vendredi 19 avril 2024

A Tunis, l’errance d’une centaine de demandeurs d’asile et réfugiés

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Une couverture au sol, une bâche tendue sur un arbre: « on n’a pas d’endroit où aller, ni eau ni nourriture », explique Nasra, une Yéménite enceinte de neuf mois, réfugiée depuis mercredi comme une centaine d’autres demandeurs d’asile près du siège de l’Organisation internationale pour les migrations à Tunis.

Jusqu’à la veille, Nasra Mohammed, 27 ans, survivait avec son mari et leurs sept enfants dans un campement improvisé devant le bâtiment du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), dans le quartier chic du Lac, grâce à des aides de bénévoles.

Originaires d’une quinzaine de pays, surtout d’Afrique subsaharienne, ces réfugiés en attente d’une évacuation « vers un pays sûr » ont été dispersés mardi lors d’une intervention musclée de la police et leur campement a été démantelé.

Les agents ont utilisé des gaz lacrymogènes et procédé à des arrestations après qu’un groupe a tenté de pénétrer dans le bâtiment, selon des sources officielles tunisiennes.

La situation déjà précaire des demandeurs d’asile s’est détériorée en Tunisie depuis un discours incendiaire le 21 février du président Kais Saied contre l’immigration clandestine.

Des centaines de migrants économiques, pour la plupart en transit en Tunisie pour essayer de gagner l’Europe, se sont alors réfugiés auprès de leurs ambassades et un grand nombre ont été rapatriés, notamment vers la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Guinée et le Mali.

D’autres ont embarqué clandestinement à bord de bateaux au péril de leur vie. Plusieurs traversées vers l’Italie se sont terminées par des naufrages qui ont fait des dizaines de morts et disparus.

Contrairement aux migrants, les demandeurs d’asile ne peuvent pas se tourner vers leurs ambassades car ils risquent des représailles dans leurs pays. En outre, ils sont censés bénéficier d’une protection du HCR.

Sollicitée par l’AFP, l’agence de l’ONU n’a pas répondu mercredi sur le type de droits associés à ce statut.

Sur sa page Facebook, le siège tunisien du HCR s’est borné à exprimer son « profond rejet des violences » de la veille.

Selon le HCR, « un petit groupe » sur un total de « 200 réfugiés, demandeurs d’asile et migrants effectuant un sit-in depuis trois semaines » devant ses locaux, est « entré de force, causant des dégâts matériels ».

L’organisation a « réaffirmé son engagement à continuer de fournir une protection et une assistance vitale aux personnes déplacées en Tunisie ».

Nasra et sa famille ont quitté en 2020 le Yémen en guerre et sont arrivés en avril 2022 en Tunisie après un périple via le Soudan, l’Ethiopie, le Niger, l’Algérie puis la Libye.

« On nous dit de retourner dans notre pays mais il y a la guerre et la famine… Mon mari y est menacé de mort », confie-t-elle.

Nasra ne cache pas sa déception face au HCR qui a fait intervenir la police « pour être protégé: protégé de qui ? de réfugiés qui fuient la guerre, d’enfants, de personnes qui cherchent la paix ? ».

Très digne, entourée de ses enfants âgés de 2 à 12 ans, Nasra lance un appel « à l’ensemble des pays pour nous sortir de Tunisie où nous sommes en train de mourir en regardant nos enfants ».

Omar Khaled Ismaïl, un demandeur d’asile soudanais de 17 ans, travaillait depuis son arrivée en novembre 2022 et logeait chez son employeur. Mais, après le discours du président qui a déclenché une campagne contre la main d’oeuvre non déclarée, il s’est retrouvé à la rue.

« Je n’ai plus de travail ni où aller alors je suis revenu devant le HCR: ils m’ont assuré avoir pris un avocat pour discuter avec l’État (tunisien) afin de trouver une solution à nos problèmes », explique-t-il, soucieux de trouver un endroit décent pour passer la nuit.

Amar, 19 ans, un autre demandeur d’asile qui a fui la guerre en Centrafrique à l’âge de 9 ans et est arrivé en 2021 à Tunis après avoir vécu dans un camp de réfugiés au Tchad, se tourne lui aussi vers le HCR.

« Nous on est des réfugiés. On veut être emmenés dans un autre pays que la Tunisie où tu peux avoir du respect, où tu peux vivre et aller au supermarché sans être agressé ni insulté », dit-il.

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