mercredi 27 septembre 2023

Mort de Nahel: enquête sur la cagnotte de soutien à la famille du policier

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Une enquête a été ouverte sur la cagnotte lancée par Jean Messiha en soutien à la famille du policier qui a tué le jeune Nahel, 17 ans, le 27 juin dernier lors d’un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine), a fait savoir le parquet de Paris, ce mercredi. Entre son lancement le 29 juin et sa clôture le 4 juillet, plus de 1,6 million d’euros ont été récoltés.

L’enquête fait suite à une plainte, déposée par la famille de Nahel, pour « escroquerie en bande organisée, recel d’escroquerie en bande organisée, détournement de finalité d’un traitement de données à caractère personnel et recel de détournement de finalité d’un traitement de données à caractère personnel ».

« Manœuvres frauduleuses » et « mensonges »

Selon la définition du Code pénal, l’escroquerie en bande organisée est le fait « soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer (…) à remettre des fonds ».

Justement, dans sa plainte, la famille de Nahel dénonce des « manœuvres frauduleuses » et des « mensonges » de Jean Messiha, visant à « tromper » les donateurs pour récolter des fonds.

Parmi ces « manœuvres frauduleuses », les proches de Nahel reprochent au polémiste d’avoir « publiquement et mensongèrement présenté l’adolescent comme un ‘multirécidiviste' » tout en « mentant » en présentant le policier « comme un ‘héros du Bataclan' » alors que le fonctionnaire « ne serait, en aucun cas, intervenu » lors de l’attentat jihadiste qui a visé la salle de spectacle le 13 novembre 2015, a expliqué Me Bouzrou, l’avocat de la famille de l’adolescent.

Mais ce n’est pas tout. La famille de l’adolescent accuse également Jean Messiha d’avoir relayé sur Twitter « des informations qui seraient issues du fichier du traitement des antécédents judiciaires de Nahel » dans le but de le « criminaliser », « nécessairement données par un ou plusieurs membres des forces de l’ordre ».

D’autant qu’une enquête étant ouverte pour « homicide involontaire », dévoiler des informations sur le casier judiciaire de Nahel constitue, à ce stade, une violation du secret de l’instruction, puni de trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Autant d’éléments sur lesquels l’enquête va devoir faire la lumière.

Le destinataire et la vocation de la cagnotte en question

Ce qui va également intéresser les enquêteurs, c’est l’intention du créateur de la cagnotte.

« Tout l’objet de la procédure, c’est de démontrer quelle est la vocation des fonds collectés », estime auprès de BFMTV.com Julie Jacob, avocate spécialisé en droit numérique et en propriété intellectuelle.

En premier lieu, les enquêteurs vont devoir identifier le destinataire de la cagnotte. Sur la page de celle-ci, hébergée par le site Gofundme, le bénéficiaire est présenté comme « Jen Fleur ». La description, elle, mentionne une cagnotte de « soutien pour la famille du policier de Nanterre, Florian M. qui a fait son travail et qui paie aujourd’hui le prix fort ». Un peu plus bas, on peut lire « soutenez-le massivement et soutenez nos forces de l’ordre! ». Impossible donc pour le moment de savoir si le destinataire est réellement de la famille du policier.

« Pour le moment, les donateurs ne savent pas réellement qui est le bénéficiaire, ça pourrait être n’importe qui », enchaîne Me Jacob.

Ensuite, l’enquête va devoir déterminer l’objectif de cette cagnotte.

« Est-ce que les fonds vont être affectés à la véritable cause qui est visée dans la cagnotte, c’est-à-dire le soutien à la famille, auquel cas c’est légal, ou est-ce que c’est autre chose, comme payer une amende, une sanction ou des dommages et intérêts? », ajoute l’avocate.

Car dans le cadre d’une procédure pénale, la loi française interdit de payer une amende ou des dommages et intérêts avec une cagnotte. En revanche, la famille du policier pourra s’en servir pour régler les frais d’avocat.

Mais dans sa plainte, Me Bouzrou, lui, a visé « toute personne bénéficiant de la cagnotte, quand bien même elle serait de la famille du policier ayant tué Nahel ». Selon lui, les bénéficiaires « se rendraient dès lors coupables de recel d’escroquerie en bande organisée ».

Mis bout à bout, c’est l’ensemble de ces éléments qui pourrait corroborer – ou non – le dessein de tromper et donc permettre de qualifier l’escroquerie, une infraction passible de dix ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende si elle est commise en bande organisée.

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