Aujourd’hui, les communautés de scientifiques concernées par la recherche de la vie extraterrestre dans le Système solaire ne se focalisent plus sur la seule planète Mars. Les lunes glacées de Saturne (Titan et Encelade) et trois des quatre satellites galiléens de Jupiter sont aussi des endroits susceptibles d’abriter une forme de vie microbienne, d’où l’intérêt d’étudier l’habitabilité des lunes de glace.
Après Cassini qui a étudié le système saturnien, la sonde Juice, dont le lancement est prévu le 13 avril 2023, s’intéressera de près à Jupiter et à trois de ses lunes (Europe, Ganymède et Callisto) dont on suppose qu’elles abritent un océan souterrain.
Rime, un radar pour voir sous les surfaces glacées
Comme nous l’explique Didier Radola, chef du projet Juice pour Airbus, qui réalise la sonde, un des objets de la mission est de « déterminer s’il existe sous ces croûtes de glace des océans liquides susceptibles d’abriter des composants organiques, voire de la vie ». Pour cela, Juice embarquera 10 instruments, dont Rime (Radar for Icy Moons Exploration), un radar inédit. « Il s’agit du premier instrument capable d’effectuer des mesures directes du sous-sol à être déployé autour de Jupiter ».
Cet instrument réalisé par Thales Alenia Space est le plus important des 10 instruments à bord de la sonde. Il est essentiel au succès de la mission car il permet de détecter directement la structure interne des couches glacées. Pour cela, Rime fonctionne à une fréquence de 9 MHz, « c’est-à-dire à une longueur d’onde d’environ 30 mètres », et utilise une antenne dipolaire de 16 mètres. Ce radar sondeur est capable de pénétrer jusqu’à 9 kilomètres sous la surface de la glace avec une résolution verticale de 30 mètres. Il pourra donc explorer la structure interne de Ganymède, Callisto et Europa et « fournira des images d’une résolution d’environ 1 kilomètre sur 10, et de 50 mètres en profondeur ». Une performance très différente des dizaines de centimètres de résolution d’une caméra optique.
Il y a quelques jours, le radar Rime a été testé dans plusieurs configurations au cours d’une campagne d’essais de deux jours réalisée sur un terrain d’aviation situé à 30 kilomètres au nord-ouest du site d’Airbus de Friedrichshafen, en Allemagne. Ces essais, qui se sont bien déroulés, « nous ont permis de vérifier les résultats des simulations informatiques et de mesurer la performance radio de l’antenne, dans les mêmes conditions que si celle-ci était installée sur la sonde ». Il faut savoir que ces performances radio sont fortement affectées électromagnétiquement par le couplage avec la surface de la sonde et doivent être mesurées afin de calibrer l’antenne.
Ces tests ont été réalisés en plein air, « en raison de la plage de fréquence requise ». La sonde ne pouvant évidemment pas être transportée à l’extérieur, « l’antenne a été fixée sur une maquette de 3 m x 2 m x 2 m, spécialement construite à cet effet ». Didier Radola nous en dit plus sur ce radar.
Les mondes de Jupiter et la recherche de la vie
La recherche de la vie et la question de l’habitabilité de ces mondes seront le fil conducteur de cette mission. Les chercheurs supposent que ces trois satellites abritent, sous une épaisse couche de glace, des réservoirs d’eau à l’état liquide, comme des océans salés, des lacs qui pourraient abriter une forme de vie bactérienne ou autre. D’où l’idée de rechercher sur Europe des sites propices à une exploration des profondeurs ouvrant la voie à une mission qui pourrait être lancée à cette seule fin à l’horizon 2040.
Contrairement à la Nasa et ses moyens financiers importants, aptes à lui offrir une multitude de missions scientifiques, l’ESA se doit quant à elle d’être bien plus pragmatique et cohérente dans ses choix de missions. Elle ne doit pas léser une communauté scientifique au profit d’une autre et doit être en ligne avec les objectifs scientifiques de son programme Cosmique Vision, résumés en quatre questions :
- Quelles sont les conditions qui ont amené la formation des planètes et l’apparition de la vie ?
- Comment le Système solaire fonctionne-t-il ?
- Quelles sont les lois fondamentales de la physique de l’univers ?
- Comment l’univers a-t-il commencé et de quoi est-il fait ?
Cette mission a été préférée à deux autres candidates : l’observatoire spatial des ondes gravitationnelles (NGO, ex-programme Lisa) et le télescope spatial Athéna pour l’astrophysique à haute énergie. En raison de la grande valeur scientifique de ces deux missions et du travail déjà accompli, le comité du programme scientifique de l’ESA souhaite que ces deux missions soient candidates à de futures opportunités de lancement.