samedi 20 avril 2024

Soudan : les combats font rage, une centaine de civils tués

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Depuis samedi, des colonnes d’épaisse fumée noire ont plongé Khartoum dans une odeur de poudre. Ses habitants sont barricadés chez eux sans eau courante ni électricité pour la plupart, tremblant à chaque nouvelle frappe aérienne ou tir d’artillerie.

97 civils ont été tués, pour moitié environ à Khartoum, selon le syndicat officiel des médecins, et « des dizaines » de combattants sont morts. Les deux camps n’ont jamais communiqué sur leurs pertes.

A Khartoum, où ne circulent que des hommes en treillis et des véhicules militaires, les rares épiceries ouvertes ont prévenu qu’elles ne tiendraient que quelques jours si aucun camion n’arrive. Les hôpitaux qui accueillent les blessés n’ont plus ni sang ni équipements.

Après la Ligue arabe et l’Union africaine, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont appelé lundi à la « cessation immédiate » des violences.

Le conflit était latent depuis des semaines entre le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du pays, et son numéro deux, le général Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », à la tête des Forces de soutien rapide (FSR), qui avaient évincé ensemble les civils du pouvoir lors du putsch d’octobre 2021.

Depuis samedi, les combats à l’arme lourde n’ont pas cessé et l’armée de l’air vise régulièrement, même en plein Khartoum, les QG des FSR, d’ex-miliciens de la guerre dans la région du Darfour devenus les supplétifs officiels de l’armée.

L’armée a assuré dimanche soir que la situation était « extrêmement stable » tandis que les FSR se disaient « sur la voie de l’emporter définitivement ».

Dans les faits, il était impossible lundi de savoir quelle force contrôle quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l’aéroport et être entrés dans le palais présidentiel, ce que l’armée a nié.

L’armée assure surtout tenir le QG de son état-major, l’un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.

Quant à la télévision d’Etat, les deux parties assurent aussi l’avoir prise. Mais les habitants des alentours font état de combats continus tandis qu’à l’antenne, seuls des chants patriotiques sont diffusés, comme lors du putsch.

Alors qu’aucune trêve ne se dessine, médecins et humanitaires tirent la sonnette d’alarme: en temps normal déjà, au Soudan, les foyers ne sont alimentés en électricité que quelques heures par jour. Dans certains quartiers de Khartoum, elle est totalement coupée depuis samedi, comme l’eau courante.

Des médecins ont annoncé des coupures d’électricité dans des salles d’opération. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), « plusieurs des neuf hôpitaux de Khartoum qui reçoivent des civils blessés n’ont plus de sang, d’équipements de transfusion, de fluides intraveineux et d’autres matériels vitaux ».

Les patients, parfois des enfants, et leurs proches « n’ont plus ni à boire ni à manger », a affirmé un réseau de médecins pro-démocratie, disant ne plus pouvoir laisser partir en sécurité les patients soignés, ce qui crée « un engorgement qui empêche de s’occuper de tous ».

Les « couloirs humanitaires » de trois heures annoncés dimanche après-midi par les deux belligérants n’ont pas changé la donne: durant tout ce temps, explosions et tirs n’ont pas cessé à Khartoum.

L’ONU, qui avait proposé cette trêve humanitaire, s’est dite « extrêmement déçue » par ces violations, dénonçant « une intensification des combats » lundi matin.

Alors que plus du tiers des 45 millions de Soudanais avaient besoin d’aide humanitaire avant la récente flambée de violence, le Programme alimentaire mondial (PAM) a suspendu dimanche son aide après la mort de trois de ses employés, tués dans des combats au Darfour (ouest).

« C’est la première fois de l’histoire du Soudan depuis l’indépendance (en 1956) qu’il y a un tel niveau de violence dans le centre, à Khartoum », assure à l’AFP Kholood Khair, qui a fondé le centre de recherche Confluence Advisory à Khartoum.

Khartoum « a toujours été l’endroit le plus sûr du Soudan, pendant les guerres meurtrières contre des rebelles » lancées au Darfour et ailleurs dans les années 2000, poursuit-t-elle.

« Aujourd’hui, les combats se déroulent partout dans la ville, les FSR sont implantées partout et notamment dans des zones densément peuplées car les belligérants ont cru que la possibilité d’un bilan civil élevé allait dissuader l’autre camp: maintenant on sait que leur lutte de pouvoir à tout prix l’a emporté », ajoute Mme Khair.

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