Les auteurs se sont notamment intéressés à des cellules immunitaires particulières : les lymphocytes T (dont les cellules CD8) impliqués dans l’élimination du virus et les anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2. De plus, ils disposaient d’échantillons sanguins prélevés lors de la phase aiguë de la maladie chez 72 de ces patients, ce qui leur a permis de comparer rétrospectivement le niveau d’inflammation au stade précoce chez les personnes ayant développé par la suite un Covid long ou non.
Un dysfonctionnement dans le système immunitaire
Les chercheurs ont ainsi identifié un certain nombre de marqueurs sanguins présents six mois après l’infection chez 70 à 80 % des personnes présentant un Covid long alors que ces mêmes marqueurs sanguins étaient rares chez les sujets n’ayant pas développé de forme longue.
Les équipes ont notamment montré qu’un sous-type de cellule CD8 exprimant le granzyme A, une protéine inflammatoire, sont en excès, tandis qu’un autre sous-type de CD8 exprimant l’intégrine b7 sont en faible quantité. Cette dernière sous-population est pourtant essentielle pour contrôler les virus dans les muqueuses. En outre, les anticorps IgA spécifiques du virus sont également en surnombre alors qu’ils devraient être rapidement éliminés si le virus est absent. Ces observations suggèrent la persistance du virus dans l’organisme et notamment dans les muqueuses.
L’hypothèse des chercheurs est que le SARS-CoV-2 pourrait se calfeutrer au niveau de la muqueuse intestinale car celle-ci est plus « permissive » sur le plan immunitaire que le reste de l’organisme, dans la mesure où elle doit tolérer la flore bactérienne. D’autres virus comme le VIH utilisent cette stratégie d’échappement. Initialement présent au niveau des muqueuses pulmonaires, le SARS-Cov-2 pourrait donc descendre au niveau intestinal et y persister sans que le système immunitaire ne parvienne à l’éliminer tout à fait.
Le lien entre Covid sévère et Covid long
Dans la dernière étape de l’étude, en évaluant le niveau d’inflammation initial au cours de la phase aiguë, les scientifiques ont observé une association entre une réponse inflammatoire caractérisée notamment par des taux très élevés d’interféron IP-10 ou d’interleukine IL-6 et le risque de faire un Covid long par la suite.
» Cela confirme des observations cliniques selon lesquelles la sévérité initiale de la Covid est associée à un risque plus élevé de développer un Covid long , . Une des hypothèses est que des personnes qui présentent précocement une immunodéficience plus exacerbée développent des formes initiales plus graves de la Covid-19 et ne parviennent pas à éliminer efficacement le virus qui passe dans les muqueuses intestinales, où il s’installe durablement. Le système immunitaire finit en quelque sorte par le tolérer au prix d’une persistance des symptômes d’intensité et de nature variables ».précisent les chercheurs
L’objectif est dorénavant de valider ces résultats dans de nouvelles cohortes afin de déterminer si certains de ces marqueurs pourraient servir d’outil diagnostic.
« Si un dosage d’IgA à distance de la phase aiguë et éventuellement de cellules CD8 b7 permettait de diagnostiquer un Covid long, les médecins pourraient poser un diagnostic objectif. Dans un second temps, nous pourrons réfléchir à des cibles thérapeutiques sur la base de ces travaux », précisent les chercheurs
Covid long : des foyers de virus cachés dans les intestins responsables de la persistance de symptômes ?
Les antigènes qui circulent dans le sang et la présence de poches de virus dans les intestins ont été observés chez des patients atteints de Covid long. Avons-nous un début de réponse à propos de l’origine de cette maladie persistante et invalidante ?
Le Covid long est la conséquence à long terme d’une infection aiguë par le SARS-CoV-2. Maladie longue et invalidante, elle est difficile à diagnostiquer par les médecins du fait de la grande diversité des symptômes vécus par les patients. La communauté scientifique recherche des biomarqueurs qui pourraient permettre aux médecins d’identifier plus facilement les personnes atteintes de Covid long.
Des antigènes circulants, dans le sang des personnes atteintes de Covid long
L’étude, en pré-publication et menée sur un groupe de volontaires réduit (63 volontaires), dont certains diagnostiqués « Covid long », a détecté des bouts de la protéine S (la sous-unité 1), la protéine S en entier, des protéines N (la nucléocapside) dans le plasma des participants. Le suivi a duré 12 mois et pour 65 % des patients, l’un des trois antigènes a été identifié à n’importe quel moment du suivi ; la protéine S entière étant l’antigène le plus fréquent. Chez les patients qui ont la Covid-19 mais pas de séquelles, ces antigènes circulants sont absents. À eux seuls, ces résultats ne sont pas assez robustes pour dire que les antigènes circulants du coronavirus sont un marqueur fiable pour diagnostiquer l’ensemble de la population, ni que ces derniers ont une quelconque implication dans les symptômes du Covid long.
Des recherches encore longues
Mais les indices s’accumulent. Ils sont tirés d’études indépendantes les unes des autres, souvent modestes, et vont dans le même sens : le coronavirus pourrait persister sous forme de réservoir actif dans plusieurs organes du corps humain. Une étude menée après le décès de 44 patients indique la présence de l’ARN du coronavirus dans les tissus respiratoires et cardiaques et dans les intestins jusqu’à 230 jours après le début des symptômes. Chez les enfants, la forme grave de Covid, appelé MISC ou PIMS, serait due en partie à une altération de la barrière intestinale par le virus. Dans ce cas, des poches de virus actif se forment aussi dans les intestins et libèrent des antigènes viraux dans la circulation sanguine. Le coronavirus semble aussi déséquilibrer la flore intestinale chez les personnes atteintes de Covid long.
Les intestins apparaissent comme un organe important dans l’étiologie du Covid long. Malgré ces observations concordantes, à ce jour aucune étude n’a démontré précisément la ou les origines du Covid long. Les réservoirs viraux dans le corps, les antigènes persistants, mais aussi l’inflammation sont trois facteurs considérés comme impliqués dans le Covid long, le lien de causalité entre leur présence, et les symptômes reste à démontrer.