vendredi 29 mars 2024

Tahar Ben Jelloun formule les remontrances de Rabat à Macron, « obsédé » par Alger

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Pour l’écrivain Tahar Ben Jelloun, la France a commis une grave erreur en réduisant la délivrance des visas pour entrer sur son territoire.

Le célèbre écrivain estime que M. Macron a tort d’abandonner les relations historiquement bonnes et stratégiquement bénéfiques qu’il entretient avec le Maroc pour s’attirer les bonnes grâces du régime algérien.

 Dans le contexte de la controverse qui entoure la décision de la France de réduire considérablement le nombre de visas délivrés aux Marocains, l’écrivain Tahar Ben Jelloun estime que le gouvernement français commet de “graves erreurs” qui risquent de porter un coup irréparable aux relations franco-marocaines, stratégiques et mutuellement bénéfiques.

Dans un article d’opinion publié lundi par Le Point, un grand journal français, l’écrivain marocain a déploré le fait que les hauts responsables de la France n’ont apparemment aucune idée des conséquences profondes de la détérioration des relations entre la France et le Maroc.
“Apparemment, ni le président Emmanuel Macron ni son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, ne sont conscients de la détérioration des relations entre la France et le Maroc”, a déclaré l’écrivain, citant les récents développements qui ont suivi la décision de Paris de réduire le nombre de visas accordés aux Marocains

Une réaction virale et féroce contre les refus “injustifiés” de visas pour les Marocains par la France se répand rapidement parmi les net-citoyens marocains, dont beaucoup ont exprimé leur frustration à l’égard de la décision française et ont appelé le Maroc à répondre de la même manière.

Parmi les voix qui remettent en cause la décision de la France figure la Fédération nationale des droits des consommateurs (FMDC), qui a récemment adressé une lettre à l’ambassade de France à Rabat pour demander aux consulats français de rembourser les demandeurs dont les demandes de visa ont été rejetées.
La diplomatie maghrébine malavisée de Macron
Pour sa part, Benjelloun a lié la situation de plus en plus dégradée à la politique maghrébine malencontreuse de Macron. “Macron n’a aucune sensibilité maghrébine. En revanche, il est obsédé par l’Algérie et croit qu’il va réussir à assainir les relations franco-algériennes. Nous lui souhaitons bonne chance”, a-t-il écrit.
Macron a parlé à plusieurs reprises de sa détermination à réparer les relations historiquement difficiles de la France avec l’Algérie.
La réconciliation avec l’Algérie, comme l’a récemment conclu un rapport commandé par Macron sur l’histoire tumultueuse franco-algérienne, ne peut se faire que par une prise en compte honnête de l’héritage de la sanglante guerre d’indépendance algérienne qui a coûté la vie à plus de 1,5 million d’Algériens tués et déplacé plusieurs autres millions.
Étant donné les rapports récents selon lesquels Macron se rendra bientôt en Algérie pour indiquer davantage son désir de forger une réconciliation franco-algérienne, Benjelloun a soutenu, il est sûr de conclure que le président français “sacrifie la bonne entente avec le Maroc dans l’espoir d’obtenir des militaires algériens de meilleures dispositions envers son pays.”

Cependant, poursuit l’écrivain marocain, Macron a tort de laisser tomber les relations historiquement bonnes et stratégiquement bénéfiques avec le Maroc pour être dans les bonnes grâces du régime algérien. “Macron se trompe. Le régime militaire algérien, qui s’accroche à ce qu’il a lui-même appelé ‘la rente mémorielle’, ne lui donnera rien. Il maintiendra le système de la culpabilité jusqu’au bout. S’il fait ce voyage, c’est qu’il n’a pas compris le mécanisme d’un système qui ne fait aucune concession.”

Pour Benjelloun, un autre facteur de dégradation des liens franco-marocains est l’inconfort perceptible de la France à ne plus être le centre de l’attention diplomatique du Maroc.

“Le Maroc n’est plus centré sur la France. C’est un fait observé dans plusieurs domaines. Il a commencé à diversifier ses amitiés et ses relations politiques et stratégiques”, a-t-il souligné. “En signant les accords d’Abraham, et en réussissant à faire évoluer la position de son voisin espagnol vis-à-vis du Sahara, il prend ses distances avec la France, dont le soutien reste très mesuré, de peur de fâcher l’Algérie, qui maintient un conflit armé artificiel au Sahara.”

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