Les astronomes actuels les appellent souvent les lunes galiléennes, mais le grand public les connaît sans doute plus sous le nom que leur a donné un astronome allemand contemporain de Galilée, à qui l’on doit la première observation de la galaxie d’Andromède dans une lunette : Simon Marius. Sur une suggestion d’un autre bâtisseur du Ciel, le génial Kepler, Marius proposa donc les noms qui allaient rester et qui correspondent à des personnages de la mythologie grecque, maîtresses et amants de Zeus (Jupiter dans la mythologie romaine), soit respectivement en s’éloignant de Jupiter Io, Europe, Ganymède et Callisto.
Mais, c’est vraiment avec les missions Voyager célébrées par les regrettés Carl Sagan, aux États-Unis, et son collègue et ami André Brahic, en France, que l’on va vraiment rêver des lunes galiléennes et en particulier aux volcans d’Io et à l’océan global d’Europe. On espère en savoir plus à leur sujet d’ici une décennie avec Juice, pour Jupiter Icy Moons Explorer, une mission de l’ESA, et Europa Clipper, une mission de la Nasa.
Le scénario est quelque peu iconoclaste et même paradoxal de prime abord. En effet, hors Io, la volcanique, les données concernant les études faites depuis Voyager avec ensuite les sondes Galileo et actuellement Juno ont montré sans l’ombre d’un doute que Europe, Ganymède et Callisto sont très riches en eau, avec des océans souterrains cachés dans le cas de Ganymède et Callisto au point de constituer la moitié de la masse environ de chacune de ces lunes galiléennes externes.
Un raisonnement naïf, mais plausible, et des modélisations plus savantes laissent immédiatement penser qu’elles sont accrétées à partir de matériaux riches en glace. Les planétologues proposent aujourd’hui tout l’inverse, Europe, Ganymède et Callisto se seraient formées à partir de matériaux rappelant celui connu sur Terre sous la forme de météorites, des chondrites dénuées de glace pour être précis.
Pas de glace mais des argiles hydratées
Comment résoudre ce paradoxe ? Tout simplement en se rappelant que pauvre en glace ne signifie pas pauvre en eau, car il existe ce que l’on appelle des minéraux hydratés où, bien que la molécule H2O soit possiblement absente, on trouve quand même des radicaux OH en abondance qui, eux, peuvent se retrouver finalement sous forme d’eau par une série simple de réactions physiques et chimiques.
Toujours pour être précis, les minéraux hydratés considérés par les chercheurs sont des phyllosilicates, l’un des principaux groupes d’aluminosilicates bien connus des géologues et pétrographes sur Terre. Ce qui est important ici, c’est que ces minéraux sont des matériaux argileux qui peuvent contenir jusqu’à 10 % d’équivalent en eau piégé dans leur espace intercalaire.
La formation de Jupiter se serait accompagnée d’un équivalent du disque protoplanétaire entourant le Soleil, c’est-à-dire un disque de gaz et de poussières, puis de cailloux, marqué par un gradient thermique. En clair, les zones internes du disque étaient plus chaudes que les externes. Des mécanismes de migration similaire auraient entrainé vers l’intérieur du disque les particules nées dans la partie externe. Le chauffage produit en s’approchant de la Jupiter jeune encore en formation et se contractant dans le disque aurait fait s’évaporer des phyllosilicates des molécules qui vont donner de la vapeur d’eau.
Une partie de cette vapeur va ensuite diffuser vers l’extérieur où elle va être attirée par les lunes en formation pour finir par s’y condenser sous forme de glace. Au final, Io aurait été le produit de l’accrétion de cailloux et roches qui se sont desséchés en migrant vers l’intérieur du disque.
Ce scénario a des implications sur la composition de l’eau de l’océan d’Europe et donc des implications sur les attentes des exobiologistes à son sujet. On en saura sans doute plus à l’horizon des années 2030 quand Juice et Europa Clipper seront sur place et commenceront leurs programmes d’études.