samedi 27 juillet 2024

L’intelligence artificielle, horizon « terrifiant » pour le cinéaste Bertrand Bonello

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L’intelligence artificielle est un horizon « terrifiant » pour le cinéaste Bertrand Bonello, qui convoque cette technologie dans « La Bête », un voyage hallucinatoire à travers le temps avec Léa Seydoux.

En salles mercredi, le film de 02H26, qui emprunte à l’esprit de David Lynch, était présenté en compétition à la dernière Mostra de Venise.

Naviguant entre les années 1910, le contemporain et l’an 2044, lorsque l’intelligence artificielle aura pris le contrôle de l’humanité pour la rendre moins sentimentale et plus rationnelle, le film est très librement adapté d’une nouvelle de Henry James, « La Bête dans la Jungle« .

A Venise, le film a vu sa promotion réduite au minimum en pleine grève de Hollywood, les acteurs et scénaristes s’inquiétant justement d’être mis au chômage et remplacés dans le futur par l’IA générative.

« Quand j’ai écrit le film, j’étais loin de me douter qu’il serait projeté l’année où l’intelligence artificielle deviendrait un sujet de société et un motif d’inquiétude », a expliqué à l’AFP le réalisateur, figure d’un cinéma d’auteur parfois exigeant (« Nocturama » en 2016, « Saint Laurent » en 2015…).

« Évidemment ça fait peur, parce que vu la puissance de l’outil, ça engage des considérations éthiques, morales et politiques« , poursuit-il. « Par définition, l’humain doit être maître de l’outil. Si c’est le contraire, ce n’est pas bien. La relation entre l’humain et la machine est très délicate et dangereuse, et là on monte d’un cran.« 

Le cinéaste de 55 ans a lui-même testé la génération de contenu: « j’ai dit à l’intelligence artificielle de m’écrire un scénario à la Bertrand Bonello« , confie-t-il. Résultat ? « Ça sort quelque chose en cinq secondes, qui n’est pas absurde, sans être génial. Je n’irai pas chercher un scénario là. Mais oui, ça peut faire le travail, c’est vraiment terrifiant.« 

« Intemporelle »

La peur d’un malheur à venir, c’est l’un des thèmes du film, mêlé à l’amour, comme dans la nouvelle d’Henry James, « l’un des mélodrames les plus déchirants qui existe« , selon le réalisateur. Ce texte a déjà inspiré plusieurs artistes, dont Marguerite Duras, François Truffaut et plus récemment un réalisateur autrichien, Patric Chiha, qui en a sorti une version avec Anaïs Demoustier.

Cette fois, c’est une star connue à l’international, Léa Seydoux, qui endosse le rôle central, à la fois intense et mystérieuse.

« L’abandon, c’est sa méthode. Elle est intemporelle tout en étant très moderne. Même si la caméra est là pendant deux heures sur elle, il reste quelque chose qu’on ne saisit pas« , confie Bertrand Bonello.

Dans « La Bête », l’actrice de « La vie d’Adèle » et des derniers James Bond incarne une artiste qui doit replonger dans ses souvenirs pour les purger de tous sentiments, en replongeant dans ses vies antérieures. Entre amour et terreur, elle va revivre ses émotions pour un homme qui traverse le temps, Louis, incarné par le Britannique George MacKay (vu dans « 1917 »).

Surnaturel sans tomber dans le mystique, le film tisse des liens à travers le temps. Les personnages féminins mystérieux, les indices et motifs cachés dans le décor, rappellent fortement le David Lynch de « Mulholland Drive » ou de « Twin Peaks ».

Le film se conclut par un hommage à Gaspard Ulliel, mort accidentellement à 37 ans en 2022. L’acteur, qui fut le Yves Saint-Laurent de Bonello en 2015, devait tenir le rôle qui a finalement échu à George MacKay.

Ulliel « est mort un mois avant le tournage. Nous avons décidé de repousser le film mais de le continuer quand même. Nous ne voulions pas le remplacer par un acteur français, pour ne pas qu’il y ait de comparaison, on a décidé d’aller ailleurs« , en faisant auditionner des Anglo-saxons, avant de choisir MacKay, a confié le réalisateur.

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