jeudi 18 avril 2024

La mystérieuse énergie noire est-elle constante dans l’espace et le temps ?

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Une énergie énigmatique, que nous avons appelée énergie noire, semble accélérer l’expansion de l’Univers observable. Sa nature détermine le destin du cosmos et on vient de poser de nouvelles contraintes sur cette énergie mystérieuse en étudiant des amas de galaxies en rayons X.

En 2011, le prix Nobel de physique récompensait les découvreurs de l’accélération récente, depuis quelques milliards d’années, de l’expansion de l’Univers observable. On s’attendait à une décélération continue depuis le Big Bang.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord en ne lisant pas les explications du comité Nobel, il ne s’agissait pas de la découverte de l’énergie noire. Ce n’est qu’un moyen d’interpréter l’accélération de l’expansion et de donner un certain sens à ce qui en rend compte dans les équations relativistes de la gravitation d’Einstein, sa fameuse constante cosmologique.

Parmi les interprétations possibles de cette constante il y a celle qui en fait une simple caractéristique de la théorie de la gravitation comme l’est la constante de Newton incorporée dans cette théorie. Il pourrait s’agit aussi d’un minimum de densité d’énergie d’un champ scalaire ressemblant à celui de Brout-Englert-Higgs.

Dans ce dernier cas, la constante cosmologique d’Einstein serait en fait une quantité dynamique capable d’évoluer dans l’espace mais aussi dans le temps, ce qui pourrait d’ailleurs aider à résoudre la crise actuelle de la cosmologie.

Une énergie du vide quantique ?

A contrario, elle pourrait être une manifestation de ce que l’on appelle l’énergie du point zéro des champs quantiques, que ce soit le champ électromagnétique ou les champs de Dirac pour les particules matérielles que sont les quarks et les leptons. Il y aurait aussi une contribution du point zéro du champ de gravitation. Incidemment, tous ces points zéro sont des conséquences des inégalités de Heisenberg qui interdisent à une particule d’avoir simultanément une position infiniment précise et une vitesse nulle. Il existe donc nécessairement un état de fluctuation et d’activité de base d’un champ quantique que l’on ne peut diminuer. La constante cosmologique serait alors nécessairement constante dans le temps et l’espace et il serait impossible d’extraire de l’énergie du vide quantique occupé par ces champs, ou alors cela impliquerait une autre mécanique quantique.

Une façon de départager ces théories est de faire des mesures de plus en plus fines dans l’espace et dans le temps de la valeur de la constante cosmologique.

Une façon de faire repose sur le fait que l’accélération de l’expansion causée par l’énergie noire se comporte comme une sorte d’effet d’antigravité avec une expansion de l’espace qui s’oppose à l’attraction gravitationnelle classique. L’effet est négligeable dans le Système solaire et au niveau d’une galaxie, mais il peut commencer à se faire sentir au niveau des amas de galaxies en s’opposant à leur formation et à leurs mouvements.

On peut étudier les amas de galaxies en profitant du fait qu’ils sont baignés dans un plasma très chaud et émettant en conséquence des rayons X. L’un des instruments dont la noosphère s’est doté pour faire de l’astronomie X est l’instrument eRosita, construit par l’Institut Max-Planck de physique extraterrestre en Allemagne et qui fait partie de l’observatoire spatial russo-allemand Spektr-RG.

Une croissance du nombre d’amas de galaxies inhibée par la nature de l’énergie noire

Récemment, I-Non Chiu de l’université nationale Cheng Kung à Taiwan, en collaboration avec les astrophysiciens du Ludwig-Maximilians-Universität München (LMU) Matthias Klein, Sebastian Bocquet et Joe Mohr, a publié une première étude de l’énergie noire à l’aide de eRosita, qui repose justement sur l’étude des amas de galaxies. Il en a résulté un article que l’on peut consulter en accès libre sur arXiv.

Dans le communiqué du LMU accompagnant cet article, Matthias Klein explique que « nous pouvons en apprendre beaucoup sur la nature de l’énergie noire en comptant le nombre d’amas de galaxies formés dans l’Univers en fonction du temps – ou du point de vue directement observationnel en fonction du décalage vers le rouge ». Ce nombre est une fonction des caractéristiques de l’énergie noire et des théories qui les prédisent.

Il a donc été déterminé dans le cadre de la campagne d’observation nommée eRosita Final Equatorial-Depth Survey (eFEDS), un préambule couvrant environ 1 % de la voûte céleste à une campagne qui en fera la couverture complète.

Ce sont tout de même environ 500 amas de galaxies répartis dans une sorte de carotte temporelle à travers des strates de lumière couvrant les 10 derniers milliards d’années du cosmos observable qui ont été étudiés.

Aux précisions des mesures actuelles, les chercheurs en ont conclu, à nouveau, que la densité d’énergie de l’énergie noire semble être uniforme dans l’espace et constante dans le temps.

« Nos résultats concordent également bien avec d’autres approches indépendantes, telles que les études précédentes sur les amas de galaxies ainsi que celles utilisant l’effet de lentille gravitationnelle faible et le fond cosmique des micro-ondes. Jusqu’à présent, toutes les preuves d’observation, y compris les derniers résultats d’eFEDS, suggèrent que l’énergie noire peut être décrite par une simple constante », conclut Sebastian Bocquet.

On devrait en savoir plus avec la mission Euclid et le télescope Vera Rubin. Une constante cosmologique variable pourrait signifier qu’il y aura un jour une inversion de l’expansion et donc un nouveau Big Bang. Dans le cas contraire, l’expansion se poursuivrait pour l’éternité, mais même l’éternité pourrait avoir une fin selon le prix Nobel de physique Roger Penrose…

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