mardi 23 avril 2024

Le Venezuela, facteur de zizanie en Amérique du Sud

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La famille sud-américaine a affiché, mardi à Brasilia, son souhait de relever en rangs serrés le défi de l’intégration régionale. La dizaine de leaders régionaux réunis par le président Lula da Silva ont donné une image presque idyllique d’union et de solidarité, avec toutefois une seule ombre au tableau : le régime chaviste au Venezuela et la présence de son leader Nicolas Maduro parmi eux.

Dans le « Consensus de Brasilia » adopté au terme de ce sommet, le premier organisé à ce niveau depuis environ dix ans, les leaders d’Amérique du sud se sont montrés conscients que l’intégration de leurs pays stagne depuis plusieurs années et ont convenu d’une « feuille de route » pour aller de l’avant dans l’œuvre commune de construction de la Grande Patrie tant rêvée par les pères des indépendances latino-américaines au 19ème siècle.

Toutefois, certains leaders n’ont pas fait dans la dentelle en pointant du doigt la principale pierre d’achoppement sur la voie de l’intégration régionale.

Le premier à monter au créneau a été le président uruguayen, Luis Lacalle Pou, qui a invité ses pairs à « ne pas cacher le soleil par un tamis » en ce qui concerne la situation des droits de l’Homme au Venezuela.

Lacalle Pou a fait omission du huis clos de la réunion au sommet et a publié une vidéo amateur de son discours dans lequel il a épinglé les violations des droits de l’Homme par le régime de Maduro et qui ont poussé, selon l’ONU, plus de sept millions de vénézuéliens sur les chemins de l’exil dans les pays voisins et ailleurs.

Les critiques concernant l’absence de garanties démocratiques au Venezuela ne sont pas juste « une narration », a fustigé le président uruguayen. « S’il y a tant de groupes dans le monde qui essaient de négocier pour une démocratie totale au Venezuela et pour que les droits de l’homme soient respectés, pour qu’il n’y ait pas de prisonniers politiques, la pire chose que nous puissions faire est de cacher le soleil avec un tamis », a-t-il dit à l’adresse des chefs d’Etat présents à Brasilia.

Lacalle Pou a ensuite montré son objection à un point de la déclaration finale relatif à la démocratie et aux droits de l’Homme. « Il est évident que nous n’avons pas la même définition de ce qu’est le respect des institutions, des droits de l’homme et de la démocratie, qui est, je crois, celle de l’Académie royale espagnole », a fulminé le chef d’Etat d’Uruguay.

Le point en question fait référence à « la démocratie et des droits de l’homme, (…) et à la non-ingérence dans les affaires intérieures », laissant entendre que la situation au Venezuela.

Après Lacalle Pou, c’était au tour du président chilien Gabriel Boric d’adresser ses reproches à ceux qui veulent minimiser l’ampleur des violations des droits de l’Homme au Venezuela.

« La situation au Venezuela n’est pas une construction narrative, c’est la réalité », s’est-il indigné.

« J’ai respectueusement déclaré que j’avais une divergence avec ce que le président Lula a dit hier (…) Il ne s’agit pas d’une construction narrative, c’est une grave réalité », a déclaré le chef d’Etat chilien lors d’une conférence de presse en marge du sommet.

« J’ai eu l’occasion de voir (cette réalité) dans les yeux et dans la douleur de centaines de milliers de Vénézuéliens qui se trouvent aujourd’hui dans mon pays et qui exigent, eux aussi, une position ferme et claire », a-t-il ajouté, se disant opposé à toute tentative de

« balayer la poussière sous le tapis ou de fermer les yeux sur des principes importants », tels que les violations des droits de l’homme.

A la veille du sommet, l’opposition brésilienne a reproché à Lula da Silva de « piétiner » la démocratie en acceptant de recevoir avec les honneurs le leader du régime chaviste au Venezueula, qu’elle a qualifié de « dictateur ».

Les principaux partis de l’opposition brésilienne, y compris la formation de l’ancien président Jair Bolsonaro, a notamment épinglé les crimes perpétrés par Maduro, dont « des meurtres, des tortures et des disparitions », en plus de son implication dans le « terrorisme lié à la drogue ».

Ils ont également rappelé dans ce contexte que l’ONU enquête sur le gouvernement de Maduro pour « crimes contre l’humanité ».

En Argentine, le gouvernement du centre-gauche d’Alberto Fernandez a été la cible de critiques suite à la rencontre tenue à Brasilia par le chef d’Etat argentin avec Maduro.

Le gouvernement a défendu sa démarche en affirmant que l’approche de la situation vénézuélienne qui encourageait « l’exclusion et les sanctions unilatérales » avait « échoué », et que maintenant l’approche qui prévaut est celle de la « négociation ».

Toutefois, les deux principaux candidats présidentiels de l’opposition au prochain scrutin, le maire de Buenos Aires, Horacio Rodriguez Larreta, et l’ancienne ministre de la sécurité Patricia Bullrich, ont exprimé leur « solidarité avec les victimes » du régime chaviste, estimant que le président argentin se positionne « du mauvais côté de l’histoire » en acceptant de s’afficher avec Maduro.

Alors que le président brésilien tente laborieusement de rassembler les rangs des pays sud-américains en profitant de la fenêtre historique de compter une écrasante majorité de gouvernements de gauche à la tête de ces pays, il est devenu évident à Brasilia que le régime vénézuélien jouait le rôle affligeant d’un trouble-fête et que l’intégration régionale ne pourra jamais faire l’économie d’une démocratie pleine et entière au Venezuela avec la fin du régime chaviste.

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