L’Algérie a rappelé son ambassadeur en France pour marquer son mécontentement après l’exfiltration vers Paris via Tunis d’une militante des Droits de l’Homme, Amira Bouraoui.
Nouvelles tensions entre la France et l’Algérie. Alger a rappelé, ce mercredi, «pour consultations», avec effet immédiat, son ambassadeur en France, Saïd Moussi, pour protester contre «l’exfiltration illégale» de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui.
Cette affaire risque de raviver les tensions bilatérales, alors que les relations entre les deux pays semblaient se réchauffer, du moins selon les déclarations officielles à la suite d’une visite à Alger de la Première ministre française, Elisabeth Borne.
Cet épisode faisait déjà suite à une série de tension. Alger avait notamment rappelé pour consultation son ambassadeur après des déclarations de l’Elysée. Un chaud et froid à vrai dire fréquent depuis l’indépendance en 1962 de ce qui était une colonie française depuis 1832, à l’issue d’une guerre civile qui a fait des centaines de milliers de victimes.
Une figure du Hirak
L’Algérie a protesté officiellement contre l’exfiltration «clandestine et illégale d’une ressortissante algérienne». Amira Bouraoui, qui possède la double nationalité franco-algérienne, est une figure des révoltes citoyennes en Algérie depuis 2014 et notamment du Hirak, le soulèvement populaire qui a abouti, avec l’appui final de l’armée, à la chute du président défunt Abdelaziz Bouteflika, en 2019. L’armée, qui contrôle la vie politique mais aussi économique en Algérie, était revenue ensuite sur ses promesses de démocratisation et a fait arrêter de nombreuses figures du Hirak.
Amira Bouraoui, médecin de formation, militante et journaliste de 46 ans, a été condamnée à multiples reprises à des peines de prison avec sursis pour «offense à l’islam», «offense» au président de la République Abdelmadjid Tebboune, «outrage à un fonctionnaire», «incitation à violer le confinement» covid-19, «atteinte à l’unité nationale» et «informations fausses ou calomnieuses, susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public». Depuis septembre 2022, elle animait une émission politique hebdomadaire sur une radio privée, Radio M12.
La visite à Paris du président algérien en question
Après avoir bénéficié fin 2022 d’une remise en liberté conditionnelle, elle faisait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire algérien. Elle avait été interpellée par la police tunisienne alors qu’elle cherchait à prendre un avion pour la France, munie de son passeport français et menacée d’expulsion vers l’Algérie. Amira Bouraoui, a finalement pu embarquer lundi soir sur un vol à destination de la France. Elle s’était placée sous la protection du consulat français à Tunis, avant d’être exfiltrée vers la France selon des modalités non précisées.
Alger dit avoir exprimé sa « ferme condamnation de la violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’Etat français » et a rejeté ce développement « inadmissible et inqualifiable » qui cause « un grand dommage » aux relations algéro-françaises. Mercredi matin, le journal gouvernemental El Moudjahid a dénoncé, dans un éditorial, un acte « très inamical » envers l’Algérie et la Tunisie. La visite du président algérien à Paris programmée pour le mois de mai, semble potentiellement menacée.