jeudi 25 avril 2024

L’UE s’alarme de la situation de la liberté de presse et des médias en Algérie

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Une nouvelle sonnette d’alarme a été tirée par l’Union européenne quant à la situation chaotique de la liberté d’expression, de presse et des médias en Algérie, qui fait face à une logique répressive inédite.

Lors d’un débat, mercredi en séance plénière du Parlement européen à Strasbourg, sur des cas de violation des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit en Algérie, les intervenants ont mis l’accent sur la situation désastreuse de la liberté des médias et de la liberté d’expression en Algérie, à travers le cas du journaliste algérien Ihsane El Kadi, condamné à cinq ans de prison par le tribunal de Sidi M’Hamed à Alger, le 2 avril dernier.

Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders a affirmé que l’Union européenne a constaté plusieurs arrestations et détentions de journalistes et défenseurs des droits de l’Homme en Algérie.

Le cas d’Ihsane El Kadi est l’un des plus importants à cet égard, a-t-il relevé, rappelant que les droits de l’homme sont universels et qu’ils sont protégés par la législation internationale.

Il s’agit d’un point « préoccupant » qu’il est nécessaire de mentionner de manière ouverte, a-t-il insisté, affirmant que la question a été soulevée par le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Josep Borrell, lors de sa visite à Alger les 12 et 13 mars dernier.

Au cours de cette visite, M. Borrell avait rappelé les responsabilités que doit assumer l’Algérie en matière de droits de l’Homme et de protection des libertés fondamentales, dont la liberté de la presse et la liberté d’expression, a rappelé M. Reynders.

Différents intervenants ont souligné que depuis 2019, la pression monte sur les journalistes et les médias algériens dans le sillage de la répression du Hirak, le mouvement de revendication pacifique en Algérie, avec l’arrestation et l’emprisonnement de nombreux journalistes et la fermeture de médias, sans oublier la dissolution d’organisations de la société civile et les poursuites contre les défenseurs des droits de l’homme.

L’eurodéputée Margarida Marques a noté que cette répression ne concerne pas uniquement le journaliste Ihsane El Kadi, mais renvoie plus largement à l’absence de la liberté des médias et d’expression en Algérie, mettant l’accent sur l’adoption par le pouvoir algérien d’une nouvelle loi durcissant les sanctions contre la presse indépendante.

Elle a rappelé que la liberté d’expression et la liberté des médias sont des valeurs fondamentales, appelant les autorités algériennes à libérer immédiatement Ihsane El Kadi.

Pour sa part, l’eurodéputée Michaela Sojdrova a indiqué que la situation de la liberté d’expression est en déclin en Algérie depuis 1992, mais l’adoption récente de la nouvelle loi sur les médias et l’arrestation de journalistes comme Ihsane El Kadi ont fait empirer l’état des droits dans ce pays.

Dans le même sens, l’eurodéputé Jordi Solé a critiqué les décisions judiciaires prises ces dernières années à l’encontre des journalistes indépendants en Algérie, ajoutant que la condamnation de M. El Kadi à cinq ans de prison constitue une vraie attaque contre la liberté de la presse.

Il a aussi mis en exergue les obstacles auxquels se heurtent les journalistes algériens dans l’exercice de leur profession, appelant les autorités d’Alger à libérer El Kadi et à garantir la protection des droits fondamentaux.

Les intervenants lors de ce débat ont estimé que la pression sur les journalistes est un indicateur de la direction vers laquelle se dirige la société algérienne après l’avortement des aspirations exprimées lors du Hirak algérien.

Les dissolutions des organisations de la société civile, les intimidations et les arrestations bafouent les droits des citoyens algériens et les empêchent de s’exprimer librement, en violation flagrante des droits de l’homme, a-t-on relevé.

Ce n’est pas la première fois que l’Algérie est pointée du doigt. Elle a essuyé, le 11 novembre dernier devant le Conseil des droits humains (CDH) à Genève, les critiques des Etats-Unis, mais aussi du Royaume-Uni et de l’Allemagne lors de son examen périodique universel (EPU).

Alger s’est vu réclamer par la représentante américaine d’abroger les amendements de l’article 87 bis du Code pénal qui « contiennent une définition exagérément vaste du terrorisme » et de libérer « les journalistes, défenseurs des droits humains et ceux qui sont détenus en vertu de cette disposition ».

L’Algérie a également été priée de « cesser de harceler journalistes et défenseurs des droits humains et de retirer les accusations d’atteinte à l’unité nationale ».

Ces amendements, adoptés en juin 2021, assimilent désormais à du « terrorisme » ou à du « sabotage » tout appel à « changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ». Résultat : Quelque 300 prisonniers d’opinion croupissent, certains depuis plus de trois ans et sans le moindre procès, dans les geôles algériennes, souvent accusés de terrorisme.

Le 29 mars 2023, à l’occasion de l’examen périodique universel de l’Algérie, les organisations de la société civile ont exprimé leur dépit à la suite du refus par le gouvernement algérien des recommandations relatives à la liberté d’expression, de réunion pacifique, d’association et aux détentions arbitraires.

La loi sur les réunions et les rassemblements publics est considérée trop restrictive et des manifestants pacifiques sont arrêtés sous le prétexte de « rassemblements non armés ». Des juges et des avocats ont même fait l’objet de mesures disciplinaires et de poursuites pour avoir exercé leurs droits.

Le journaliste Ihsane El Kadi, âgé de 63 ans, critique du pouvoir, a été condamné le 2 avril dernier à cinq ans de prison dont trois ferme, par le tribunal de Sidi M’Hamed à Alger, pour « financement étranger ».

La date de son procès en appel est fixée au 21 mai courant devant la cour d’Alger, selon des membres du collectif de défense du journaliste.

Le tribunal a aussi prononcé la dissolution de la société « Interface Médias », éditrice des deux médias dirigés par Ihsane El Kadi, la confiscation de tous ses biens saisis, et dix millions de dinars d’amende (plus de 68.000 euros) contre son entreprise.

A rappeler que depuis fin décembre, l’agence « Interfaces Médias », pôle regroupant « Radio M » et le magazine « Maghreb émergent », a été fermée et mise sous scellés, et son fondateur Ihsane El Kadi arrêté.

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