d’évaluer les progrès réalisés dans l’élimination du mariage des filles mineures, en mettant en place un système d’information intégré basé sur un ensemble d’indicateurs, en harmonie avec les droits de l’enfant et son intérêt supérieur et les objectifs de développement durable, et sur les données relatives aux cas potentiels de mariage et de divorce des filles mineures, aux actions en reconnaissance de mariage liées à l’âge légal, aux cas de femmes mineures abandonnées et à la violence conjugale et familiale contre les épouses mineures.

Il a recommandé l’élaboration d’un rapport annuel, présenté par les autorités gouvernementales chargées de l’enfance devant les comités concernés des deux chambres du Parlement, sur l’évolution du mariage des filles mineures et les mesures prises dans le cadre des politiques publiques pertinentes pour réduire les causes du recours à cette pratique.

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