mercredi 17 avril 2024

Tunisie: 300 personnes rapatriées par la Côte d’Ivoire et le Mali

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Environ 300 Ivoiriens et Maliens ont commencé à être rapatriés samedi depuis la Tunisie pour échapper aux agressions et à l’hostilité dont ils sont victimes après un violent discours du président Kais Saied contre les migrants subsahariens en situation irrégulière.

Le 21 février, M. Saied a affirmé que la présence en Tunisie d’immigrés clandestins provenant de pays d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays. Ce discours, condamné par des ONG comme « raciste et haineux », a provoqué un tollé en Tunisie où les Subsahariens font depuis état d’une recrudescence des agressions les visant et se sont précipités par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriés.

Après un premier vol ramenant au pays une cinquantaine de Guinéens mercredi, la Côte d’Ivoire et le Mali évacuent 300 de leurs ressortissants par avion samedi. Selon l’ambassadeur ivoirien à Tunis, Ibrahim Sy Savané, « le nombre de candidats au retour atteint 1.100« . Un chiffre significatif pour la communauté ivoirienne qui, avec au moins 7.000 personnes, est la plus importante d’Afrique subsaharienne en Tunisie, grâce à une exemption de visa à l’entrée. Quelque 30 étudiants ivoiriens, en situation régulière, font partie des rapatriés.

Le Mali a également affrété un avion pour rapatrier 150 personnes sur ordre d’Assimi Goita. Leur avion devait décoller à 9H00 locales (8H00 GMT). Des Guinéens rentrés par le tout premier vol de rapatriement mercredi ont témoigné auprès de l’AFP d’un « déferlement de haine » après le discours de  Saied, et de plusieurs jours de « cauchemar ».

Un bon nombre des 21.000 ressortissants d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail –généralement informel– et leur logement, du fait de la campagne contre les clandestins. Plusieurs dizaines ont été arrêtés lors de contrôles policiers, et certains sont encore en détention.

D’autres ont témoigné auprès d’ONG de l’existence de « milices » qui les pourchassent, les frappent et les détroussent. Cette situation a provoqué l’afflux de dizaines de personnes vers leurs ambassades, en particulier la Côte d’Ivoire et le Mali, qui ont décidé d’en héberger jusqu’à une centaine en urgence. D’autres migrants, encore plus vulnérables car issus de pays sans ambassade à Tunis, ont rejoint un campement improvisé devant le siège de l’Office international des migrations (OIM), où ils dorment dans le froid et des conditions insalubres. Pour accélérer les rapatriements, la Tunisie aurait renoncé à réclamer aux personnes en situation irrégulière des pénalités (80 dinars, 25 euros par mois de séjour irrégulier) qui, pour certains, dépassaient les 1.000 euros, selon le diplomate malien.

Parmi les candidats au retour, figurent des dizaines d’étudiants, venant parfois de familles aisées, inscrits dans des universités et des centres de formation créés au titre de la coopération entre la Tunisie et leurs pays. Apeurés, beaucoup sont rentrés par leurs propres moyens tout au long de la semaine, selon un de leurs représentants. L’Association des étudiants étrangers AESAT a documenté l’agression, le 26 février, de « quatre étudiantes ivoiriennes à la sortie de leur foyer universitaire » et d' »une étudiante gabonaise devant son domicile ». Dès le lendemain du discours de M. Saied, l’AESAT avait donné comme consigne aux étudiants subsahariens « de rester chez eux », les priant de ne plus « aller en cours ». Une directive prolongée au moins jusqu’au 6 mars.

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